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Tutorat = travail en binôme?

De l'entraide à l'aide?

Enseigner auprès des enfants et avec eux?

Partage des apprentissages.

Former? (études de pistes multiples).

 
1. Introduction
2. Réciprocité : échanges symétriques
3. Collaboration, partage des tâches.
4. Aide directe : relations dissymétriques.
5. Conclusion



1. Introduction

En choisissant d’aborder ce sujet, la première difficulté rencontrée est celle de l’identification exacte de la problématique. Les multiples interrogations citées ci-dessus ne sont qu’un petit échantillon de ce qui se télescope dans ma tête. Ma dernière expérience professionnelle auprès des « enfants du voyage » m’a conduite à m’attarder sur la question du « tutorat » si souvent évoquée par les collègues comme un recours possible pour ces enfants en grand décalage scolaire. C’est en essayant, avec eux, de « creuser l’idée » de cette aide à la difficulté que j’ai pris la mesure du malaise. On pouvait entendre, chez les enseignants, le désir d’essayer « autre chose » avec ces enfants à la scolarité particulière, mais le dispositif d’apprentissage envisagé mettait à mal l’ensemble des équipes. Tout le monde s’exprimait sur cette pratique et sur sa mise en œuvre effective dans les classes avec le plus grand flou. Chacun restait évasif et il apparaissait clairement que personne ne savait exactement ce que pouvait recouvrir ce terme de tutorat. J’étais dans la même « panne » et je cherchais juste à comprendre pourquoi son évocation était si largement généralisée lorsque les enseignants se sentaient démunis face à des lacunes gigantesques dans les acquisitions scolaires et face à des modes d’apprentissages déstabilisants. La scolarité des « enfants du voyage » me semblait induire fortement des malentendus sur la perception individuelle de ce système d’enseignement qui voudrait, selon certains théoriciens que « les apprenants s’aident les uns les autres et apprennent en enseignant » [Goodlat et Hirst].

Il y avait dans la projection pratique d’une mise en place du tutorat spécifiquement pour les enfants du voyage un déni partiel de cette posture. Dans les cas qui nous intéressaient, il n’y avait pas de réciprocité et ce n’est que confrontés à ces réalités autres que nous entrions dans la complexité du dispositif. Ce mot « tutorat » ne pouvait en aucun cas ni éclairé ni fédéré. Il était essentiel de lister les activités qui, de près ou de loin, pouvaient s’apparenter à une démarche « tutorale » pour juger de l’opportunité de leur utilité.

Dans beaucoup de classes, les enseignants ont mis en place des activités au quotidien qui s’inscrivent dans des approches d’apprentissage entre pairs pouvant ( dans certains cas seulement ) s’apparenter à une aide à la difficulté. Il s’agit donc de « visiter » dans sa pratique quotidienne ou dans celle des collègues les différentes propositions (au sein de petits groupes ou en relations duales). Elles sont nombreuses mais il est bien difficile d’y trouver un fil conducteur parce qu’en y regardant de près, elles peuvent avoir des visées différentes et le « tutorat » en tant qu’aide n’en est qu’une parmi d’autres.

Si nous voulons balayer toutes les interactions formatrices, il nous faut considérer cette réflexion non pas uniquement sous son aspect « aide réelle » mais plus globalement en incluant toutes les « expérimentations » où les enfants seront mis dans des situations actives avec leurs pairs que ce soit dans une relation de réciprocité ou de collaboration et de partage des tâches.

Dans ce panel, nous pourrons, à l’éclairage d’exemples concrets, nous essayer à répertorier les bénéfices attendus tout en relevant les précautions à prendre, les enjeux relationnels entre les enfants mais aussi entre élèves et enseignant(e) qui sont souvent occultés alors même qu’ils occupent une place prépondérante dans ces expériences.

