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Un collègue manque d’autorité : que faire ?

 

La formule « manquer d’autorité » est reprise ici telle quelle sans oublier qu’elle est approximative et que la définition de l’autorité d’un professeur demande beaucoup de soin. Mais nous ne nous intéressons pas ici, de façon directe à ce qu’est l’autorité de l’enseignant, à ses sources et conditions et aux conséquences négatives que son absence entraîne. Notre sujet concerne l’action, très délicate dans ce contexte, du directeur de l’école qui doit faire face à une situation complexe à manier, ouverte au risque et malgré tout souvent urgente.

 

Notre métier est exposé à de multiples risques devant lesquels nous sommes inégaux en raison de fragilités diverses qui déroulent soit de notre formation, soit d’une expérience faible ou limitée, soit encore de traits de notre personnalité. Tous les obstacles que nous rencontrons, et il s’en présente quotidiennement, n’ont cependant pas les mêmes effets, disons la même portée. Si nous ratons une leçon de mathématiques ou d’histoire faute de préparation ou par méconnaissance des capacités des élèves, les conséquences en seront négligeables, on n’en « fera pas une maladie », il suffira juste de reprendre les choses là où elles se sont arrêtées ! Lorsqu’un enseignant ne parvient pas, de façon durable, à se placer convenablement face à l’exercice de l’autorité, de multiples perturbations affectent la totalité du contexte.

D’abord les élèves, car il résulte de cette défaillance un cadre défavorable aux apprentissages. Les parents d’élèves ensuite s’en aperçoivent dans un grand nombre de cas et le plus souvent par l’intermédiaire de leur enfant. Ce dernier apporte des anecdotes sur la vie de classe, ou encore se plaint de certaines perturbations. Il peut aussi montrer des signes de désintérêt pour l’activité scolaire.

Les parents, dans l’hypothèse la moins défavorable, perdent confiance dans le professeur et leur enfant s’en rend compte. Dans le cas le plus ennuyeux ils engagent des démarches plus ou moins menaçantes.

Les collègues, dès que les perturbations prennent des proportions importantes et deviennent chroniques, peuvent être gênés mais éventuellement dérangés dans leur propre travail. S’ils sont les voisins immédiats de la classe en chahut permanent, ils doivent compter avec le bruit et les réactions intriguées de leurs élèves. Les inconvénients sont plus grands en cas de service partagé, pour l’enseignant qui effectue le complément. Celui qui devra reprendre cette classe l’année suivante, s’il n’y a pas de nouvelles répartitions, se fait du souci. Il arrive même que l’on puisse, en tant que collègue, être interpellé par des familles qui n’osent pas s’adresser directement à l’enseignant de leur enfant et qui, nous connaissant, estiment que nous pourrions être des intermédiaires efficaces.

La hiérarchie administrative peut, plus rarement, être saisie directement. Sur le moment, elle éprouve de l’embarras car elle ne possède aucun élément objectif pour mesurer les faits et serait dans une situation plus simple si le signalement était transmis par l’école elle-même. Dans bien des cas, elle réagit avec prudence et lenteur.

Le directeur de l’école, il apparaît en fin d’inventaire, se retrouve dans tous les cas au premier plan. Il ne peut pas échapper à la situation et, on va le voir, elle est pour lui toujours difficile à aborder.

 

 

 

 

Pourquoi cette situation est-elle aussi difficile ?

Avant même de commencer à mettre au point une démarche de travail, il y a urgence à mettre à distance toutes les émotions qui ne manquent pas de surgir quand on se trouve face à un problème de cette espèce.

Le premier réflexe est le plus souvent négatif, ce qui est éprouvé c’est l’envie d’éviter, de ne pas se mêler d’une affaire qui promet des dangers. Dans le moins pénible des cas on pense que l’on risque d’échouer, et dans le pire que l’on pourrait s’attirer des ennuis. Pourquoi ne pas assumer cet état de conscience si fréquent ? Après tout, une fois qu’il est reconnu, rien ne nous empêche d’agir.

