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La surveillance des cours de récréation:

risques et enjeux nouveaux, méthode.


 


 


 

De plus en plus souvent, les enseignants et surtout les directeurs d'école se trouvent en difficulté suite à des incidents qui se sont produits en rapport direct ou indirect avec le déroulement des récréations.

La récréation a toujours été un point sensible de la vie scolaire du fait qu'elle tient dans le rythme journalier très contraignant, une place laissée non seulement à la récupération mais surtout à la détente et même au défoulement.

Les accidents, la plupart du temps bénins ou de moyenne gravité , qui se produisaient jusqu'à présent, présentaient le plus souvent un caractère fortuit qui, dans presque tous les cas, ne pouvait être rattaché à un manque de surveillance. Il s'agissait notamment de chutes ou de chocs liés à la maladresse ou à des interférences mal contrôlées par les enfants eux-mêmes.

Des incidents d'un type nouveau apparaissent avec des effets beaucoup plus angoissants aussi bien pour les familles que pour les élèves et, évidemment très déstabilisants pour les enseignants.

L'exposé qui suit cerne la différence entre les préoccupations antérieures et les soucis nouveaux, décrit les figures nouvelles de l'insécurité sur la cour et propose aux enseignants des solutions pour améliorer leur efficacité dans la surveillance.


 


 

Une tradition paisible et des pratiques rituelles.


 

Afin de rendre paisible et même mieux, éducatif, le temps passé sur la cour par les élèves, les efforts ont d'abord été matériels depuis quelques décennies.

La première hypothèse consiste à estimer qu'en réduisant les facteurs physiques du risque, les « points noirs » de la cour, la surveillance sera plus facile.

C'est ce qu'on appelle chez les experts la « sécurité passive »: on supprime les facteurs extérieurs du risque sans rien demander aux acteurs eux-mêmes. On les protège en aménageant l'environnement. Cette démarche dite « sécuritaire », même si elle est parfois suspectée d'être maniaque, continue à se développer en dépit d'une objection, il est vrai peu répandue: à vouloir supprimer tous les risques, ne pousse-t-on pas les enfants à en chercher par de nouvelles conduites imprévisibles et incontrôlables?

Une autre hypothèse plus ancienne peut-être que la précédente, se rattache aux idées de « l'éducation nouvelle »: si, au lieu d'être livrés à eux-mêmes et d'improviser sur la cour des jeux potentiellement dangereux, on offre aux enfants des espaces entièrement aménagés de jeux attractifs, on éliminera les risques d'accident. Le raisonnement va même au-delà: si ces équipements sont bien conçus, ils offriront l'opportunité d'expériences éducatives. Alors la cour de récréation sera un prolongement de la classe: on y jouera intelligemment.


 

Parallèlement, l'effort des enseignants pour surveiller, semblait pouvoir, sinon disparaître, du moins se réduire. Dans cet environnement protecteur et éducatif, une présence discrète semblait suffisante.

S'est mise alors en place, ce que l'on peut appeler une « bonne pratique administrative » de la surveillance. Elle consiste essentiellement à administrer la surveillance par des décisions de gestion: élaboration de tableaux de surveillance, vigilance pour que les « tours » soient respectés, détermination d'un encadrement proportionnel au nombre d'élèves et adapté à la topologie (surface, forme des aires extérieures, présence ou non de recoins etc ...) Des organisations plus complexes avec décalage des récréations, fractionnement de celles-ci en unités de temps, séparation dans le temps des « petits et des grands »sont également à porter au compte d'une bonne gestion du flux des d'élèves sur la cour. La récréation était réputée bien surveillée lorsque le directeur était en mesure de produire à toute requête hiérarchique ou non, des documents écrits de type « planning » explicites et tenus à jour.

Cette façon de faire demeure d'ailleurs très utile dans la mesure où, en cas d'enquête administrative ou judiciaire (suite à une plainte), de tels documents sont requis et constituent une base de dossier: nous ne l'oublierons pas au moment de fournir plus loin une liste d'indications pour améliorer les pratiques.


 


 

De nouveaux facteurs d'insécurité sur la cour et un climat de plus grande inquiétude.


 

Pour saisir les données nouvelles dans toute leur étendue, on se placera successivement du point de vue des trois acteurs essentiels: élèves, parents, enseignants.


 


 

Concernant les élèves, de nouveaux comportements à risques ou générateurs de troubles sont liés:


 

    • au symptôme hyper-actif: instabilité, défaut d'attention dans le jeu, motricité dominée par l'impulsion. Les équipements, même adaptés, les contiennent mal.

    • aux tendances transgressives par rapport aux règles: refus d'utiliser les jeux et les équipements en fonction de ce pourquoi ils sont faits. Détournement de la règle et du matériel.

    • À des violences mimétiques: reproduction de situations violentes absorbées devant la télévision ou les jeux vidéo.

