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Face à l'hétérogénéité, quelle position raisonnable?

L'accroissement des différences de toutes sortes entre les élèves d'une même classe est souligné par presque tous les enseignants avec l'indication d'une montée contemporaine de ce phénomène. Découle de ce constat une fébrilité pédagogique accentuée par l'injonction souvent simpliste de « différenciation » adressée à tous par l'autorité ministérielle qui a tendance à éluder les difficultés d'application de ce mot d'ordre.

Pour aider à construire une démarche d'enseignement en milieu scolaire hétérogène, on apportera successivement les contributions suivantes:
Présentation des traits spécifiques de l'hétérogénéité dans le milieu scolaire moderne. Avertissement sur le caractère imprudent et même naïf de l'incitation à la différenciation conçue comme solution universelle.
Rappel de l'expérience apportée par la pratique de la classe à plusieurs niveaux.
Définition des principes basiques de l'organisation en classe hétérogène.
Argumentation en faveur d'une consistance forte du « groupe-classe »; cette consistance n'est pas un obstacle à une différenciation mais sa condition préalable.

Une hétérogénéité amplifiée par des facteurs très contemporains

. L'école de la tradition entretenait avec ce qu'elle nommait les « différences de dons » entre les élèves une relation familière. Ces écarts même importants ne relevaient pas de l'injustice et aucune nécessité de les dissimuler ne s'imposait. On n'hésitait pas à classer les élèves du premier au dernier dans chaque classe; pratique scandaleuse de nos jours. Cette ancienne variété des élèves qui les échelonnait du « mauvais » à l'excellent n'a bien sûr pas disparu. Ce n'est cependant pas elle que nous souhaitons accentuer ici mais davantage la fabrication de nouveaux écarts, imprévus, involontaires mais massifs. La recherche, sur des motivations plutôt politiques, de l'égalisation des cursus (ne pas trop diversifier les filières, préférer les plus généralistes, éviter les ghettos, favoriser les mixités, etc...) se solde mécaniquement par une hétérogénéité voulue. Celle-ci s'avère après coup plus difficile à manier qu'on ne l'aurait espéré. Elle est renforcée par un cadre législatif qui s'efforce d'accueillir en milieu scolaire ordinaire, autant que possible mais avec une forte incitation, les élèves qui auparavant auraient été orientés vers des classes ou établissements spécialisés. Une telle orientation ne peut être qu'approuvée au nom de valeurs humanistes. Elle n'en est pas moins à inscrire à l'inventaire des facteurs de l'hétérogénéité, même si des moyens nouveaux d'encadrement ont été prévus. Ces deux facteurs d'hétérogénéité, « règlementairement induits » sont toutefois moins influents qu'un troisième , mal connu de l'opinion mais très sensible au métier d'enseignant que l'on va nommer, provisoirement, « la difficulté à devenir élève ». Celui-ci touche des enfants en bonne santé générale, dont le développement global possède toutes les apparences du succès, dont les capacités intellectuelles intrinsèques sont satisfaisantes et même très bonnes et qui n'appartiennent pas en majorité à des groupes sociaux que l'on pourrait qualifier de « défavorisés ».
Les professeurs disent d'eux « ce ne sont pas des élèves », laissant entendre qu'ils se situent en deçà d'une adaptation suffisante aux contraintes et aux finalités de l'école qui permettrait des apprentissages satisfaisants. Ces enfants se comportent dans le cadre scolaire selon une série de traits remarquables et constants: instabilité, défaut d'attention, absence d'intérêt pour certains objectifs culturels de l'école (l'écrit par exemple), sociabilité perturbée qui les porte au conflit pour des motifs futiles, insensibilité à la sanction...Peut-on s'autoriser à nommer « hyperactivité ordinaire » ce phénomène qui concerne maintenant de nombreux élèves? Les élèves concernés ne le sont pas tous au même degré; on observe une gradation qui, au moins grave, présente des enfants agités et privés de concentration et dans les cas les plus invalidants pour la scolarité, des profils extrêmement turbulents qui menacent le cadre et défient l'autorité du professeur.
Tous ces élèves mal disposés à l'égard de la vie scolaire co-existent bien sûr avec ceux qui s'adaptent et réussissent à des degrés différents.
L'hétérogénéité induite de cette façon est fondamentalement étrangère aux distinctions traditionnelles par les aptitudes ou les « dons ». La modestie de ces derniers n'empêchait pas d'être élève alors que les nouvelles carences que nous évoquons mettent les enseignants devant un défi impressionnant. Il leur faut tenter d'éduquer ou de compléter l'éducation sociale de certains élèves avant même de débuter l'enseignement proprement dit et, lorsque cette tentative échoue, ils doivent trouver les moyens de « contenir » ces élèves un tant soi peu, obtenir les répits suffisants pour conduire les apprentissages.
La trop rapide présentation que nous venons d'achever laisse de côté la recherche des causes de ces formes nouvelles de l'inadaptation scolaire. Nous nous réservons cependant la possibilité d'examiner cet aspect sur notre site. Il ne s'agit ici que de donner la mesure de l'hétérogénéité telle qu'elle se manifeste le plus souvent dans nos classes.