Si nous éprouvons cette impression de danger, c’est d’abord parce que la défaillance de l’autorité n’est pas repérée en elle-même mais à travers ses effets : du bruit, des turbulences, des incivilités, de la violence parfois. Il est rare que l’on voie quelqu’un en train de manquer d’autorité ! Cette cause est hypothétique, on se dit « c’est peut être ça, ça doit être ça ».

Ce point est important car il nous fragilise dès le départ : nous avons le sentiment de ne pas avoir de preuves ; les pièces à conviction font défaut, le bénéfice du doute pourrait même s’installer et nourrir insidieusement notre désir d’esquiver le problème.

Mettons une note d’humour : ce n’est même pas certain que l’usage d’une « caméra cachée »(pure hypothèse car nous ne le ferons jamais) puisse nous fournir des preuves. Ce n’est pas un acte positif, matérialisé que « manquer d’autorité », c’est une façon d’être. Notre caméra secrète n’enregistrerait que les effets de cette attitude.

Le manque d’autorité demeure une hypothèse. Celle-ci peut être excellente, elle n’en engage pas moins celui qui la formule dans le risque de s’entendre dire : « Qu’est ce que vous en savez ? » il en va de notre « intime conviction » car nos chances sont faibles de constater le « flagrant délit ».

Nous craignons ensuite les réactions de la personne à laquelle il faut nous adresser. Quelle sera son attitude ? Le cas le plus favorable se présente lorsqu’elle reconnaît et la difficulté visible dans laquelle elle se trouve (une classe en désordre) et la cause de cette situation (la difficulté à exercer l’autorité). Et même dans ce cas de figure, l’émotion éprouvée par cette personne nous touchera.

Les réactions de déni sont toutefois les plus fréquentes. Elles ne prennent pas toutes exactement la même forme ; indiquons les variantes les plus fréquentes.

La rationalisation consiste à mettre sur le compte des élèves les échecs visibles : « Avec le groupe que j’ai cette année, c’est impossible d’obtenir le calme ». Cette objection doit d’ailleurs être pesée car, jusqu’à un certain point, ce facteur intervient. Il n’excuse pas tout mais a sa part dans l’évaluation d’une situation.

La minoration, la sous-estimation de l’état de fait est également un moyen de se défendre : « ce que l’on a pu observer de l’extérieur est accidentel, exceptionnel ; le reste du temps la classe est calme ».

La réaction la plus difficile à recevoir consiste en un rejet agressif, la démarche du directeur est qualifiée d’intrusive, déplacée : « Cela ne te concerne pas ». Le directeur est évidemment concerné, cela se rattache à sa fonction (et engage en partie sa responsabilité) mais une telle attitude peut le déstabiliser.

Une troisième difficulté, inhérente à ce contexte, tient au fait que le thème de l’exercice de l’autorité touche chacun de nous. Nous sommes tous concernés et même mieux : on peut être sûr que c’est difficile pour n’’importe qui. Ce point est important en ce sens que celui qui, de par ses responsabilités, va vers un autre qu’il tient pour défaillant (à juste titre) n’est jamais en position de confort ; il ne peut se présenter comme très assuré dans ce domaine.

Le directeur d’école est justement quelqu’un qui est sollicité en permanence quant à son rapport avec l’autorité. Il l’exerce, cette autorité, sous le regard pointilleux, éventuellement critique, de ses collègues. Son intervention sera forcément moins bien reçue s’il a l’habitude de se montrer faible dans ce domaine. Inversement si sa pratique de l’autorité est estimée raisonnable, ses chances de réussir ce type d’intervention sont augmentées.

L’autorité n’est qu’en partie un attribut du métier ou de la fonction. Pour le reste, c’est rattachable à la constitution personnelle du sujet. C’est presque un trait de la personnalité. Le fait de devenir professeur n’accorde pas de supplément dans ce domaine et chaque enseignant est bien obligé d’exercer l’autorité scolaire avec ses propres aptitudes, et ses limites bien sûr. Si nous revenons sur ces généralités c’est parce qu’elles sont actives dans la situation qui nous occupe : le directeur qui interpelle un collègue sur ce thème peut s’attendre à activer, à réveiller une question assez souvent refondée dans notre métier : « Qu’en est-il de mon rapport à l’autorité en général ? Comment suis-je placé par rapport à cela ? Indépendamment de mon diplôme de professeur…Nous allons, dans ces circonstances, toucher des aspects intimes.