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2. Réciprocité : échanges symétriques

Maternelle
Dès la moyenne section de maternelle, la mise en place d’échanges symétriques est non seulement envisageable mais souhaitable. Il y a là un premier enjeu d’ordre social réel : il s’agit de permettre aux enfants de « couper le cordon ». L’enseignant très sollicité, très convoité par chacun de ses élèves ne sait parfois plus où « donner de la tête » et cela de manière accrue avec l’augmentation du nombre d’enfants ayant des troubles du comportement.
Développer dans sa classe, par l’intermédiaire d’échanges entre élèves, la socialisation est un objectif à considérer comme prioritaire. A cet âge très égocentrique, « s’aider à …. » permet de prendre en compte l’autre et de sortir de la relation possessive et exclusive que chacun voudrait maintenir avec l’enseignant. A titre d’exemple, les gestes pratiques tels que : s’aider à……., mettre ou retrouver un vêtement, fermer la blouse de peinture qui s’attache dans le dos, appréhender un obstacle en EPS, trouver un outil et l’utiliser à bon escient au cours d’ateliers libres !

Elémentaire
Dès les premières classes de l’élémentaire, ces échanges symétriques seront mis au service des apprentissages scolaires sans oublier la préservation des acquis de maternelle concernant la socialisation. Un premier exemple : la dictée de mots (CP, CE, voire CM). Les enfants n’ayant pas forcément la même liste de mots à apprendre (le nombre de mots, révision de certaines difficultés personnelles identifiées par l’enseignant), ils se dictent une fois par semaine et en binôme les mots révisés, pouvant même assurer la correction ensemble (ce qui est un très bon biais pour développer la communication). Un deuxième exemple, en EPS (tous niveaux). Echauffement à deux ou trois, s’observer pendant un match ou une course pour se dire ce qui est bien et ce qui peut être amélioré, assurer la parade d’un pair sur certains exercices acrobatiques. Dernier exemple, exercices où les rôles s’inversent successivement (tous niveaux). « Tu fais, je te dis ce que j’en pense. Je fais, tu me dis ce que tu en penses. » Nous pourrions illustrer à l’infini ce type d’activité, mais en se limitant à quelques exemples, il s’agit principalement d’identifier dans sa propre pratique des assimilations ou de faire évoluer certains exercices dans ce sens.

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3. Collaboration, partage des tâches.

L’approche suivante a pour but principal de mettre l’accent sur le langage en tant qu’outil privilégié des pratiques de collaboration.

Le rôle de l’enseignant est ici en apparence de 2ème ordre dans le déroulement des activités mais de tout premier ordre dans la préparation des dites activités. Il aura alors à organiser les situations et à définir les modalités de fonctionnement (pas d’improvisation !) mais aussi de superviser les activités ciblées tout en assurant le cadre. Il devra accepter le rôle de maître d’œuvre, un rôle frustrant si l’enseignant n’arrive pas à prendre de la distance par rapport à sa place habituelle dans laquelle il assume tous les rôles à la fois. Il ne sera pas vécu comme celui qui « nourrit », qui sait et redonne. Mais s’il surmonte cette petite contrariété, il sera à même de voir, de considérer et d’évaluer ses élèves avec un regard très différent. Il sera à même de les jauger dans leurs difficultés particulières, sachant que les traits de caractère ainsi révélés peuvent être des indications réelles sur le positionnement de nos élèves face aux apprentissages. Cette place peut être longue à trouver et l’interventionnisme guette tout enseignant en apprentissage « d’effacement ». Il faut se donner du temps et maintenir une certaine vigilance contre nos tendances naturelles à vouloir tout dominer. Certes, ces ateliers ou activités sont bien des procédures réfléchies et conduites par l’enseignant mais pour être porteuses de sens, elles ne peuvent reposer que sur la confiance que l’on décide d’accorder à nos élèves. Ce n’est que dans un climat d’accompagnement que l’enseignant valorisera l’image que ses élèves ont d’eux-mêmes, notamment sur leurs capacités, et instaurera le sens de l’acte d’apprendre en les impliquant aussi directement. Il ne mettra pas sa place d’enseignant en péril pour autant mais il sera là, et bien là, autrement ! A titre d’exemples.