Les mots d'ordre de différenciation, d'individualisation: évitons naïveté et idéalisme.

La promotion d'un individu incomparable, souverain de ses désirs, est dans l'air du temps. On s'en convaincra à l'écoute des messages incessants qui provoquent chacun à être « lui-même ». Cette grande aspiration moderne imprègne nécessairement les styles éducatifs contemporains. Ils prescrivent d'agir envers l'enfant non seulement en respectant une personnalité déjà constituée dans sa singularité mais si possible d'accroître des dispositions originales.
Ces orientations contiennent certainement une forte dose de sentimentalisme et il se pourrait qu'elles dissimulent en outre l'intention de ne pas se fatiguer beaucoup à éduquer en prétextant les avantages d'une non-intervention qui ressemble assez fréquemment à du laisser-faire. Elles sont pourtant validées officiellement à l'intérieur des grandes orientations officielles pour l'école. On y trouve la mention « parcours individuel » ainsi qu'une forte incitation à différencier. Notons que ce mot de « différences » constitue avec celui de « diversités » un signifiant très emblématique de la modernité sociale.
L'effort produit pour rendre compatible ce respect des parcours singuliers avec l'accès de tous à un « socle commun » débouchera-t-il d'ailleurs sur un succès?
Les contradictions ne s'arrêtent pas là et il nous faut marquer aussi la butée que constituent ensemble un certain nombre de conditions matérielles propres à l'éducation scolaire publique. Les conditions d'effectif et d'encadrement sont tributaires de budgets nationaux déjà considérés comme très élevés et dont on ne peut pas espérer qu'ils seront abondés. Ce qui place l'enseignement pré-élémentaire à un effectif moyen de près de vingt-huit élèves par classe tandis que cette moyenne s'établit à presque vingt-quatre en élémentaire. Les classes les moins chargées, hors secteur spécialisé, descendent rarement sous dix-huit élèves ce qui n'offre toujours pas la possibilité d'individualiser. Les équipements mis à la disposition des élèves (nombre et superficie des locaux, spécialisation de quelques uns) présentent d'autres restrictions. Pour les résumer de façon très simplifiée, disons que l'action de l'enseignant se situe essentiellement devant des groupes importants, y compris lorsque toute la classe n'est pas concernée, si une partie des élèves travaillent « seuls ». Dans ce cas c'est dans le voisinage et la promiscuité qu'ils ont à le faire. Rappelons à nos lecteurs peu familiers de l'école que la surface d'une classe de maternelle est règlementairement fixée à soixante mètres carrés pour accueillir, éventuellement, plus de trente élèves, tandis que vingt-quatre élèves en moyenne doivent se partager cinquante mètres carrés à l'école élémentaire.
Toute organisation de différenciation implique la déconcentration spatiale des élèves ainsi que la discontinuité entre les groupes formés et aussi la possibilité de circuler entre eux. Elle multiplie également les mouvements et accroit le niveau sonore, lequel nuit à la concentration individuelle.
La segmentation du temps scolaire et les fortes contraintes horlogères ainsi que les emplois du temps et les calendriers de l'école forment une muraille de contraintes peut-être encore plus sévères que le manque d'espace. Elles mettent à l'épreuve et à mal l'idée généreuse du rythme individuel. Plus on se dirige vers l'horizon d'une pédagogie différenciée, plus on sollicite le professeur dans les actes principaux de son métier: préparation, conduite de classe et évaluation. Tant qu'il s'agit de stimuler ses capacités d'invention et d'adaptation, rien n'est à redire, mais on court le risque de le sur-exposer à la fatigue si on envisage de multiplier les opérations de préparation. Concernant la conduite de classe, les défenseurs de la différenciation se représentent-ils l'enseignant comme une sorte de serveur de restaurant, se déplaçant en permanence entre les tables, dans la précipitation et l'essoufflement? L'évaluation supporte assez bien la différenciation. Elle est, à sa base, individuelle, y compris en milieu homogène. Cependant la multiplication des supports du travail des élèves et des critères d'appréciation ralentit beaucoup le travail. Le souci de ne pas alourdir exagérément la tâche des professeurs devrait rester présent dans les orientations actuelles: à quoi bon placer l'élève au centre si l'attention qu'il requiert est exigée d'un enseignant débordé et épuisé?