Enfin, on aura toujours en tête – et cela au titre des difficultés de l’exercice – que nous agissons dans un contexte historique qui se caractérise par une grande méfiance à l’égard de l’autorité en général et éducative bien sûr. Plusieurs décennies de relativisme à ce sujet ont contribué à discréditer l’autorité dans l’école même. Ce dépérissement est peut être freiné depuis quelques années mais la réhabilitation totale et convaincue n’est pas pour demain. Le collègue directeur qui prend l’initiative de se saisir de la difficulté d’un enseignant à ce sujet n’oubliera pas qu’il va évoluer dans un contexte idéologique qui est loin d’être rassurant. Il doit s’appuyer sur ses convictions car les discours dominant ne sont pas porteurs.

L’inventaire des obstacles pourrait précipiter la conclusion d’une mission impossible. Mais comme nous estimons, de bonne foi, qu’elle est nécessaire, nous nous appliquerons maintenant à rechercher les éléments de méthode permettant de s’y affronter avec un peu de confiance.


 

Une méthode pour le directeur.

1 – Ne pas éluder, différer, mais au contraire agir rapidement. C'est-à-dire dès que les faits lui sont connus. On ne suggère pas ici la précipitation, l’immédiateté puisque, on le verra, un peu de temps peut être nécessaire pour réunir des éléments susceptibles de qualifier les faits. Ce qui est proposé ici c’est de considérer qu’il faut agir dans un cas semblable, on ne peut pas laisser faire le temps, espérer que « ça s’arrange tout seul »

Attendre trop entraîne le risque de la détérioration pour les élèves et celui de la perte de confiance de la part de personnes qui nous auraient saisies.

 

2 – Engager le travail sans avoir comme objectif le succès total.

La présentation des obstacles que nous venons d’achever indique assez les limites d’une démarche même bien conduite. Les résultats ne dépendent pas que de nous, ils apparaissent à la rencontre entre notre volonté et celle de notre interlocuteur. La résistance de ce dernier peut être d’une telle intensité que nous devrons renoncer.

Le refus de nos limites a un effet négatif sur la manière dont on conduit l’opération : il nous incite à passer en force alors que le tact et la patience permettraient d’avancer plus sûrement.

 

3 – On peut s’adresser à notre collègue qu’en disposant d’indications suffisantes caractérisant les effets d’un manque d’autorité. Les faits, les constats sont nécessaires. Si nous avons été sensibilisés à la situation par des collègues ou des parents, plusieurs témoignages concordant sont requis.

 

4 – Les personnes qui nous ont saisies attendent de nous davantage qu’une écoute passive. Nous devons donc leur faire savoir que nous les prenons au sérieux et que nous allons agir. Mais pas n’importe comment et sans précipitation. C’est notre droit de vérifier, d’apprécier, de nous rendre compte par nous-mêmes.

 

5 – Conduire le premier entretien avec le collègue concerné.

Le premier contact conditionne toute la suite, s’il est raté, il peut ne pas y avoir de suite du tout ! D’où le soin à apporter pour ouvrir l’échange. S’abstenir de toute condamnation et de toute espèce de menace est obligatoire.

Le directeur présente d’abord les raisons qui l’ont amené à intervenir près de son collègue. Il dit qu’il a été saisi et par qui (pas nécessairement en donnant des noms, en mentionnant seulement des « collègues » ou des « parents d’élèves »).

Il exprime ensuite sa volonté d’évaluer l’importance des faits ; cela il ne peut pas le faire seul, son collègue concerné doit contribuer à cette mesure objective des choses. Est-ce que les incidents relatés sont accidentels et exceptionnels ? Fréquents et répétitifs ? Récents ou ayant débutés il y a longtemps ? Est-ce que les conséquenses sur le travail en classe sont importantes ou négligeables ? Les comportements chahuteurs sont ils le fait de tous les élèves ? De certains en particulier ? etc…

Le directeur montre qu’il est vraiment soucieux d’objectivité et de précision. Il demande ensuite à son collègue où il en est rendu dans sa réaction par rapport aux perturbations. S’il y a eu volonté de reprendre la main, avec quels résultats ? Est-ce qu’au contraire, on s’est laissé dominer par le groupe ?