Maternelle
En école maternelle, activités de résolution ou de construction par deux ou trois.
- Résoudre des situations problèmes avec comparaison des résultats obtenus.
1.Combien d’animaux le personnage principal de l’album a-t-il rencontré tout au long de l’histoire ?
Consigne : donner une réponse écrite pour les grandes sections et orale pour les moyennes sections.
2.Voici un paquet de feutres sans capuchons. Vous devez vous mettre d’accord et aller chercher juste ce qu’il faut de capuchons dans la boîte située sur le bureau.
- Partager des tâches.
Sur un grand format de feuilles quadrillées, demander aux enfants de remplir chaque case, soit avec des couleurs, soit avec du graphisme. Les cases qui se touchent ne doivent pas contenir les mêmes couleurs ou graphismes.
Réalisation d’une affiche pour annoncer aux parents ou aux autres classes un évènement interne (spectacle……). L’adulte copie les mots au tableau, il faut alors repasser les lettres à l’aide de feutres, dessiner les numéros présentés, reproduire les clowns à l’aide de pochoirs…..


Elémentaire
Sur les classes élémentaires, les procédés sont assez semblables et nous gardons le même objectif : apprendre quelque chose ensemble et entre eux.

Les travaux de recherche (français, mathématiques, géographie…….) se prêtent plutôt bien à cette démarche. Chacun apporte son approche, sa compréhension, ses hypothèses. Le tout nourrira les échanges verbaux, au profit, le plus souvent, d’une synthèse écrite. Ils sont d’autant plus intéressant qu’ils permettent souvent à l’enseignant de repérer les contradictions et les confusions qu’il pourra retravailler en position magistrale face à sa classe entière.

Les validations de mémorisation. C’est pour la plupart du temps un travail en binôme. Le choix des binômes peut varier selon les objectifs précis visés par l’enseignant.
Au hasard, rapprochement des tables par exemple, pour apprendre à travailler avec tous et pour une mise en place rapide è se faire réciter les tables d’addition ou de multiplication, une poésie, une règle de grammaire, une conjugaison...

Un garçon+ une fille (surtout en CM), ce choix imposé permet de privilégier le scolaire et la réalisation de la tâche car les digressions sont moins tentantes (on n’est pas entre copains !).
Entre camarades, cela peut favoriser la coopération mais il faut surveiller les risques de digression et d’exclusion (attention aux élèves qui ne seront jamais choisis). Cette répartition est peut-être à privilégier sur des activités sollicitant le physique.

Les situations d’équipiers. Lire le même album ou le présenter à deux. Les corrections. Vérifier et valider la correction d’un travail réalisé par un autre élève (pointer à deux les erreurs, évaluer la validité de la réponse,……)

Les évaluations. Un élève récite devant un jury (on sort du binôme pour aller vers des petits groupes de trois ou quatre maximum) ou chacun devra juger un point précis comme l’intonation, la connaissance du texte, l’assurance de la diction,...

Là aussi, il ne s’agit que d’exemples isolés qui ne sont donnés qu’à titre indicatif pour illustrer ces travaux de coopération ou de partage de tâches. Il s’agit également d’encourager l’entraide au quotidien en acceptant de donner et de recevoir les consignes par un pair plutôt que de faire appel systématiquement aux adultes, tout comme partager les responsabilités de classe (rangement, préparation d’ateliers et nettoyage). Par contre, dans la constitution des groupes, il convient d’éviter des comparaisons ou des échelles de niveaux entre les élèves (même si de manière implicite l’enseignant constituera parfois ses groupes avec cette donnée). Il est important pour réussir à dynamiser ces groupes de ne pas instaurer de relations de type dominants/dominés, bons élèves par rapport aux élèves faibles, élèves autonomes par rapport aux élèves attentistes.

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4. Aide directe : relations dissymétriques.