Formulons une dernière mise en garde en direction des tendances fortes à l'individualisation des apprentissages scolaires; elle porte sur son envers: la sous-estimation de l'enseignement collectif. C'est une banalité de rappeler la perte de valeur des formations collectives de nos jours. En dépit de la propagande pour le « vivre ensemble » et à part quelques tendances communautaristes, le collectif est frappé de dévaluation. C'est un empêcheur, un abuseur et de surcroît il est périmé comme le sont les partis politiques, les églises etc...
S'agissant de l'école et des jeunes enfants, les enjeux de socialisation se trouvent de ce fait mis de côté. C'est une erreur de fond puisque nous savons bien que cette entrée en société est nécessaire et que l'école, dans notre type de société, en est le seul outil. Elle constitue le meilleur agent pour faire passer l'enfant de la position égocentrique et de la culture familiale restreinte à un statut marqué par la capacité à se décentrer et à s'ouvrir sur des savoirs universels.
Le fait de devoir apprendre avec d'autres, en même temps qu'eux, loin d'être un inconvénient, se présente comme une précieuse opportunité. Nous nous attacherons à décrire plus loin la vie scolaire en milieu hétérogène comme une complémentarité entre le souci du cas particulier et la construction du sujet social. On pourra voir que l'apprentissage dans le cadre collectif y conserve sa place et mieux, qu'il conditionne la possibilité des opérations de différenciation.

Que nous apporte l'expérience des classes à plusieurs niveaux?

La classe à plusieurs niveaux n'est pas équivalente à une classe hétérogène, mais elle oblige l'enseignant autant que les élèves à une organisation des apprentissages qui implique de strictes alternances ainsi qu'un forçage à l'autonomie.
L'enseignant doit partager sa présence entre deux groupes et ceci de façon continue. Les élèves qui ne se trouvent pas sous le contrôle direct du maître travaillent à partir de consignes et sur des situations fournies par celui-ci, mais acquièrent une capacité à rester seuls et silencieux pendant des durées importantes. Ajoutons que le caractère imposé de cette organisation aboutit à un consentement des élèves en général.: la contrainte est bien acceptée, comprise et assumée. Cet aspect est particulièrement saisissant pour l'observateur. Cette organisation est viable. Il arrive que des parents d'élèves, peu nombreux, éprouvent une légère appréhension quant à la possibilité d'atteindre de bons résultats dans ces classes, mais ce souci disparaît vite.
Les enseignants qui la pratiquent pour la première fois ressentent une crainte analogue mais ceux qui sont familiarisés avec cette structure n'y trouvent que peu d'inconvénients pour le rendement scolaire des élèves. Ils reconnaissent bien sûr un supplément de travail, notamment pour la préparation. Inversement ils observent une autonomie chez les élèves qui est souvent supérieure à ce qu'elle est dans une classe à un seul niveau. Dans la classe à plusieurs niveaux (le plus souvent deux niveaux) une partie de la vie scolaire est commune. Il n'existe jamais d'étanchéité complète entre les deux groupes. Une partie de l'enseignement est commune et l'emploi du temps prévoit, de façon régulière, des plages d'activités collectives.
Des repères pour organiser le travail en classe hétérogène: quelques principes de base.