Il faut aider notre collègue à exprimer son sentiment sur la situation et particulièrement à se situer sur les perspectives : pense-t-il être en mesure de rattraper les choses ? Que va-t-il tenter dès maintenant ?

Nous lui proposons de rester en contact très suivi avec lui pour qu’il soit possible, au fur et à mesure, d’évaluer l’évolution de la situation. On peut même fixer une échéance, assez rapprochée, pour faire le point.

 

6 – Se repérer à partir de ce « premier acte »

Les perspectives qui s’offrent à notre action à l’issue de cette phase préliminaire sont très diverses. Elles devraient être observées au cas par cas, ce qui n’est pas possible dans une réflexion méthodologique qui est contrainte à un certain niveau de généralité. Essayons donc de ramener la pluralité des cas à trois grandes catégories simplifiées. Celles-ci sont déterminées au degré de participation de l’enseignant concerné, à la prise en compte de sa difficulté :

  • Si aucun pas n’est fait dans ce sens, le directeur ne peut pas apporter beaucoup d’aide. Il devra se dessaisir de l’affaire et la remettre entre les mains de la hiérarchie. Nous précisons plus loin les précautions à prendre dans cette éventualité.

  • Le collègue fait preuve de bonne volonté et témoigne d’une sociabilité professionnelle satisfaisante : il peut ainsi recevoir de l’aide de son environnement professionnel immédiat (directeur, collègues, conseiller pédagogique).

  • Il veut s’en sortir seul, sans le secours de qui que ce soit. Le directeur se trouve dans l’obligation d’attendre avec vigilance. Il maintient cependant l’obligation de faire le point dans des délais raisonnables.

 

7 – Comment trouver appui dans l’environnement immédiat ?

Dans un premier temps, le directeur recueille l’accord de principe pour se faire aider par des collègues. Il sollicite ensuite ceux-ci ainsi que le conseiller pédagogique. Il précisera à ce dernier qu’aucune démarche de signalement hiérarchique n’a été entamée. Avec les collègues, l’échange aura lieu sur les techniques de conduite de classe qui permettent d’instaurer la discipline. Le directeur participera de préférence à ces échanges, comme facilitateur.

Au niveau de l’équipe, il est possible et utile de prévoir la mise à l’écart provisoire d’élèves meneurs du chahut dans une autre classe. Cette mesure est souvent efficace dans les deux sens (elle soulage le titulaire de la classe qui peut plus facilement reprendre en main son groupe ; elle refroidit les plus agités qui ne se sentent plus au-dessus des lois). Le directeur peut intervenir directement devant le groupe – classe turbulent. En s’assurant préalablement de ne pas fragiliser son collègue (il faut son accord), puis en rappelant les élèves à leurs devoirs, enfin en présentant des sanctions qu’il appliquera lui-même. Il y a toutefois discussion sur l’opportunité d’ingérence du directeur car la crainte de minorer encore plus l’autorité déjà défaillante du collègue est avancée. Deux remarques sont utiles à ce sujet. Tout d’abord, passé un certain niveau de dégradation dans une classe, il n’y a guère à hésiter et c’est l’absence d’intervention qui pourrait être reprochée au directeur. Ensuite, si on se place du point de vue des élèves turbulents, ils ont pris l’habitude d’un face à face, d’un duel avec leur professeur et l’intervention ferme d’un tiers leur rappelle que la classe n’est pas un lieu de « non-droit ».

Lorsque des élèves qui entraînent les autres dans le désordre sont repérés, le directeur convoquera lui-même les parents pour leur demander d’apporter leur contribution possible. Si le conseiller pédagogique intervient, le directeur conviendra avec lui de mises au point régulières. Cet intervenant n’est que « de passage » dans la classe, il est utile que son action ponctuelle puisse se rattacher à ce qui est entrepris dans l’école.

 

8 – Le cas où le collègue envisage de faire face tout seul.

