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Quelques points délicats sur le service partagé


Lorsque j'ai débuté dans la fonction d'inspecteur, le service partagé était beaucoup moins répandu que maintenant. Dans les écoles où il fonctionnait pour la première fois, il était fréquent que les parents expriment une inquiétude, surtout dans les classes de jeunes enfants. On craignait dans ce cas que l'élève soit dérouté par l'alternance entre deux adultes, mais c'était l'aspect relationnel qui dominait la crainte et pas du tout la question pédagogique.

Quelques années avant ma retraite, le service partagé était devenu si courant qu'il n'y avait plus du tout d'objections sur le principe, même pour les classes fréquentées par les enfants jeunes et y compris pour des niveaux réputés sensibles (début de la maternelle, CP, CM2). Mais entre temps, j'avais été témoin de quelques difficultés que je vais évoquer maintenant en précisant bien qu'elles étaient loin d'être généralisées. Il faut reconnaître que dans la majorité des cas, la présence de deux enseignants sur une même classe n'entraîne pas les conséquences que l'on avait pu craindre au départ : les élèves s'y habituent très bien et les parents d'élèves l'admettent en tant que pratique sociale liée au statut de la profession féminine en particulier.

Je vais donc évoquer un certain nombre de points sensibles en ayant pour but d'attirer l'attention et surtout de provoquer la vigilance.


La répartition des matières et des contenus

Le principe de base c'est de bien délimiter les frontières que ce soit entre domaines disciplinaires (c'est facile) que dans un même domaine. Ce qui est plus délicat c'est de « finir » la leçon commencée par l'autre car il est toujours très difficile de repartir de ce qui a été fait ; réellement « vécu ». Les décalages sont très perturbants pour les élèves et cette possibilité est à réserver à des enseignants travaillant depuis longtemps ensemble et ayant du temps à mettre dans la concertation.
Pour les enseignements qui doivent être quotidiens (mathématiques, lecture), il saute aux yeux que la coordination doit être minutieuse. Par contre il n'y a guère d'inconvénients à ce que l'un où l'autre des collègues détienne le monopole de l'histoire ou de la géographie, ou des sciences, ou encore de l'éducation artistique. Un enseignant motivé pour un de ces domaines ne doit pas hésiter à s'y investir si son collègue ne le revendique pas.


Les cahiers des élèves, les supports de travail en général

Dans un contexte où l'on recherche à alléger le cartable, il ne faut surtout pas que le service partagé aboutisse à « plus » de documents. Les supports doivent être de même quantité que ceux en usage dans une classe avec un seul maître.
La plus grande attention doit être portée sur l'homogénéisation des exigences et des règles relatives à la tenue des cahiers ; je m'en suis aperçu avec des protestations de parents qui constataient des pratiques contradictoires. On n'est pas ici dans le domaine de la « liberté pédagogique », mais dans celui de la cohérence éducative.


L'évaluation de l'élève

Les discordances d'appréciation du niveau de l'élève sont rarissimes. Là où les avis se partagent parfois c'est à propos du comportement. Non pas que des faits similaires ne se produisent pas avec les deux enseignants, mais la réception est variable, le « seuil de tolérance » comme on l'appelle. Tel élève peut être jugé très turbulent par les deux collègues, mais pour l'un d'entre eux c'est insupportable.
C'est toujours très difficile de dénouer ce type de situation ; il y faut une médiation pour faire prendre conscience des positions de chacun et de la relativité du jugement. Lorsque les parents sont à l'affût d'une faille de l'école pour protéger la conduite de leur enfant, ils la trouvent très vite dans ces circonstances.



Revenons tout de même sur les aspects de niveau et d'acquisition pour souligner l'intérêt d'une coopération très étroite entre les collègues tout le long du parcours évaluatif : au moment où l'on élabore les épreuves, quand on les fait passer, quand on les corrige et surtout lorsque l'on remplit les carnets scolaires.