L'inspiration générale sera recherchée dans la manière dont on fait travailler la classe à deux niveaux que l'on vient de présenter.
Quels principes pour la constitution de sous-groupes?
Trois questions recevront ici une réponse sans ambiguïté: quand effectuer la partition? Combien de sous-groupes? Distingueront-ils les élèves en fonction du niveau ou non?
L'organisation par groupes se fera dès la rentrée, en tous cas le plus près possible de celle-ci. Les inconvénients d'une mise en route tardive du fonctionnement sont nombreux. Si on attend, on trouble les élèves qui ne comprennent pas pourquoi on change d'organisation; on perd un temps précieux pour se familiariser avec un fonctionnement qui s'installe dans la durée. La rentrée est un moment propice à la mise en place du cadre dans son ensemble, c'est un moment symbolique. On peut objecter le besoin d'avoir du temps pour évaluer. Mieux vaut opter pour une évaluation antérieure, en fin d'année scolaire précédente. C'est d'ailleurs cohérent avec l'esprit des « cycles ». Les niveaux des élèves qui passeront dans la classe suivante (le redoublement étant exceptionnel) est connu, en principe et dans le détail, à la fin d'une année scolaire. Il faut d'ailleurs s'appuyer sur ces données pour annoncer et présenter aux élèves qu'on accueille cette partition en deux groupes. On se défendra de tout sentimentalisme à ce sujet (crainte de stigmatiser) et de toute naïveté (on va attendre, on ne sait jamais). La meilleure option c'est la clarté et la franchise. La plupart des élèves seront plutôt soulagés en constatant que les difficultés qu'ils connaissent ne sont pas éludées. Sur le nombre des groupes l'accord devrait se faire assez vite autour du rejet d'organisations complexes (des « usines à gaz ») qu'un enseignant ordinaire maîtriserait mal. Le but étant, non pas de « diversifier » pour le principe, mais d'obtenir le conditions pour l'enseignant d'aborder les retards d'apprentissage avec un groupe réduit. Nous préconisons un partage du groupe classe en deux sous-groupes, à peu près égaux dans la mesure du possible. Une différence d'effectif de quelques unités ne présente pas d'inconvénients.
Faut-il mélanger les niveaux dans les groupes ou séparer les élèves en difficulté de ceux qui font une scolarité normale ou bonne?
Sur ce sujet, le débat est vif mais faussé en raison de préjugés anti-discriminatoires et égalitaristes dans la forme.
On défendra ici une différenciation assumée. Elle sera responsabilisante pour toutes les parties concernées (les enseignants, les élèves, leurs parents). Elle permettra aussi, selon une formule célèbre, de « donner plus à ceux qui ont moins ». Comment? En profitant de la capacité des élèves dont les acquisitions sont satisfaisantes, à faire preuve d'autonomie et à développer celle-ci. Travaillant seuls plus souvent, plus longtemps, capables de se concentrer silencieusement et de se diriger vers un programme d'activités prévu; ils offriront au professeur une marge de manœuvre précieuse pour soutenir le groupe des plus faibles. La responsabilité des premiers pourra être engagée jusqu'à une assistance tutorale auprès de leurs camarades moins favorisés. Nous évoquerons cette possibilité plus loin. Pour résumer: la dissymétrie voulue au départ engage une prise de responsabilité de tous les élèves; les uns parce qu'ils savent qu'ils relèvent d'une aide, les autres parce qu'ils doivent se conduire au niveau de la maturité qui est la leur. Une telle option n'est pas seulement pratique, elle se veut éducative.
