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Le redoublement.

 

 

Le décret du 18 novembre 2014 relatif au suivi et à l'accompagnement des élèves accentue une tendance déjà très affirmée depuis deux décennies au moins à limiter fortement le redoublement.

Déjà peu recommandé auparavant il doit avoir désormais un « caractère exceptionnel » . Il en résulte une implication plus grande du conseil des maîtres et, par voie de conséquence, du directeur de l'école qui doit s' assurer d'une bonne interprétation par tous ses collègues de cette nouvelle orientation et vérifier que les propositions de mesure seront pertinentes.

Les indications et propositions qui suivent pourront le soutenir lorsqu'il aura à présenter en conseil des maîtres le problème posé et suggérer une méthode pour l'aborder.

 

 

I/ Bien situer les directives actuelles dans le cadre de fortes tendances des doctrines éducatives modernes.

 

Les nouvelles directives prennent racine dans un terrain d'idées complexe: d'une part le redoublement est décrété inefficace, d'autre part le refus croissant, marqué par l'intention égalitariste de ne pas « stigmatiser », faire des ségrégations, fait apparaître cette mesure comme discriminatoire, blessante à l'égard des élèves concernés.

Ajoutons à cela que la comparaison avec le systèmes scolaires des voisins européens montre les chiffres du redoublement en France comme une sorte « d'exception culturelle » négative.

Il n'est pas scandaleux de permettre à nos collègues d'examiner ces arguments afin de tester leur solidité. L'exercice de l'esprit critique n'implique pas la désobéissance et le devoir de réserve des fonctionnaires n'est pas l'équivalent d'une auto-censure.

Ainsi, les arguments qui sous-tendent l'hostilité au redoublement, peuvent être questionnés. Nous en faisons ici un bref essai.

Le redoublement serait inefficace: on s'appuie pour l'affirmer sur un suivi longitudinal des élèves qui, ayant redoublé, poursuivent une scolarité souvent difficile et accidentée. Autrement dit: faire redoubler ne garantit pas le succès ultérieur. Ce reproche est naïf. Les méfiances croissantes qui se sont exercées sur cette pratique ont, depuis longtemps, aboutit à n'appliquer la mesure qu'à des échecs lourds qui sanctionnaient des retards anciens et cumulés. Peut-on espérer de cette mesure l'effacement complet d'un tel passif? Ce serait déraisonnable. Nombreux sont les élèves qui, correspondant à un profil de mauvaise adaptation à la vie scolaire et aux apprentissages, demeureront fragiles tout au long du cursus.

L'argumentaire anti-redoublement contient toujours le grief d'une année redoublée « à l'identique ». Cette objection mérite un examen soigneux. Il n'existe que très peu d'élèves auxquels on devrait appliquer une seconde année « bis ». Même avec de très lourds échecs, les élèves ont fait des apprentissages partiels, sélectifs et mal inscrits. Des aménagements sont donc exigibles en cas de redoublement. Ils portent sur les contenus mais également sur les méthodes de travail et concernent aussi la relation entre l'enseignant et l'élève qui ne doit pas être traité avec méfiance. Ces remarques posées, il faut reconnaître que la construction de tels projets est restée au stade des intentions. Manque de conviction? De méthode? On ne peut que ré-introduire le sujet dans la réflexion des équipes.

Le redoublement fait souffrir, il « stigmatise »: la stigmatisation est un terme facile aujourd'hui et dont on abuse. Sous couvert de ne pas stigmatiser on dérive vite vers l'inconsistance éducative en s'abstenant progressivement des contraintes et donc de la matérialité du cadre. La mesure de redoublement provoquera, on s'en doute, des émotions déplaisantes chez bon nombre d'enfants, le sentiment d'échouer, de décevoir, une perte momentanée de confiance en soi. Ces effets sont-ils à éliminer ou à travailler à l'intérieur de la relation éducative afin d'aider l'élève à cicatriser ses blessures? On comprendra sans doute mieux les enjeux en posant le problème dans l'autre sens: que pensera un enfant (qui est toujours conscient de ses insuffisances scolaires) d'adultes qui « font l'autruche » et esquivent leur devoir de vérité? Cela ne donne guère envie de grandir mais plutôt de profiter le plus longtemps possible de la faiblesse des éducateurs.

On reproche aussi au redoublement de contribuer à l'inégalité entre les écoliers. Cette approche procède de l'idéologie la plus simpliste. Poussée à ses extrémités elle nous contraindrait à offrir à tous le même diplôme et sans doute à nous abstenir de toute évaluation, même la plus édulcorée. Comme on vient de le remarquer, l'élève en échec n'a pas d'illusion sur la différence entre son niveau et celui de ses camarades. Il pourrait tenir les adultes qui veulent masquer le décalage comme des tricheurs. Aurait-il tort?