Si jusqu’alors nous avons côtoyé des idées et des modes de fonctionnement relativement consensuels, nous terminons par une tentative d’explicitation de l’aide directe plus problématique car elle aboutit à une transmission des savoirs, domaine traditionnellement réservé des enseignants. Ici, il s’agit bien d’un domaine ambitieux si l’on part de certains postulats comme : « la tâche du tuteur, c’est d’apporter à l’autre les explications nécessaires pour qu’il puisse se débrouiller seul » [G. BARNIER] », « le tuteur doit prendre en compte le niveau de compréhension de celui qu’il aide » [BRUNER], « le tuteur est un transducteur qui serait à la fois transmetteur et traducteur. Transmetteur d’infos, de connaissances et traducteur de celles-ci dans le langage propre de l’enfant » [MARCHIVE]. Si ces théories avancées ne sont nullement contestables, nous savons tous que la mise en application « dans la vraie vie » est problématique. Certes les difficultés sont réelles et peuvent décourager, y compris les plus téméraires, mais chacun, dans sa classe, peut initier à travers des relations asymétriques des dispositifs évolutifs qui tendront à : favoriser l’autonomie, développer l’entraide entre élèves et représenter une ressource supplémentaire en terme de dispositifs pédagogiques pour aider à gérer l’hétérogénéité des classes.

Maternelle
Dès la maternelle, et de manière assez spontanée, notamment sur les classes multi-âges, l’enseignant peut s’appuyer sur certains élèves pour apporter une aide à leurs camarades afin de leur redonner une consigne et de les guider à l’appliquer (aller chercher une étiquette des prénoms ou des jours, distribuer du courrier ou des dessins libres, etc). Dans cette proposition, il ne faut pas craindre le « faire à sa place » car cette étape peut être nécessaire pour créer un lien entre les enfants et installer la confiance en l’autre dont le tutoré aura besoin pour accepter l’aide. Il y a également beaucoup d’activités propices à cette relation de tutelle, comme dans les jeux mathématiques, les jeux de lecture, les arts plastiques, etc. Nous serons souvent dans le « faire comme », et là encore, ne crions pas « au danger ! », car nous ne pouvons nier que le phénomène d’identification au désir de l’autre représente un excellent stimulant pour vaincre les réticences de certains enfants à se laisser capter.

Elémentaire
Dans les classes élémentaires, les enseignants sont plus hésitants pour se départir de leur « toute puissance ». On se doit de chercher à comprendre pourquoi tant de réticence face à cette délégation qui ne l’est qu’en apparence car bien évidemment, l’enseignant demeure bel et bien le seul garant de la validité des savoirs transmis. Que craignent-ils donc ? La liste est longue et diversifiée. Essayons juste de mettre en relief les craintes les plus exprimées directement ou évoquées fortuitement.

1.Certains élèves en difficulté refusent toute forme d’aide, y compris celle de l’enseignant.

2.L’organisation de ces activités est incompatible avec l’emploi du temps. Sous-entendu, j’ai besoin de tout mon monde en même temps pour distiller les connaissances

3.Craindre de déstabiliser les tuteurs dans leur propre savoir ainsi que le risque de leur faire perdre leur temps.

4.« Si j’en crois ce que j’ai lu sur les bénéfices du tutorat, c’est plus bénéfique pour les tuteurs que pour les tutorés, alors ? »

5.La difficulté scolaire est déjà perturbante pour l’enseignant. Ne peut-on craindre que les tuteurs ne se sentent investis d’une responsabilité qui n’est pas la leur et qui les dépasse ?

On peut souscrire à certaines de ces interrogations qui trouveront réponses lors d’échanges entre collègues. A plusieurs, il est plus facile de se sentir légitimé dans des actions qui n’épousent pas parfaitement les consignes institutionnelles mais qui ne s’y opposent pas non plus. On pourra toujours discuter les contenus mais la forme reste compatible avec les instructions officielles qui continuent à promouvoir solidarité et entraide. Le chemin que prendra, ou pas, chaque enseignant pour s’ouvrir à ces formes d’apprentissages, parce qu’il n’y pas de modèle unique, lui appartient ; il doit s’approprier ce complément conjointement à sa forme habituelle d’enseignement. Nous citerons juste quelques exemples vécus directement ou par l’intermédiaire de collègues qui ont accepté de nous les faire connaître. Vous verrez que la réalité de ce concept n’a rien de délirant et que gardant modestie et prudence, chacun peut s’y essayer sans risque majeur. Nous déclinerons ces dispositifs d’aide réelle entre élèves en trois fonctions différentes mais souvent complémentaires.