L'alternance entre le travail « en grand collectif » et l'activité en sous-groupes: c'est le principe qui sous-tend l'option que nous présentons. Pour que cette organisation résiste bien, elle exige une régularité parfaite. L'alternance se produit tout au long de la journée et vaut pour chaque jour de la semaine. Les durées, dans chaque modalité (collectif complet et demi-classe) sont très limitées surtout au cours des semaines qui suivent la rentrée. Mais même une fois les habitudes prises, elles seront toujours de l'ordre de 15 à 25 minutes. Quinze minutes ou un peu moins suffisent parfois pour le travail avec la classe entière; ces séances communes, si elles sont trop longues, centrifugent les élèves les plus faibles parce que ce sont en même temps les moins endurants.
A chaque moment de rentrée, de reprise, le travail démarre sur le mode le plus collectif. Il est important de reconstituer la classe à l'entrée du matin, au retour des récréations, à la reprise de l'après-midi. La fin de la journée scolaire s'achève également par une activité impliquant tous les élèves; cette activité pouvant être brève.
Le troisième repère concerne la nature des interventions du professeur.
Quatre types d'interventions ou modes d'action vont alterner offrant la possibilité de donner de la consistance au groupe-classe, une identité aux demi-classes et de soutenir de façon proche les élèves les plus en difficulté:
1/ La conduite de classe avec l'effectif complet:
Elle est évidente pour toutes les activités à propos desquelles l'hétérogénéité n'est pas un obstacle. Elle est, certes, toujours présente mais les élèves les plus fragiles sont peu menacés de décrochage. C'est le cas dans les leçons concernant les domaines et disciplines telles que l'histoire et la géographie, les sciences, l'EPS, les activités artistiques, l'éducation civique et morale.
La totalité du groupe-classe est requise pour toutes les activités et occasions rituelles ou sociales au cours desquelles le groupe éprouve son identité: moments d'accueil, entretiens de début de journée, temps de régulation (conseil hebdomadaire). Les apprentissages tels que réciter, lire à haute voix, faire un exposé, écouter de la musique ou chanter etc... se pratiquent également en collectif plein. Les moments intermédiaires visant la détente, la relaxation, pour obtenir une coupure entre deux activités intenses sont à vivre en grand groupe.
La première phase de toutes les séances d'apprentissage en français et mathématiques se déroule en groupe complet. Soit que l'on démarre un nouveau contenu, soit que l'on rassemble ce qui a été fait pour entamer un apprentissage qui fait suite. Au cours de cette première partie (qui est une première moitié) de la leçon, le mode collectif à dominante magistrale, de conduite de classe se poursuit avec sollicitation des élèves, présentation de documents, observation des supports, brèves consignes pour formuler des réponses au brouillon etc... Cette phase s'arrête au moment où l'enseignant considère que le sous-groupe des élèves sans difficultés peut travailler seul sur un programme d'exercices destinés à approfondir, à mettre en œuvre, à mémoriser ce qui vient d'être présenté.

