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Exercer l'autorité à l'école maternelle.

 

 

Avec les élèves les plus jeunes et particulièrement ceux qui débutent leur scolarité, exercer l'autorité présente quelques caractéristiques fortes, accentuées d'ailleurs par les préoccupations éducatives modernes, ambivalentes on va le voir, à ce sujet. Relevons d'abord la rupture que provoque la scolarisation avec le style éducatif familial. Celui-ci n'est bien entendu pas homogène mais, de façon globale, l'autorité parentale à la maison, qu'elle soit stricte ou l'inverse, s'exerce dans une proximité, une « familiarité », une continuité qui diffèrent beaucoup de la manière distante avec laquelle l'école la pratique.

L'autorité scolaire prend un tour socialisé, non privé, dénué des particularismes familiaux. Elle s'exprime de la même manière pour tous les élèves et si, bien sûr, elle est marquée de la personnalité de chaque maître, c'est tout de même en se rapportant à des principes généraux que les enseignants agissent. Le jeune élève rencontre ici une épreuve de décentrement avec le sentiment d'une grande nouveauté.

Les objectifs proprement scolaires imposent des apprentissages et, quelle que soit la prudence que les instructions officielles observent sur ce point, un niveau précisément qualifié est requis en fin de cycle à l'école maternelle. Cette exigence ne peut être soutenue qu'à l'aide d'une forme relativement sévère de l'autorité. Il n'est pas possible d'attendre très longtemps que les acquisitions se produisent comme sous l'effet d'une maturation naturelle. Un certain forçage est requis et il vise essentiellement à faire de l'enfant un élève. Les enseignants admettent (plus ou moins bien) que tous les élèves n'avancent pas au même rythme et ils s'attendent à ce que chacun accepte d'endosser la fonction d'élève.

L'autorité des enseignants de l'école maternelle est observée, scrutée parfois, par les parents des élèves débutants. Cette vigilance parfois intrusive, souvent anxieuse, parasite l'action de l'école. Ce n'est pas une des moindres particularités de ce segment scolaire et c'est souvent à l'origine, pour les professeurs, de soucis continuels.

L'addition de ces différents aspects place dès le départ l'enseignant dans une position ambivalente que nous pouvons décrire comme suit:

    • la nécessité de « faire des élèves » est contrebalancée par la volonté de respecter les délais d'adaptation et de maturation et il en résultera souvent une hésitation quant à la fermeté à observer en général et au cas par cas: trop de pression pourrait contrarier l'accès au développement.

    • Le parent d'élève est tellement présent à l'arrière-plan de la relation maître-élève qu'il devient une sorte de tiers auquel on se réfère constamment et susceptible évidemment de paralyser l'acte d'autorité. Ce constat vaut aussi bien pour un parent particulier dont on craint le jugement que pour la catégorie parentale prise dans son ensemble (que pensent aujourd'hui les parents de telle façon de sanctionner?).

 

On peut compléter cette description de l'exercice difficile de l'autorité à l'école maternelle en faisant intervenir, sur le plan historique, la discontinuité et l'instabilité des doctrines éducatives. Depuis cinq décennies le champ doctrinal est occupé par deux tendances qui tour à tour se veulent dominantes. La première pousse à « scolariser », certains disent à primariser en espérant qu'une vie scolaire plus stricte, moins ludique, produira des apprentissages plus rapides et plus solides. La seconde incite plutôt au respect des délais du développement, à la considération des personnalités enfantines singulières; on craint alors de priver les élèves de leur enfance. Dans la première option l'autorité est mise en valeur par la priorité donnée aux apprentissages; dans la deuxième on la souhaite modérée, nuancée et progressive.

Deux difficultés, en résumé, se présentent à nos collègues: comment sortir de ce va-et-vient de l'idéologie éducative? De quelle manière présenter l'autorité aux jeunes enfants sans l'édulcorer? Pour faire face à ces deux questions, nous avançons diverses propositions qui vont s'enchaîner dans l'ordre suivant:

    • le conflit entre maternage et autorité peut se résoudre.

    • La loi se matérialise pour le jeune enfant à travers son cadre de vie et d'action.

    • Il existe une prévention possible du contentieux avec les familles à propos de l'autorité.

    • Le style et la conduite de classe contribuent de façon substantielle à l'autorité de l'enseignant.

 

 

Maternage et autorité.

En toute première approche les deux termes paraissent antinomiques. D'autant que le maternage, dès que l'on quitte le domaine qui évoque la satisfaction des besoins du très jeune enfant, prend assez vite un sens péjoratif. Il est alors synonyme de sur-protection et fait craindre des enfants « couvés » qui peuvent évoluer vers la toute puissance.

