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Tenue de l'enseignant et attitude envers les élèves.

 

 

Des précautions s'imposent tout de suite si nous voulons être lus et éviter un rejet préalable pour passéisme, nostalgie ou moralisme. Nous n'ignorons pas la difficulté qui existe de nos jours à interroger la manière, le style, la tenue des adultes lorsqu'ils se trouvent en exercice professionnel devant les enfants.

 

L'observation de la difficulté actuelle à réguler cette extériorité de l'éducateur sera le sujet de notre première partie. Nous nous attacherons dans un second temps à justifier raisonnablement certaines prescriptions en les présentant comme des conditions favorables à l'autorité de l'acte éducatif. Ces points de vigilance seront ensuite présentés avec leur mode d'emploi, leur bon usage, leur but étant de se tenir entre les excès de rigorisme et ceux du laisser-aller.

 

Tenue et attitude de l'enseignant: une provocation pour la sensibilité moderne?

 

La revendication contemporaine de liberté individuelle n'exclut rien. Au contraire toute trace de normativité s'agissant de la façon de s'extérioriser, de paraître en société, semble un abus rattachable aux obscurités des temps révolus.

Le fait de se présenter publiquement en affirmant des choix spontanés est même reconnu comme une marque d'émancipation: l'homme libre se donne à voir et à entendre « comme il veut, où il veut, quand il veut ». La revendication d'authenticité (être vraiment soi-même) est assez largement répandue.

Ces rappels de nos nouvelles valeurs sont indispensables si nous voulons comprendre la méfiance et même l'hostilité qui vont surgir dès lors que l'on va suggérer à des professeurs d'être ne serait-ce qu'attentifs à leur habillement ou à leur langage devant les élèves. On pourra nous objecter d'abord des restrictions à la liberté de l'individu, puis des atteintes à la personnalité et même des erreurs éducatives (pour rendre libre celui que l'on éduque il faut marquer soi-même les signes de l'affranchissement).

Ces obstacles ont au moins un avantage, celui de nous pousser à l'argumentation qui suit.

 

Une approche rationnelle de ce thème.

 

D'abord, le rejet des traditions, dans le domaine éducatif qui nous occupe, s'effectue par préjugé. On déclare que les prescriptions d'autrefois étaient arbitraires, sans fondement. Il faudrait le démontrer. Il est exact que l'on prenait l'habitude de dire « il faut » ou « il ne faut pas » sans annoncer les motifs. Ce qui n'autorise pas à conclure qu'ils n'existaient pas. Nous avancerons ici la perspective opposée: si la tradition s'est montée constamment exigeante sur la façon dont l'éducateur se présente, c'est en raison de convictions vérifiées et jamais démenties. Essayons de les faire revivre.

Elles se résument dans le postulat suivant: l'être humain est d'abord un être de langage et c'est à l'aide de symboles qu'il définit sa place, reconnaît celle des autres et peut passer d'un lieu à d'un temps à un autre et habiter des rôles successifs.

Les mots « coupure, place, fonction, distance » nous aident ici à concrétiser l'opération qui permet à un adulte de devenir, un temps donné et dans un lieu précis, le professeur d'un élève qui , de son côté, a dû quitter des lieux, places et activités consacrés à l'enfance.

 

Nous ne devrions pas nous étonner de découvrir qu'à l'école, ces marquages de la coupure soient nécessaires alors que nous les admettons et qu'ils nous repèrent de manière continuelle dans la vie sociale. Nous ne nous attendons pas, en effet, à rencontrer le policier en pyjama, le serveur de bar en survêtement et l'agent bancaire nous recevoir en tenue de plage... Si nous sommes sincères nous reconnaitrons aussi que nous ne nous adressons pas à toutes ces personnes qui se trouvent en fonction avec les mots, le ton, les accents et les gestes que nous avons pour nos copains ou les membres de la famille. Il ne s'agit pas d'ornements, d'oripeaux, d'accessoires inutiles mais d'éléments de langage dans un monde de langage. Que la volonté de certains d'en imposer ou de s'exhiber puisse devenir gênante, on le concèdera, mais le détournement du symbole ne permet pas de déclarer son inutilité.

Pour admettre la nécessité pour l'enseignant d'entrer dans la symbolisation de sa place, on peut regarder la situation d'un autre point de vue, celui de l'enfant qui cherche à se soustraire à la place d'élève. Il va chercher à esquiver ses obligations par diverses manœuvres dont l'une consiste à faire entrer l'enseignant dans son jeu à lui: « puisque je n'ai pas envie d'être élève, essayons d'attirer cet adulte dans un espace où il serait lui, le moins adulte et le moins professeur possible ». Cette tentative nous cherchons tous à la déjouer mais notre but sera plus vite atteint si nous ne donnons pas, à priori, de signes de connivence, que ce soit par le geste, la parole, la tenue etc...