Il est probable que le redoublement attire encore bien d'autres objections. Celles que l'on vient de mentionner surgiront certainement au cours de l'échange entre les collègues pourvu qu'on n'empêche pas la discussion. Le débat ne peut que servir la dignité de la profession; il est, de plus, formateur, car l'éducateur scolaire ayant clarifié ces thèmes ressentira une meilleure confiance dans sa capacité à décider.

 

 

 

II/ Permettre aux collègues de réagir face aux nouvelles restrictions qui touchent le redoublement.

 

A l'intention des directeurs et dans le but de les rendre aussi réceptifs que possible devant la variété des prises de position de leurs collègues, mentionnons ici quelques tendances à attendre comme les plus fréquents.

En premier lieu, une réaction assez sèche, peut-être rigide qui va s'exprimer à travers des phrases comme celles-ci: « dans ma classe j'ai cinq élèves qui n'ont pas le niveau pour passer, je ne vois pas ce que l'on peut faire à part le redoublement ». Ce collègue se cramponne à une interprétation assez mécanique du redoublement; il ne lui sera pas possible de tenir cette position.

Une deuxième catégorie formulera un renoncement « a priori »: « ce n'est pas la peine de proposer des redoublements, ils seront de toute façon refusés (par la famille, par la hiérarchie etc...).

Cette position en apparence réaliste peut cacher une sensibilité défaitiste. Ce terme n'étant pas vraiment péjoratif car on peut comprendre une certaine dose d'usure et une tendance à l'abandon face à des évolutions dont, après tout, on n'est pas sûr du bien fondé.

D'autres collègues peuvent rester silencieux et refuser de s'exprimer. On ne sait pas si c'est par peur d'être mal jugés, par sentiment d'impuissance: « on peut toujours dire ce que l'on pense, cela ne sert à rien ». On ne peut qu'encourager ces collègues à s'exprimer en vertu d'un principe simple: ce qui a fait le prix de notre  parole, ce n'est pas son succès mais l'exercice de notre liberté. Remarquons au passage que cette sorte d'auto-censure n'est pas rare dans notre corporation et il faudrait peut-être se poser des questions à ce propos.

Certains professeurs qui ont bien mesuré la force des restrictions ressentiront une difficulté plutôt concrète et technique pour l'application des nouvelles règles: « dans quel cas peut-on proposer un redoublement susceptible d'être validé? ».

Enfin une grande majorité de nos collègues s'interrogent sur la conduite à tenir pour la scolarité, l'année suivante, des élèves accusant de très gros retards et qui devront pourtant être admis dans la classe qui suit. Ce problème est délicat, de tradition; il est cependant renforcé par le passage automatique d'élèves qui, à des périodes moins restrictives, auraient redoublé.

 

III/ Mettre au point une stratégie collective.

 

L'aptitude des collègues d'une même équipe à réagir de façon commune a un effet protecteur sur chacun en particulier. Un enseignant qui maintiendrait une ligne intransigeante seul, se trouverait exposé. Aux parents d'élèves en premier, à sa hiérarchie ensuite et éventuellement à certains de ses collègues.

Ce risque doit être rappelé dès le départ par le directeur en indiquant la vraie nature de son souci: protéger ses collègues et leur épargner des désaveux pénibles.

Le directeur peut procéder en s'appuyant sur le processus d'étape qui suit.

 

1ère étape: il rappelle la force de la restriction introduite par le décret du 18 novembre 2014. Il n'hésitera pas à faire la lecture des lignes les plus évocatrices. Il mentionne l'intérêt d'aborder ce dispositif de façon concertée.

2ème étape: il se montre disponible et accueillant pour un tour de table des réactions. Tous les points de vue ont le droit de figurer. Dans le cas où certains participants souhaiteraient que des observations soient remontées vers la hiérarchie, le directeur s'offre à structurer cette démarche.

3ème étape:les collègues qui estiment que des élèves de leur classe répondent aux nouveaux critères sont invités à les présenter devant la réunion des maitres. Ce travail, de portée technique, est très utile. Il aide les collègues à clarifier leurs critères, à les étayer et à les confronter aux indications du texte officiel.

4ème étape: le directeur propose sa participation à l'élaboration du dossier lorsque des élèves semblent relever d'une proposition de redoublement.

 

IV/ Examen d'un point délicat du décret: la « rupture des apprentissages scolaires ».

 

Rappelons l'élément littéral: « à titre exceptionnel le redoublement peut être décidé pour pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires »

En quoi consiste une rupture des apprentissages scolaires?