2/ Conduire une séance de renforcement avec le sous-groupe le plus faible:
Suite à la phase collective que l'on vient de décrire, le professeur s'installe avec le groupe qui a besoin de prolonger le travail. Il s'agit de reprendre plus lentement, de façon plus concrète souvent, les notions présentées; de mieux définir les termes utilisés, de rattacher les notions nouvelles à ce que l'on connait déjà. La réduction de l'effectif permet de solliciter la plupart des élèves et de veiller à ce que les plus faibles soient impliqués.
Attention, le temps dont on dispose ici est très limité car il faut replacer assez vite ce groupe dans l'activité écrite individuelle d' « exercice ».

3/ Encadrer et soutenir le travail individuel dans les deux sous-groupes:
Dès que le groupe des plus faibles est installé dans cette situation de travail autonome, l'enseignant dispose d'un petit créneau qu'il va utiliser en deux temps.
D'abord il retourne vers le premier sous-groupe, les élèves qui sont seuls depuis le plus longtemps. Son intervention consiste à relancer, à reformuler des exigences et éventuellement à rajouter quelques tâches, à faire refaire tel exercice bâclé... Il ne procède pas à des accompagnements individuels dans ce groupe mais repère les difficultés, les échecs et rappelle la méthode, les règles de travail. Il faut que toutes ces opérations soient très rapides pour qu'il lui reste un peu de temps pour retourner vers le groupe faible pour soutenir l'effort.

4/ Le soutien individualisé auprès de quelques élèves parmi les plus faibles.
Concrètement le professeur rassemble autour de lui (une petite table au fond de la salle, s'il y a de la place, est pratique) un ou deux, trois au plus, élèves particulièrement en difficulté. Le préalable: tout le reste de la classe est impliqué dans un travail individuel. Ce qui ne laisse pas une marge de durée importante (10 minutes au mieux). Même avec ce faible créneau, on prend son temps car il s'agit de rassurer les élèves, de les faire « reprendre pied » en revenant exactement à l'endroit où ils ont décroché.
Dans quels contextes de l'emploi du temps de la classe peut-on saisir ces occasions?
Dans les phases de travail individuel décrits précédemment. Le professeur achève le renforcement dans le groupe faible , donne des consignes de travail individuel dans ce groupe et prend immédiatement avec lui le ou les élèves qu'il veut aider.
Dans toutes les séances qui se déroulent sur le mode intégralement collectif on peut envisager une étape individuelle dans laquelle toute la classe se concentre sur un document: lire, répondre à des questions ou recopier un résumé copié au tableau. On peut alors disposer de 10 à 12 minutes pour faire travailler ces élèves. Bien entendu il faut se résigner à ce qu'ils n'effectuent pas le programme du travail collectif, c'est une affaire de priorité: on peut alors compenser en partie la perte en préparant pour eux des photocopies des résultats que l'on pouvait obtenir « à côté ».

Donner une forte consistance au groupe classe en vue de mieux installer les différenciations.
Notre présupposé théorique est simple mais ferme: les organisations déconcentrées reposent sur le centralisme préalable; ou encore, pour que les élèves se responsabilisent dans les moments de fragmentation du groupe et d'autonomie, ils doivent être soutenus par un fort sentiment d'appartenance au groupe classe et de solidarité collective.
Quelles sont les composantes de la vie et de l'activité scolaire qui favorisent cette consistance du collectif? Nous allons en développer quatre principales:
les techniques de conduite de classe en grand collectif.
La régulation de la vie sociale dans la classe.
Les projets collectifs.
L'entraide, le tutorat, la solidarité entre élèves.

1/ Des techniques préventives du décrochage.
Il s'agit pour le professeur de se munir de précautions favorisant le maintien de l'attention, sollicitant le plus grand nombre. Cette stratégie, on s'en doute, est valable dans toutes les classes, elle est encore plus exigeante dans les conditions de forte hétérogénéité.
Rappelons les plus utiles de ces techniques:
le contrôle des durées qui incite à modérer celles-ci pour chaque séance ou « leçon », à les réduire quand on aborde des notions abstraites ou que l'on pratique des exercices réclamant une forte concentration. On n'hésite pas à abréger dès que l'on perçoit les signes de décrochage. On s'abstient d'accélérer pour finir vite dans la durée prévue.
Les phases de démarrage d'une activité (rentrée du matin et de l'après-midi mais aussi retour de récréation) ne s'effectuent pas dans la précipitation. On laisse au moteur le temps de chauffer!
Varier les supports que l'on offre à l'observation et à la recherche: ceux-ci sont visuels ou auditifs, complexes ou très simples, collectifs ou individuels, réels ou virtuels, écrits ou imagés etc...
Alterner les modalités d'expression des élèves: ils écoutent, parlent, écrivent, répondent par des signaux (lever la main, montrer un carton de telle couleur...).
Ménager des pauses pour récupérer entre deux efforts importants.
Alterner autant que possible les activités réclamant une forte concentration et celles qui se contentent d'une vigilance normale.
Contrôler la participation en phase collective orale: mettre des limites aux élèves envahissants, solliciter les discrets et ceux qui se cachent et se mettent à l'abri derrière les démonstrations des « vedettes ».