On objectera que l'enseignant quelle que soit sa façon de paraître, n'a pas pour projet d'être complice avec l'élève. C'est vrai en principe; ce qui n'empêche pas que cela se produise au cas par cas. Mais surtout, nous ne sommes pas en mesure, quelle que soit la pureté de nos intentions, d'empêcher un enfant de convertir les signes que nous donnons au nom de notre liberté, de notre authenticité, en message de proximité, d'égalité, voire de fusion. Cette opération ne dépendant pas de nous, autant ne pas la faciliter en fournissant ses ingrédients.

 

Quelques sujets sensibles en rapport avec cette nécessité symbolique:

 

        La tenue vestimentaire: au vu des considérations qui précèdent on ne s'attendra pas à ce que nous décrivions un costume de professeur, encore moins que nous proposions un uniforme. Notre métier requiert un vêtement confortable nous préservant de toute raideur dans le mouvement et ne nous obligeant pas à éviter de nous salir en nous tenant à distance de tout; Surtout à l'école maternelle où le contact avec les jeunes enfants et des matériaux salissants est continuel. Nous bougeons beaucoup, marchons changeons de posture et notre liberté de mouvement est précieuse. L'habillement qui évoque trop le loisir, la détente, le sport ne favorise pas notre installation dans la fonction et, par ricochet ne facilite pas celle des élèves. Les ornements du vêtements, tant qu'ils ne sont pas provocants et portés avec la volonté d'attirer l'attention, ne sont pas à proscrire; le port de bijoux sans étalage ni excentricité est compatible avec notre travail. La propreté de notre tenue est requise; cela semble aller de soi. Des vêtements ou des accessoires notoirement luxueux seront réservés à d'autres circonstances, les parents de nos élèves doivent être préservés de l'affichage, même involontaire, d'une supériorité sociale. Des costumes exotiques, bigarrés, des tenues voyantes, sexuellement provocantes auront, même si nous n'y pensons pas, des effets d'étonnement, d'incompréhension; ils pourront alimenter des plaisanteries, des moqueries ou plus simplement fragiliser l'attention destinée au travail en la dérivant sur des détails pittoresques. Des coiffures souhaitées au départ comme originales, soit par leur forme, soit par leur couleur, produiront les mêmes effets. S'agit-il de se vêtir « neutre »? Non plus! La recherche du gris total ne garantit pas l'attention des élèves et pas plus l'autorité de l'enseignant. Elle ne communique pas non plus la joie de vivre et celle-ci n'est pas un obstacle à l'adaptation scolaire.

        Les excès étant repérés, on voit donc que la marge de manœuvre demeure très large.

 

Le langage, la façon de s'adresser aux élèves:

Comme la façon de s'habiller, le langage utilisé manifeste une modalité d'entrée en relation avec quelqu'un d'autre. Il installe un certain type de distance (éventuellement trop grande) ou de proximité (frôlant la promiscuité parfois).

Vu l'importance accordée au langage à l'école – c'est un objet d'apprentissage – on a souvent présenté les caractéristiques de celui du professeur selon des critères assez formels: il doit parler comme un dictionnaire ou un livre de grammaire. La façon dont l'enseignant manie la langue a certainement un impact sur l'apprentissage de l'élève, mais ici, ce n'est pas cet aspect qui nous retient.

Nous sommes plutôt sensibles à ce qui apparaît dans des formules telles que « parler comme à un copain, comme sur la cour de récré », des familiarités de langage etc...De telles expressions manifestent une sorte de transgression ou d'intrusion; on aperçoit que la sécurité fait défaut, que la distance protectrice a disparu.

Ce franchissement des limites, quand il fait défaut à l'enfant, nous dérange, mais peu à peu nous apprenons à admettre que tous les enfants ne sont pas en possession du bon réglage de la distance et nous nous apprêtons à les aider. Par contre le professeur ne doit rien faire qui puisse appeler ou consolider ce type d'opération. Au contraire, il s'efforce de construire la bonne distance en adoptant un langage sans vulgarité, sans laisser-aller, qui exclue les familiarités, les connivences. Comme pour le vêtement il ne s'agit pas de porter un costume de luxe, mais surtout de bien marquer la différence des places et d'installer, au profit de l'élève, des limites.