1. Une fonction initiatique que l’on pourrait assimiler à un parrainage.
Elle peut s’appliquer lors de l’arrivée d’un élève en cours d’année pour l’aider à mieux s’intégrer. Le tuteur (parrain) lui explique les règles de vie essentielles, lui présente certains documents de référence et les différents outils à sa disposition. Il peut aussi lui faire savoir les habitudes et conventions en usage dans la classe (tenue des différents cahiers…..), tout comme l’organisation matérielle des lieux collectifs comme la bibliothèque, salle de sport ou d’informatique. Cette fonction est intéressante non seulement pour la relation sociale mais elle permet aussi de tenir compte des capacités communicationnelles du tuteur et non de ses capacités scolaires. Elle permet à des élèves moins performants scolairement d’intervenir car il est essentiel que le tutorat ne soit pas « réservé » : chacun doit pouvoir tantôt être tuteur et tantôt tutoré.

2. Une fonction pratique faite d’aides ponctuelles. En activités informatiques, chacun peut être choisi, à un moment donné, comme tuteur, aide technique pour les pairs qui sont en panne : « je ne sais pas comment faire les trémas, les majuscules, etc », ou bien « sur quelle icône faut-il cliquer pour aller sur internet ? »,...
En géométrie, le tuteur peut venir à la demande ré-expliquer comment utiliser un compas, une équerre,….., ou bien pour redonner les étapes à suivre lors d’une construction.

3. Une fonction didactique centrée sur les savoirs et les apprentissages.
Cette dernière fonction effraie souvent les enseignants car elle est synonyme de risques, mais la prise de risque n’est-elle pas inhérente à toute initiative pédagogique ? Quelques exemples.
Aider un enfant de la classe en difficulté de lecture (niveaux CE et CM) à trouver des informations sur un document pour répondre aux questions en axant la recherche sur les prises d’indices. Le volontariat du tuteur est ici tout à fait souhaitable.

Confier à un tuteur, volontaire également, d’apporter son aide à un camarade qui ne maîtrise pas telle ou telle technique opératoire. Le tuteur détaillera la démarche, lui expliquera où est l’erreur,...
Autre exemple, production d’écrit. Si cette tâche rebute certains élèves qui manient mal la langue, il peut être intéressant de constituer des binômes « élève en difficulté avec élève volontaire, ouvert et à l’aise dans ce domaine. Le tuteur aidera son camarade à clarifier ses idées et à les mettre en forme.

En atelier informatique, l’enseignant formera un groupe d’enfants sur une activité précise puis il sera chargé d’accompagner et de transmettre aux autres enfants de la classe les informations reçues lors de la découverte de l’activité.

Toutes ces tentatives doivent être entourées par quelques précautions essentielles et il peut être pertinent d’établir une sorte de protocole qui servira de repère à tous les protagonistes : tuteur, tutoré et enseignant lui-même. Disons que conjointement à la préparation des séances, l’enseignant devra fournir les conditions du déroulement et préparer les enfants à assumer leurs rôles respectifs.
- Assurer le suivi du tuteur pour les aspects relationnels et techniques de l’aide afin de le rassurer et de le sécuriser.
- S’assurer des ressentis du tuteur en testant son intérêt et sa motivation puis en organisant des points bilan pour valider la transmission des savoirs.

Ces temps de régulations sont très bénéfiques pour repositionner les enjeux de ce travail où le tutoré doit acquérir une meilleure efficience, le tuteur doit tirer profit de ce rôle par une reconnaissance formalisée de la valeur et du sens de son aide et l’enseignant doit s’assurer de la qualité du fonctionnement afin de repérer d’éventuelles anomalies (relations dominant-dominé) et apporter les re-médiations nécessaires.
On peut craindre la lourdeur d’un tel dispositif mais il faut parier sur le long terme lorsque les habitudes sont instaurées, ce type de protocole s’applique naturellement presque de manière tacite, y compris à l’instigation des élèves eux-mêmes.