Nous n'irons pas dans cette direction et nous préférons chercher l'articulation correcte entre maternage et autorité, la dialectique entre la sollicitude et la transmission de la limite.

La formulation « école maternelle » invite d'ailleurs à approfondir cette perspective en rapprochant l'instance maternelle d'une institution sociale chargée de provoquer la coupure avec la famille: comment rendre la coupure (qui est nécessaire) praticable pour des enfants très jeunes et fortement dépendants de leur lien à l'adulte? On voit bien alors que le maternage scolaire ne comportera pas l'indifférenciation ou la fusion. L'enfant qui rentre à l'école n'a nul besoin d'une autre mère. Le maternage de l'enseignante n'implique pas cette redondance. Il prend soin d'éviter la possession ainsi que de tomber dans l'exigence d'être aimé par l'enfant.

Ce maternage scolaire se soucie de sécurité physique, de bien-être matériel: on reste attentif au goûter, à la faim et à la soif, à ce qui se passe dans les toilettes, au vêtement qui ne gêne pas, aux chaussures qui tiennent au pied; on soigne les coupures et les égratignures.

Mais, principalement, il apporte le réconfort nécessaire lorsque l'enfant rencontre l'échec dans l'affrontement obligé aux épreuves scolaires. Les apprentissages ne s'effectuent jamais sans un minimum de déceptions et l'incompréhension, la souffrance, le dépit sont souvent au rendez-vous. L'adulte est alors espéré pour consoler, redonner les bonnes proportions à l'événement, rassurer sur la possibilité de dépasser ce moment difficile.

Aucun des objectifs que nous venons de présenter n'implique l'abandon de l'autorité. Mais celle-ci s'exerce plutôt sur le maintien de la sécurité matérielle morale et relationnelle du cadre de la vie scolaire. La tenue très ferme de ce cadre empêche l'angoisse; le maintien de celle-ci au plus bas niveau possible est une condition nécessaire aux apprentissages. Ceux-ci requièrent d'énormes quantités d'énergie, laquelle n'est pas illimitée. La quantité de cette énergie qui sert à faire face à l'angoisse fera défaut pour la concentration qu'exigent les apprentissages.

 

 

Comment se concrétise la loi pour le jeune enfant?

La réponse à cette question débouche directement sur la conception du mode de l'autorité à l'école maternelle.

Plus encore que pour les élèves de l'élémentaire, la loi est éloignée de la raison, de la compréhension. Le jeune enfant est très loin de pouvoir reconnaître la nécessité et les bienfaits de la loi. Si l'on admet le caractère égocentrique de cette tranche d'âge, on saisira que la loi ne peut y être ressentie que comme arbitraire: elle empêche et on ne comprend pas pourquoi!

D'où la nécessité d'envelopper cette loi sous des formes acceptables, capables de susciter la participation de façon spontanée. La ritualisation des règles est une forte caractéristique de la vie scolaire quotidienne à l'école maternelle. Tout ce qu'il est obligatoire de faire se propose à travers des rituels souvent plaisants, faisant appel au rythme, au son, au mouvement ou à des figures familières (mascottes, marionnettes). Tel déplacement se déroulera en chantant, une invitation à faire moins de bruit ou à demeurer silencieux, de même; l'attention sera réclamée par l'intermédiaire d'une marionnette, le retour à l'immobilité par un jeu de ralentissement moteur, etc...

Toutes ces techniques, une fois présentées, ont intérêt à rester stables pour acquérir un caractère de familiarité. La règle est une sorte d'habitude. Il ne faut pas compter sur la persuasion et les arguments pour la fortifier.

 

 

Limiter les conflits avec les familles au sujet des actes d'autorité de l'école.

On peut, non sans raisons, regretter le temps où l'autorité du maître d'école n'était jamais remise en cause à la maison. La puissante évolution née il y a quelques décennies a rendu les familles (un nombre important d'entre elles) méfiantes et critiques, parfois jalouses des prérogatives du professeur.

S'agissant d'enfants jeunes, le souci d'une injustice, d'une expérience douloureuse pour l'enfant, peut pousser des parents à protester contre des sanctions, même légères, infligées à leur enfant.

Les incidents surviennent lorsque l'enfant fait état, chez lui, de remarques faites par ses maîtres ou raconte une punition reçue par un camarade ou par lui-même. Il peut s'agir d'une sanction extrêmement légère (être isolé brièvement).