    • diffusion d'un répertoire parallèle ou souterrain de jeux à risques: la presse fait périodiquement état d'accidents sérieux au cours de jeux tels que « la garde à vue », « le petit pont », divers rituels visant la perte de la respiration ou les marquages corporels (scarifications).

    • colportage sur la cour de documents pornographiques (notamment DVD).

    • vol et rackett.

    • comportements sexuels problématiques voire délictueux: voyeurisme, exhibitions, attouchements et même certains forçages.

    • phénomènes de clans ou de bandes visant à assurer la domination sur les plus faibles.


 

Concernant les parents, ces nouvelles conduites alimentent soit la dramatisation, soit la sous-estimation, soit le déni.


 

    • la dramatisation: lorsqu'ils exagèrent les conséquences possibles pour leurs propres enfants, ou lorsqu'ils imaginent que des incidents rares sont quotidiens. Ils peuvent également sur-interpréter des anecdotes rapportées au domicile par leur enfant.

    • la sous-estimation se produit lorsqu'un enfant qui se sent en insécurité à la récréation n'est pas pris au sérieux à la hauteur de son angoisse. C'est le cas pour les intimidations chroniques auxquelles se livrent des caïds ou des bandes sur des camarades timides.

    • le déni est très ennuyeux lorsque des parents que l'on place devant des brutalités avérées, effectuées par leur enfant, rejettent complètement les faits.

Une atmosphère de suspicion à l'égard de l'école et des enseignants est ainsi entretenue dans certaines familles très protectrices. Un incident, même mineur, touchant leur enfant peut alors déclencher des réactions très hostiles envers l'école.


 


 

Concernant les enseignants, ces faits nouveaux engendrent de nombreuses réactions:


 

    • ils peuvent minimiser ou dénier leur réalité, soit parce que « ce n'est jamais arrivé dans notre école », soit parce que la brutalité du fait ne peut s'incorporer à leur représentation des élèves.

    • certains imaginent l'école comme isolée du reste de la société et peu menacée par la violence (idéalisme). Les tendances sociologiques lourdes ne sont pas intégrées.

    • il existe aussi une tendance devant cette menace, de quêter une protection juridique, de se trouver « couverts » en cas d'incidents qui dégénèreraient en plaintes. Cette demande peut se comprendre à partir d'un raisonnement tel que: « à l'école, nous ne devrions pas voir ces choses là ». En tous cas le questionnement sur les responsabilités se trouve relancé.

    • la demande d'être assistés d'un encadrement supplémentaire (des éducateurs, des surveillants) se fait jour également accompagnée de cette idée que ce qui se déroule en dehors de la salle de classe relèverait d'une intervention spécifique.

Au delà tout de même de ces réactions d'incrédulité ou d'auto-protection, les maîtres cherchent à intervenir, à remédier, à trouver des solutions pour des récréations plus sûres. Dans quelle direction faut-il aller pour améliorer la situation? Quelle méthode adopter? C'est ce que nous allons maintenant examiner en allant du champ le plus large de l'action (l'école) au plan le plus détaillé (la surveillance de la récréation).


 


 

En direction des élèves:


 

on va chercher à être très explicite sur ce que l'on attend d'eux dans la cour de récréation. Ainsi le règlement propre à la vie dans la classe pourra être complété par des règles à observer sur la cour. En début d'année, pour les élèves les plus grands, il est utile d'organiser un moment de réflexion, dans le cadre de l'éducation civique, sur la manière de se conduire dans la cour: les limites, interdits et règles, sont alors justifiés et rationalisés. Si on organise dans sa classe un temps de « conseil hebdomadaire », les incidents survenus en récréation seront évoqués pour en évaluer le degré de gravité, cerner la responsabilité et, le cas échéant, prononcer les sanctions et les réprimandes.


 

Par rapport aux parents:


 

l'information qui leur sera donnée vise à les rendre conscients des initiatives que prend l'école et de la volonté de celle-ci de contrôler un moment de la vie scolaire parfois en but à des méfiances. Il est nécessaire également de leur faire connaître que leur enfant, sur la cour, est un élève; que l'on attend donc de lui les mêmes attitudes qu'en classe, et que, par conséquent, la manière d'appréhender les transgressions est aussi sérieuse. Le règlement de cour leur sera donné et commenté. Les interdictions d'apporter à l'école tel et tel objet ou jeu seront alors justifiées en fonction des risques liés à la cour de récréation. L'instance la plus adaptée à cette information est la réunion de classe de début d'année. Les parents qui ne s'y rendent pas seront destinataires d'un document écrit, bref, explicite et sans jargon.


 


 

Sur le plan de l'organisation collective des enseignants:


 

la meilleure façon d'aborder globalement le problème est de confier au conseil des maîtres l'élaboration d'une charte de la surveillance qui prendra en compte l'ensemble des questions: initiatives dans les classes, règlements, information des parents, rédaction des tableaux de surveillants, protocole de surveillance de la cour, observation des « points noirs » de la récréation.