Les motivations peuvent être (sont souvent) mélangées et complexes. Il peut penser disposer des capacités pour redresser la situation. C’est le cas pour un débutant ou un jeune enseignant qui n’a pas encore pris la mesure de la part de directivité nécessaire au métier. C’est aussi ce qui se passe avec un professeur, débutant ou pas, qui pensait avoir au départ une classe « comme d’habitude » et qui découvre qu’il a surestimé la maturité de ses élèves. Dans ces hypothèses, la reprise en main, à la fois patiente et énergique, est envisageable.

Il peut s’agir (cas assez banal) d’une personnalité telle que la proposition d’aide est inacceptable. Ce collègue aurait le sentiment de déchoir, de n’être pas « à la hauteur » en se faisant aider. Dans tous les cas, le directeur doit prendre la précaution de fixer des « rendez-vous » ultérieurs afin de faire le point sur les résultats obtenus.

 

9 – Le signalement hiérarchique

C’est un moment difficile pour tous. Principalement en raison des traditions collégiales de notre profession qui poussent au « secret de famille ». Le directeur d’école qui signale à l’inspecteur les défaillances professionnelles d’un collègue encourt le risque de manquer à une règle tacite car il est toujours, en partie, considéré comme un « collègue » en égal.

Dans le type de difficulté qui nous occupe, le directeur s’épargnera des critiques en respectant les étapes : on n'effectue le signalement qu’après avoir constaté que nos efforts ont échoué. Il est absolument indispensable d’effectuer les tentatives que nous avons mentionnées précédemment. De plus, ce signalement ne se fera pas « dans le dos » de l’intéressé car le directeur lui fera part de sa démarche. Observons en passant que cette précaution a son utilité par rapport à la hiérarchie. Cette dernière sait d’une part qu’elle est contactée à la suite d’une action qui a buté sur des limites, d’autre part que l’enseignant concerné est informé du recours hiérarchique. On évite les inconvénients de l’anonymat.

Dans la pratique, le directeur peut suggérer à son collègue en difficulté de demander l’aide, de sa propre initiative, d’un conseiller pédagogique. A charge pour ce dernier de se tourner vers son inspecteur s’il l’estime utile.

 

Quelques éclairages sur les origines du manque d’autorité.

Dans la conversation ordinaire, on prête à quelqu’un la caractéristique de « manque d’autorité » à la façon dont on indiquerait tel ou tel de ses défauts ou qualités. Cela fait partie de la personne au même titre que sa sociabilité ou son humeur taciturne par exemple.

Pour nous qui souhaitons comprendre et surtout porter remède à des situations qui peuvent devenir aussi périlleuses pour les élèves que pour les enseignants, il est justifié d’aller au-delà du constat. Existe-t-il des facteurs, intérieurs ou extérieurs à une personne qui enseigne, susceptibles de la mettre en difficulté lorsqu’il s’agit d’exercer son autorité ?

On nous fera observer, à juste titre, qu’une définition préalable de l’autorité serait bien nécessaire. Nous espérons consacrer des développements à ce thème sur notre site, mais ici nous nous plaçons de manière à apporter à un directeur d’école confronté à une situation plutôt angoissante et urgente, quelques moyens pour s’orienter et agir sans délais.

Passés les premiers moments de la prise de contact avec son collègue en difficulté, si une confiance suffisante est établie et qu’elle autorise la poursuite des échanges, nous suggérons au directeur d’aider son collègue à clarifier les causes de sa difficulté.

Présentons pour cela quelques sources assez faciles à reconnaître par un enseignant. Nous insisterons sur quatre facteurs.

1 – Il règne actuellement une très grande confusion quant à la nécessité et à la valeur de l’autorité, que ce soit dans l’éducation en général ou à l’école en particulier. On ne choquera personne en affirmant que de nos jours l’autorité est suspecte. L’idée selon laquelle on pourrait s’en passer pour éduquer s’est diffusée, certes d’une façon inégale chez chacun des professionnels de l’éducation, mais personne n’est vraiment épargné. Les adultes les plus convaincus de la nécessité d’exercer une autorité n’agissent plus jamais sans quelques scrupules. Les enseignants habités par le doute sont nombreux. Lorsque cette hésitation se transforme en une sorte de philosophie, ou plutôt d’idéologie de la permissivité, ce qui n’est pas rare, des collègues peuvent se mettre en difficulté tout en restant incapable de rattacher les désordres qui les touchent à cette option non directive, prise en toute bonne foi et même avec des objectifs généreux.