Si les exemples cités se sont attachés uniquement à des situations de tutelle entre enfants de même âge (élèves d’une même classe), on peut aussi envisager des situations de tutelle inter âge, avec des écarts pouvant aller de trois à cinq ans. Cet écart d’âge permet de choisir des élèves plus grands et plus avancés scolairement mais dont le niveau scolaire peut être moyen voir faible (c’est une manière de ne pas associer systématiquement bon élève avec tuteur). Il faut juste qu’il y ait un écart de compétence suffisant pour justifier le tutorat de tel ou tel élève et que les tutorés ne servent pas simplement de faire valoir par rapport aux tuteurs mais qu’ils en retirent aussi des bénéfices. Pour illustrer ce dispositif, nous prendrons deux exemples. Le premier a été réalisé sur trois années différentes entre des élèves de grande section et de CM1.Il s’agissait pour les tuteurs de venir une fois par semaine en maternelle pour une séance d’une demi-heure sur des jeux mathématiques. L’enseignante de maternelle rencontrait les tuteurs une fois par mois (une heure sur un samedi matin) pour présenter les jeux, les consignes à donner aux tutorés et les étapes à respecter quant au déroulement des séances. L’enseignante les informait des risques de dérives comportementales de certains élèves et les questionnait sur la manière de se positionner. Ensemble, les cas de figures étaient discutés afin d’harmoniser les modes de gestion des problèmes les plus courants. Les tuteurs, deux par atelier de quatre tutorés, devaient évaluer en cochant une grille sur des points importants ciblés par l’enseignante (attitude, compréhension performance éventuelle des tutorés). Cette grille était reprise lors des temps de régulation (sur la récréation qui suivait immédiatement la séance) avec l’enseignante. Cette démarche plaçait les tuteurs dans une situation très inhabituelle pour eux puisqu’ils devaient former en reproduisant des explications et en s’appropriant des méthodes pour apprendre à apprendre aux autres. Les temps de régulation ont pointé l’intérêt des tuteurs pour ce type d’activité ainsi que leur perspicacité à analyser les difficultés qu’ils y avaient rencontrées. Ils argumentaient les stratégies qu’ils avaient mises en place le cas échéant. Cette dimension d’initiative personnelle doit bien exister dans le tutorat et s’avère globalement très positive

Le deuxième exemple a vu le jour entre des élèves de CM2 volontaires et des enfants du voyage scolarisés sur CP et CE1 (d’âges variables puisqu’ils étaient scolarisés non pas suivant leur âge mais sur le niveau scolaire le plus en adéquation avec leurs compétences réelles). Il s’agissait de permettre aux tutorés d’approcher des activités de production d’écrit à partir de supports visuels (bandes dessinées). La mise en place des ateliers était assez semblable à l’exemple précédent, mais compte tenu de l’importance de la méthode, les tuteurs recevaient une fiche de guidage (cf. document joint : la dictée d’un apprenant à un « expert ») qui avait pour but de les rassurer sur les premières séances. Ce travail se déroulait en binômes ou en trinômes sachant que des tuteurs pouvaient être mis en doublette à leur demande. C’était le cas de certains tuteurs qui manquaient de confiance en eux. Les régulations ont montré la satisfaction et le désir de poursuite chez les tuteurs comme chez les tutorés. Les binômes formés au hasard au départ ont manifesté le désir de rester ensemble (à une exception près). Cela viendrait confirmer ce que l’on perçoit, en tant qu’enseignant, le premier effet bénéfique du tutorat, à savoir : des apports socio-relationnels qui, à mon sens, fournissent des remparts efficaces contre l’exclusion liée à l’échec scolaire. N’y aurait-il que ce bénéfice tangible que nous pourrions déjà nous en féliciter, mais ces pratiques interactives peuvent avoir un impact positif sur les démarches d’apprentissages elles-mêmes que cela soit au niveau du tuteur comme à celui du tutoré. J’émettrais une petite réserve pour les élèves pour qui la difficulté scolaire est déjà très installée et qui entrent « en résistance ». Pour eux, le tutorat peut être vécu comme une agression venant corroborer le fait qu’ils soient nuls à leurs yeux comme à ceux des enseignants et de leurs camarades. Il faut beaucoup de tact et de temps pour obtenir leur consentement à « se faire aider », car sans cette condition, rien ne sera possible. Je rejoins là une des inquiétudes des enseignants que nous avons précédemment évoquée. Ces élèves en grande difficulté ont rencontré beaucoup d’incompréhensions sur le sujet même de leur difficulté. Ils sont entrés dans une sorte de spirale où ni l’enseignant ni eux-mêmes n’arrivent à s’extraire, alors un tiers supplémentaire dans cet engrenage ne les sécurise pas d’emblée et les questionne : « qu’est-ce que j’ai fait pour que le maître ou la maîtresse ne veuille plus s’occuper de moi ?». Pensons toujours que, pour ces enfants, les blessures sont béantes et que même notre désir de les aider peut être perçu comme une nouvelle épreuve négative. Pour eux et avec eux, il faudra progresser à petits pas et d’abord dans des situations de collaboration et de partage des tâches avant d’envisager la relation d’aide directe.