Une telle initiative n'a pas besoin d'être revisitée de fond en comble tous les ans. Il suffit de faire un bilan de son application et de corriger, d'accentuer ce qui est nécessaire.

Pour la bonne réussite d'un tel travail, il est nécessaire que le directeur l'introduise en mettant en évidence la supériorité d'un système organisé sur un fonctionnement implicite et aléatoire. Il est évident que c'est avantageux d'anticiper, de cadrer: on diminue les risques d'incidents mais on se couvre également de leurs conséquences car on est en mesure de rendre compte, lors d'une investigation hiérarchique ou policière, des précautions prises.


 


 

La surveillance des récréations: éléments de méthode.


 

Les circulaires et notes de service se limitent à prescrire une surveillance « effective » ou « active » sans davantage de précision quant aux actions à mettre en oeuvre. Qu'est-ce donc qu'une surveillance effective? Comment y parvenir en essayant d'aller plus loin que les déclarations de principe?

Pour définir cette surveillance efficace , on ne peut faire mieux que de construire le répertoire de tous les actes nécessaires et utiles. Voici donc une première liste de ceux-ci. Elle ne compte pas de priorités, elle n'est pas forcément complète, on peut, en fonction du contexte local et de l'expérience de l'équipe, y ajouter ou y retrancher.


 

    • présence des surveillants en début et en fin de récréation: la présence d'au moins un surveillant doit précéder, même de très peu, l'arrivée des élèves. Même contrainte pour la sortie: une surveillance « balai » s'impose pour ne pas « oublier » d'élèves, ou en laisser un qui aurait pu se dissimuler pour se soustraire à l'entrée en classe.

    • La mobilité des surveillants. Elle permet de mieux couvrir l'espace, de varier les points de vue. Elle est perçue par les élèves enclins aux transgressions comme dissuasive (quelqu'un peut arriver n'importe quand).

    • Les mêmes surveillants restent en poste du début à la fin de la récréation. La récréation a un déroulement, une histoire. Des élèves qui ont été répérés et neutralisés vont tenter de recommencer la même opération avec un changement de surveillant qui ignore le passé immédiat.

    • Au cours de la récréation plusieurs passages par les toilettes sont indispensables. Ce n'est pas un lieu « hors surveillance ». Un passage s'impose en tout début (moment de grande effervescence) et à la fin.

    • Le surveillant exerce souverainement sur tous les élèves qui sont sur la cour ses prérogatives de surveillance et de remontrance. Il n'y a pas de domaine réservé. (Ce n'est pas mon élève).

    • Les jeux, gestes et toutes activités interdites, dont l'interdiction est consignée dans une liste (règlement de cours, de classe etc...) sont interrompus sans délais.

    • Des sanctions comportant au minimum la mise à l'écart, sont appliquées en cas de transgression grave ou de récidive d'un acte plus banal.

    • Les procédures pour sortir sur la cour et se rassembler en fin de récréation pour entrer en classe sont explicitées et appliquées sans exception.

    • Des signaux audibles de tous les élèves signalent la fin de la récréation.

    • Un cahier de « surveillance de cour » est ouvert. Il mentionne, même de façon très brève, des incidents ou des observations importantes relevés par les surveillants. Ces données consignées sont décisives soit pour mettre en place des sanctions, soit pour porter à la connaissance d'un enseignant concerné, soit en vue d'une mise au point avec les parents. Le surveillant qui inscrit ces remarques, date et signe.

    • Les objets interdits sur la cour sont saisis immédiatement. Selon les cas, ils sont rendus soit à la sortie à l'élève soit à la famille.

    • Le directeur veille à ce que tous les documents rattachables à l'organisation de la surveillance de la cour (règlement, planning, cahier de cour etc...) soient rédigés explicitement, datés, signés. Ces documents doivent exprimer leur période de validité. Ils constituent à la fois une mémoire et un justificatif.


 

Pour terminer, quelques remarques sur la nécessité d'obtenir un accord de l'équipe entière. Il ne s'agit nullement ici d'entrave à la « liberté pédagogique » mais bien au contraire de protéger chaque enseignant des conséquences d'un « chacun pour soi ».

Je mentionne deux effets, particulièrement fâcheux, d'une pratique anarchique de la surveillance de la cour:

    • elle aboutit à une inégalité de traitement des élèves et à la survenue chez eux d'un sentiment d'injustice (qu'ils se chargeront de réparer hors de notre intervention)

    • la naissance chez les élèves de ce sentiment extrêmement fragilisant: pourquoi les enfants obéiraient-ils à des lois, tandis que les adultes qui les éduquent ne sont pas capables de s'en donner eux-mêmes?

 


Date de création : 19/02/2010 @ 15:47
Dernière modification : 01/05/2015 @ 18:02
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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