Lorsque l'enseignant rencontre, à son initiative, les parents en raison d'une adaptation scolaire difficile, la même réaction d'incompréhension, d'agressivité éventuellement, peut avoir lieu.

La méthode la plus prudente et la plus efficace est préventive. On se saisit des diverses occasions que fournit la vie scolaire (premières inscriptions, portes ouvertes, réunion de classe...)pour anticiper sur les inévitables occasions de malentendus.

On instruit les parents de ce qui peut survenir en présentant les événements comme normaux: un enfant jeune rencontre, au cours de son expérience scolaire, des situations nouvelles; il en est surpris et cela le conduit à les rapporter « à sa manière » à la maison. Les parents ont intérêt à vérifier en s'informant auprès de l'école. On évite de s'emporter contre l'école devant son enfant. On peut solliciter de celui-ci des précisions et lui dire que « quand on verra la maîtresse, on lui en parlera ».

Il est très utile de faire apparaître aux parents qu'à l'école, les nécessités de l'apprentissage dans un cadre collectif (effectif important) rendent nécessaires les contraintes. Le cadre scolaire est, forcément, plus strict que celui de la famille. Le sens et la portée des petites sanctions pratiquées seront expliqués: isoler un enfant, interrompre une activité interdite ou dangereuse, réprimander, font partie de l'intervention ordinaire du professeur. On insistera sur les effets sécurisants et apaisants de ces mesures. Elles enlèvent l'angoisse chez un enfant qui n'est pas capable de se contrôler tout seul.

 

 

La conduite de classe, auxiliaire de l'autorité.

Le maniement du temps, spécialement la mesure des durées, figurent au premier rang de la vigilance. Les enfants jeunes manifestent une forme d'agitation qui n'est nullement transgressive mais qui se présente souvent comme la réaction à un effort trop pesant. Il s'agit presque d'une auto-régulation au sens où ils cherchent une détente qui leur est refusée ou trop retardée. Ils bougent et font du bruit. Il est préférable de ne pas en arriver là, mais, si on est sensible à ces signes, on change d'activité sans hésiter ou bien on organise la coupure avec tous les moyens à notre disposition: un jeu de mains, un chant, un jeu vocal...

Le regroupement des élèves pour les activité collectives doit être assez spacieux pour éviter la promiscuité. Les jeunes élèves cherchent à définir leur espace propre au moyen du contact avec les autres ce qui débouche rapidement sur des interférences corporelles (se pousser, se tirer, se frapper). Chacun doit pouvoir disposer d'une place suffisante pour ne pas avoir besoin de la créer en disputant l'espace aux voisins. Au cours de ces activités de grand groupe, les supports de travail (ce que l'on regarde) sont bien placés: à la bonne hauteur, bien centrés, alignés sur les axes de verticalité et d'horizontalité pour bien fixer l'attention. Leur format est suffisant pour permettre leur compréhension, même à quelques mètres de distance.

Dans cette installation, les élèves peuvent, individuellement ou à deux ou trois, se déplacer. Ils quittent momentanément leur place pour venir manipuler, commenter les supports proposés à l'observation. Des couloirs de déplacement évitent d'avoir à enjamber, à pousser les autres. Ces trajets peuvent être matérialisés au sol, au moins en début d'année.

Pendant les activités sur table (ateliers) les déplacements sont limités par une bonne préparation matérielle. Avec la maturité progressive, des enfants « responsables » d'ateliers sont chargés d'aller chercher ce qui manque.

En salle de jeux (motricité), l'installation préalable des sites d'activités évite de faire attendre les élèves et de leur tourner le dos pendant qu'on les met en place. Le retour au calme, à l'aide de consignes induisant le ralentissement moteur, la diminution tonique suite à des phases très actives, le retour au silence sont des pratiques systématiques à l'école maternelle. Ce n'est pas lorsque nous constatons des turbulences que nous y pensons. Au contraire nous prévoyons ces moments qui s'intègrent à l'activité elle-même. Les jeux sonores, les chants connus des élèves sont utilisés dans ces occasions. Chez les plus petits, une marotte ou la mascotte de la classe sont mises en scène pour demander -par leur intermédiaire- le silence ou le ralentissement.

Les objets personnels des enfants sont déconseillés à l'école, à l'exception du « doudou » personnel qui est déposé à l'entrée de la classe (au vestiaire) et repris en sortant à la fin de la journée. Cette tolérance est raisonnable. Notons que dans le sens inverse, la mascotte de la classe, quand elle existe, voyage dans les familles. Cette expérience donne lieu à diverses exploitations.


Date de création : 26/04/2015 @ 10:55
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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