Le cas des enfants du voyage est encore un peu différent car aux habituelles précautions en usage pour les élèves en difficulté, il faut ajouter les représentations spécifiques à leur « milieu » sur les apprentissages et les modes de transmission. Ils viennent à l’école pour apprendre à lire et à compter, et pour eux, c’est le maître ou la maîtresse et personne d’autre qui a ce pouvoir « magique ». C’est le maître ou la maîtresse qui est chargé(e) de cette mission et puis c’est tout ! Sauf cas rarissime. Nous n’entrerons pas plus avant dans ce débat mais ce petit détour paraissait opportun pour appeler à la prudence. Prudence redoublée avec les enfants du voyage qui gardent des schémas relationnels « d’un autre âge » (selon certains). Et pour ne citer que quelques exemples, il peut être préférable d’éviter de nommer une tutrice auprès d’un garçon voyageur, de donner un élève sédentaire en exemple, ou bien de leur demander de travailler avec un autre enfant qui leur signalera leurs erreurs alors même que l’erreur n’existe pas chez un « voyageur ». Comment attendre d’eux qu’ils entrent dans ces modes d’apprentissages qu’ils combattent ? « Pour savoir-faire, il me suffit de regarder comment tu fais, et puis je fais pareil ». Leurs modes de transmission des savoirs cohabitent difficilement avec ce type de démarches pédagogiques. Il nous faut prendre en compte cette réalité pour ajuster nos demandes et attentes d’enseignants auprès d’eux. Si « tutorat » il peut y avoir avec eux, il faudra le profiler sur mesure enfant par enfant.

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5. Conclusion

A la lecture de ce document beaucoup d’enseignants se seront retrouvés dans une ou plusieurs démarches décrites. A l’instar de monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir nous en conclurons que nous « tutorons » dans nos classes sans toujours le savoir. En effet, il ne s’agissait pas là de prétendre révéler des innovations pédagogiques mais plus simplement de répertorier, de trier et classer les activités selon leurs domaines d’intervention (socialisation, collaboration et partage des tâches ainsi que tutorat en aide directe), et cela afin d’encourager les plus rétifs à repenser cette idée d’enseigner sans exclure les interactions formatrices (enfant-enfant) qui potentiellement peuvent se révéler constructives. Chacun pourra doser son « engagement » en fonction des priorités qui sont siennes et faire évoluer le dispositif par paliers pour prendre la mesure des résultats attendus. De fait, il est essentiel d’avoir en tête quelques objectifs modestes mais précis à atteindre tant sur les apports sociaux-relationnels que sur l’efficacité de la transmission des savoirs. Finalement, il est réaliste de ne pas sombrer dans le « tout tutorat » ni dans le « tout frontal », il existe une alternative dans la co-existence des deux qui représente une formule raisonnable où l’enseignant peut se faire lui-même sa juste place.

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Date de création : 20/11/2009 @ 21:33
Dernière modification : 01/05/2015 @ 18:04
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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