La participation aux concertations instituées

La présence dans les conseils d'école, de maîtres, de cycle, dans les réunions de pré-rentrée, etc... se règle par une mesure purement arithmétique qui n'est pas vraiment satisfaisante. On ne peut y remédier que partiellement si le directeur établit des compte-rendus détaillés et s'il peut consacrer un bref moment d'information directe de personne à personne. Le compte rendu-oral du collègue présent au collègue absent qui partage la classe avec lui est un usage efficace, mais le problème de la disponibilité se présente, car il faut un peu de temps pour le faire dans le détail. Dans bien des cas, la présence des deux collègues au conseil de cycle est très utile et c'est encore plus vrai dans une équipe éducative qui met à l'ordre du jour le cas d'un élève très difficile.
Je dois témoigner du fait que ce réalisme n'est pas partagé par tout le monde car à bien des reprises, des enseignants travaillant à temps partiel m'ont demandé de prononcer la mesure mécanique, la division par deux, et sans reste ! Ce que j'ai dû me résigner à faire, faute de souplesse de l'un ou l'autre des partenaires.


Les instruments de liaison entre l'école et la maison (cahier de liaison, cahier de textes, de « devoirs du soir »

Ce sont des supports qui tombent directement de façon continue sous le regard des familles. Les deux enseignants doivent donc s'attacher à rapprocher leurs façons de faire (j'allais dire « à les aligner »).
Ce qui est attendu de l'élève en travail du soir ne doit pas varier, que ce soit dans la nature des tâches, que ce soit en quantité de travail, d'un enseignant à l'autre.


Harmoniser les positions éducatives

Il faut comprendre par là la façon d'exercer l'autorité en générale et concrètement les points suivants : réaction de l'enseignant devant les transgressions, assurance ou hésitation devant la nécessité de sanctionner, aptitude à doser les sanctions proportionnellement à la faute et en tenant compte de la personnalité de l'élève.
Lorsqu'il m'est arrivé de devoir effectuer une médiation à ce sujet c'était à propos de décalages importants, voire de contradictions entre les deux enseignants. A propos du même élève, mais quelquefois par rapport à toute la classe. Je me suis aperçu du fait que les enseignants avaient nettement sous-estimé le problème et jamais envisagé de se concerter pour aboutir à des règles communes. Chacun pris isolément affirmait sa bonne foi et le caractère approprié de sa réaction : « j'ai toujours fait comme ça et je n'ai jamais eu de problème ». Il fallait que je fasse apparaître que le problème ne venait pas de chaque façon de faire mais de la discordance trop forte entre les deux !


A qui est la classe ?

Bien que les usages de service partagé se soient banalisés, la bonne vieille habitude qui attribue une classe à un maître -le titulaire de la classe- reste marquée dans les esprits. Dans le cas d'un partage inégal, la réponse s'impose plus facilement : c'est la classe de l'enseignant qui y passe le plus de temps. Mais lorsque c'est « moitié-moitié » il peut se produire un certain flou au niveau de ce que j'appellerai la « représentation ».
Ce flou se produit dans l'esprit des parents qui hésitent sur l'interlocuteur. Mais je me suis aperçu que c'était la conséquence d'une affirmation insuffisante des responsabilités et de leur partage au niveau des enseignants eux-mêmes.
C'est pourquoi il est à conseiller à ceux-ci de réfléchir dès le départ sur cet aspect , de rechercher les accords et les contrats qui vont avec et d'affirmer clairement les choses à l'occasion de la réunion de classe et en toutes circonstances.
Je ne vois pas derrière tout cela des affaires de pouvoir, mais surtout la clarification des responsabilités. Très souvent dans notre profession, nous avons la tendance un peu idéaliste à annoncer que « nous sommes également responsables ». Ce n'est pas vrai , il y a souvent dans tout groupe, toute association humaine, des personnes qui occupent une certaine place. Il vaut mieux le reconnaître et l'annoncer. Cela n'est pas du tout contradictoire avec la répartition des tâches.


Date de création : 20/11/2009 @ 21:13
Dernière modification : 01/05/2015 @ 18:04
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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