2/ La régulation de la vie collective en classe.
Contrairement aux croyances générales, la vie scolaire de l'élève ne se réduit pas à l'addition des apprentissages disciplinaires. L'enfant-élève vit et apprend avec d'autres et la réussite dans les apprentissages particuliers est très dépendante à la fois de la manière dont il se sent dans le groupe et de l'état général de ce groupe. Les observateurs du comportement et de l'état psychique des élèves en échec ont souligné que la plupart étaient peu à l'aise dans le collectif et même, dans certains cas, marginalisés. L'enseignant qui prend soin de l'état de son groupe classe et qui se donne, entre autres buts, d'en faire une société vivante, paisible et solidaire, va obtenir des effets indirects sur l'apprentissage des plus faibles. Ce principe est connu de puis longtemps par les pédagogues novateurs qui ont inventé la « classe coopération » et la «  pédagogie institutionnelle ». Ils n'hésitent pas à consacrer du temps à la régulation de la vie collective en installant à cet effet des « institutions » qui impliquent les élèves dans la responsabilité du cadre, la construction des règles et la parole. Les moments réguliers de mise au point et d'invention permanente du cadre de vie scolaire tels que le conseil d'élèves sont utiles à tous mais les élèves les moins à l'aise dans les apprentissages classiques retrouvent l'occasion d'une meilleure estime d'eux-mêmes.

3/ Les projets collectifs.
Ce terme englobe un très grand nombre d'initiatives rattachables à une matière d'enseignement, à une perspective trans-disciplinaire, à des actions d'ouverture sur le milieu, à des créations collectives... A titre d'illustration, indiquons les plus connues: défis (entre classes, groupes d'une même classe, écoles) dans des savoir ou savoir-faire (sciences, lecture, maths); rencontres sportives, correspondance scolaire, création d'un journal de classe, réalisation d'un projet artistique, sortie scolaire, préparation d'une exposition, écriture collective d'un récit etc... Tous ces projets ont en commun, non seulement de suspendre les effets de l'hétérogénéité, mais de mettre en valeur des dons et des qualités qui ne sont pas similaires aux habituelles appréciations concernant la réussite scolaire.

4/ L'entraide entre élèves.
Cette perspective, bien considérée dans certains pays, est plutôt dévalorisée par nos compatriotes. C'est inattendu dans un pays qui affiche la « fraternité » comme un de ses trois piliers politiques. Le centralisme qui infiltre toute notre conception sociale n'a pas épargné l'école. On y présuppose toujours que chaque élève est relié par un tuyau à son enseignant et que c'est par cet unique canal que peut transiter la connaissance. Ici, nous ne poursuivons pas ces réflexions, mais il semble utile d'évoquer dans la prise en compte de l'hétérogénéité les liens d'apprentissage entre élèves. A partir du moment où la décision pédagogique de distinguer deux groupes, l'un qui a besoin de beaucoup d'aide et un autre plus à l'aise, pourquoi ne pas pousser l'initiative jusqu'à des formes de tutorat. Des élèves réussissant bien, autonomes, sont en mesure, notamment au cycle trois, de porter assistance à des camarades lents, hésitants et manquant de confiance en eux. Une telle opération, qui ne demeurerait pas occasionnelle, pourrait fortifier la responsabilité de tous.


Date de création : 06/10/2015 @ 09:17
Dernière modification : 06/10/2015 @ 18:19
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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