C'est au nom de cet objectif que l'on doit comprendre les habituelles recommandations de na pas crier, de s'adresser à l'enfant en lui parlant plutôt qu'en le touchant, à user modérément de l'humour (moins accessible aux enfants qu'aux adultes), de poser la voix dans un registre médian.

 

Gestes, postures, déplacements, mouvements, position dans l'espace.

L'enseignant de l'école primaire, contrairement à la légende, se trouve rarement derrière son bureau. Il circule parmi les élèves et se déplace , latéralement face à eux. Sa capacité à occuper l'espace est de façon directe un outil d'enseignement (cela multiplie et précise ses interventions) mais sont autant un vecteur de l'autorité car les jeunes élèves sont sensibles à la proximité physique de l'adulte.

Lorsqu'il se déplace, le maître le fait sans précipitation, ne devant pas donner le sentiment qu'il s'agite ou qu'il réagit à une urgence. Sa manière de se tenir debout (il ne s'appuie pas au mur) ou assis (sur une chaise plutôt que sur une table) lui garantira l'autorité nécessaire pour rectifier la posture d'un élève, ce qu'il faut faire assez fréquemment.

S'agissant d'avoir un contact avec un élève, la modération et même une certaine retenue ou lenteur du geste est souvent prudent. Certains enfants, craintifs ou anxieux, réagissent mal à des gestes brusques.

 

Aménager sa classe, ranger, décorer.

La matière ici est suffisante pour un chapitre de pédagogie étant donné qu'il s'agit d'un véritable acte éducatif. On se limite ici à quelques observations qui touchent aux places respectives du maître et de l'élève. La salle de classe est un espace dont la propriété, si l'on peut dire, ne peut être revendiquée ni par les élèves, ni par le professeur. C'est un domaine commun, au sens d'un moyen, d'un outil. Les élèves pourront se sentir responsables de la propreté et de l'ordre, à condition qu'ils ressentent ce lieu comme relativement indépendant de la personnalité du maître. Ce qui exclut, pour ce dernier, une trop grande personnalisation de sa classe. Il n'y apporte pas d'objets trop personnels ou intimes (photographies, souvenirs), mais peut y entretenir des plantes vertes ou participer, par un objet personnel, à une petite exposition thématique à laquelle les élèves contribuent également. La décoration de la salle n'est pas un projet personnel de l'enseignant, c'est plutôt l'effet d'un travail collectif des élèves qu'il dirige dans un sens esthétique.

 

Le téléphone portable et la tasse de café.

Nous ne souhaitons pas ici jouer le rôle de redresseur des mœurs mais plus simplement profiter de l'occasion fournie par de petits incidents pour rappeler quelques repères utiles. D'un côté les enseignants s'irritent, et on les approuve, de découvrir dans le secondaire et maintenant en cycle 3 des élèves incapables de se séparer du téléphone ou de diverses tablettes numériques et ludiques, manier ces objets pendant la classe. De l'autre côté, c'est encore rare heureusement, on mentionne le cas de professeurs appelés appelés sur leur téléphone en cours et interrompant leur geste professionnel pour répondre, même brièvement. Le constat de l'envahissement des espaces collectifs par ces petites machines et la désocialisation qui en découle ( sans parler de la gêne) est effectué et on n'y rajoutera rien. Par contre, s'agissant du lieu scolaire, si l'on ne pose pas de strictes interdictions, les risques sont considérables. Bien entendu, le raisonnement déjà tenu plus haut vaut toujours: si l'enseignant donne le mauvais exemple, il lui sera impossible d'intervenir lorsque des élèves transgresseront. Et la tasse à café? Pourquoi ne pas l'emporter de la salle des maîtres dans la classe? Pourquoi alors interdire à nos élèves le plaisir de déballer en même temps des barres de chocolat?

 

L'autorité de l'enseignant n'est plus guère, de nos jours, rattachée à des conditions telles que celles que nous venons de décrire. Si bien que nous avons tendance à sous-estimer ce qui peut passer pour des détails.

Nous essayons de faire apparaître, pourtant, que cette autorité loin d'être une substance qui serait accordée avec le titre, se nourrit d'une façon d'incarner concrètement et quotidiennement une place, une fonction, si on préfère. En prenant soin de sa manière d'être devant ses élèves, le professeur leur fait ressentir le caractère particulier de cette place qu'il occupe, non pas en son nom mais comme représentant social. Du même coup il se trouve en mesure d'exiger des enfants une place, elle aussi marquée par l'exigence sociale, celle d'élève.


Date de création : 26/04/2015 @ 10:50
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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