On peut, dans un premier temps, penser à une forme concrète de la coupure: l'élève ne vient plus en classe. Mais dès que cette hypothèse est envisagée il faut trouver les motifs. S'il s'agit de maladie ce ne sera pas une pathologie chronique pour laquelle les conditions d'accueil sont prévues. Pas davantage une immobilisation due aux accidents les plus fréquents et entraînant des invalidités. L'école accueille très bien les élèves en fauteuil roulant. Demeurent malgré tout de rares cas de pathologies exigeant des hospitalisations de longue durée et qui se traduiraient par cette sorte de rupture. Observons tout de même que dans certains de ces cas, le redoublement n'a pas lieu; s'agissant d'élèves de bon niveau et aptes à refaire leur retard, la scolarité ordinaire est souvent respectée.

Dans une autre perspective on peut évoquer des situations familiales chaotiques provoquant des désordres importants et durables dans la fréquentation scolaire sans que les suivis et contrôles puissent déboucher rapidement sur des mesures propices à la stabilité de l'enfant. Des changements de domicile, des modifications du régime de garde de l'enfant, des conflits au sujet de sa scolarité entre les parents peuvent s'accumuler et aboutir à une rupture de fait dans l'activité scolaire.

 

Avec l'accueil scolaire d'enfants immigrés ou de parents réfugiés politiques nous connaissons des formes nouvelles de rupture. Elles ne peuvent être dites « d'apprentissage » dans le cas où l'élève était régulièrement scolarisé avant d'arriver dans notre pays. Il y a cependant une rupture portant sur l'environnement culturel et, s'agissant de l'école, sur la langue. Dans un grand nombre de cas, les solutions sont recherchées élève par élève sans utiliser le terme de « redoublement ». D'autant plus que les niveaux de classe et les cursus peuvent ne pas se correspondre entre le pays d'origine et le pays d'accueil. Il peut cependant se présenter des profils pour lesquels avec une accumulation d'inconvénients parfois traumatiques l'indication de redoublement puisse prévaloir.

D'autres cas de rupture « dans la réalité » auxquels nous n'avons pas pensé se présenteront sans doute, mais nous devons surtout maintenant nous affronter à une forme de rupture dans laquelle l'élève rompt de lui-même avec ses apprentissages sans que les conditions de sa vie scolaire et l'environnement concret de sa famille soient concernés.

Si l'effondrement des résultats est brutal et inattendu au vu d'un passé scolaire ne serait-ce que convenable, nous devons faire preuve de prudence car l'échec est probablement l'effet direct d'un événement très perturbant dans la vie de cet élève. Il s'agit davantage d'un arrêt dans une activité jusque là normale et on peut espérer un rétablissement rapide si l'aide appropriée est apportée. Ce scenario n'est cependant pas le plus courant et ce que nous constatons plutôt c'est un échec par accumulation de carences. Les difficultés sont anciennes, datant éventuellement des débuts de la scolarité; elles se sont additionnées et conduisent, à un point donné du cursus, à un retard considérable. C'est dans une telle conjoncture que la question du redoublement se pose le plus souvent.

Elle est d'ailleurs formulée dans des termes qui ne contiennent aucune intention de « stigmatisation » de l'élève: « si cet élève passe au niveau suivant, la répétition de l'échec paraît plus que probable et le creusement du retard est attendu; une année de « pause », de rattrapage, sous la forme d'un maintien dans la classe actuelle aurait-elle des effets positifs? »

C'est sur ce ton à la fois soucieux et interrogatif que la grande majorité de nos collègues aborde la mesure de redoublement.

Les possibilités d'exécuter la mesure, dans ce type de cas, se sont progressivement restreintes. La nouvelle orientation laisse-t-elle encore une place à cette orientation? Pour le savoir le seul moyen reste de tester le dispositif. Deux manières de le faire sont possibles; D'abord en posant la question à l'autorité hiérarchique. Le conseil des maîtres la rédigera en exprimant le souhait de recevoir des exemples de « rupture » et des indications qui matérialisent sa « durée importante ». Ensuite en observant l'accueil que le filtre administratif réservera aux propositions de redoublement émanant des écoles. L'avis de l'IEN est obligatoire (décret cité), reste à souhaiter qu'il soit motivé. Dans ce cas la motivation apporterait des clarifications.

 

Plus encore que par le passé, le directeur se trouve impliqué par le caractère très restrictif des conditions nouvelles du redoublement. Sa tâche est particulièrement complexe. En tant qu'il relaie les directives officielles il lui revient de les expliciter à destination de ses collègues mais tout autant de relayer les demandes de précision que ceux-ci pourraient souhaiter. Comme il s'agit d'un sujet sensible, il doit créer les conditions d'une expression complète des réactions et organiser l'échange sur ce thème. Enfin quelles que soient les issues qui seront données aux dossiers présentés, l'aménagement de la scolarité des élèves passe par une continuité et une coordination entre les enseignants. Sur ce point il est le mieux placé pour faciliter les contacts et soutenir les initiatives pédagogiques qui devront être adoptées.


Date de création : 10/08/2015 @ 15:06
Catégorie : ACTIVITES - Directeurs
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