2 – Certains adultes en situation d’éduquer éprouvent une forme de réticence qui prend sa source moins dans les idées que dans les émotions. Au moment de reprendre un enfant ou de l’arrêter ou de le sanctionner, ils sont freinés, retenus même, par la crainte de le « faire souffrir ». Ils ont davantage l’impression d’infliger des peines que d’appliquer la loi. Certains d’entre eux se montrent à ce propos d’une sincérité totale : « je sais que je devrais mais je ne peux pas ».

Proche de ce mécanisme en tout cas dans le même registre émotionnel, figure la crainte de ne pas être aimé, voire d’être haï à cause de la sévérité que l’on exerce. Cette considération peut paralyser l’action éducative et même lui donner un tour pervers lorsque le but n’est plus d’éviter le ressentiment des enfants à notre égard mais d’obtenir de leur part un amour continu et total. Les attitudes dites démagogiques relèvent de cette stratégie.

3 - Une image idéalisée du métier pousse également à l’abandon de l’autorité ou, du moins, à la restriction de son usage. Une formule très connue est éloquente à ce sujet : lorsqu’il s’agit de sanctionner on entend cette protestation : « mieux vaut éviter et si on est réduit à cette nécessité c’est parce qu’on n’a pas su faire mieux ». L’autorité serait alors un défaut, une carence dans la panoplie du parfait éducateur, laquelle, si elle est bien fournie, doit permettre d’obtenir sans contrainte l’adhésion des élèves en toutes circonstances. On a entendu aussi affirmer que punir est un aveu d’échec !

4 - Une technique de conduite de classe et d’organisation de la vie scolaire trop floue. Les turbulences sont facilitées dans un contexte de vie collective et de travail trop lâche, mal réglé. Le maintien des élèves dans l’attitude scolaire oblige à l’installation d’un cadre resserré, de règles strictes et stable et même de rituels assez contraignants.

Un certain nombre de nos collègues sous-estiment ces conditions et adoptent un mode assez relâché de conduite de classe. Ils attribuent au départ à des enfants pourtant jeunes l’aptitude à se réguler d’eux-mêmes. Les élèves ne sont pas dans des dispositions forcément hostiles à l’ordre, simplement ils s’installent dans le cadre flou, tel qu’il est et le problème ne se pose pour l’enseignant qu’après-coup ; une fois qu’il constate que l’état du groupe et les conditions pour apprendre ne sont plus compatibles.

Cette réticence ou ce refus d’organiser la contrainte scolaire ne constitue pas une cause autonome de la perte d’autorité. Elle est plutôt la conséquence matérielle des trois options que nous avons décrites précédemment. Si nous la présentons séparément c’est parce que, concrètement, il faut traiter cet aspect en lui-même et même l’aborder dans le détail.


 

Quels usages un directeur peut-il faire de ces indications ?

Lorsqu’il aborde son collègue « en panne d’autorité », c’et toujours en situation de crise et son premier objectif c’est de soutenir la relation fragile que cela implique. Ce qui exclut tout exposé magistral ou savant qui serait inacceptable ou inaudible pour le collègue en difficulté.

Il peut tout de même attirer l’attention de celui-ci sur le fait que le manque d’autorité n’est pas un constat fermé et qu’il est utile de rechercher les sources de cette impasse. Et puisque nous en avons relevé plusieurs, pourquoi ne pas inciter la personne à se reconnaître, à retrouver son profil dans ces différents éléments ? Ce profil est souvent composite. C’est le cas, assez fréquent, d’une phobie de l’exercice de l’autorité dissimulée derrière un discours de philosophie de l’éducation. Un enseignant qui ne supporte pas d’exercer la contrainte déclarera volontiers que la coercition est néfaste au développement des élèves, que la liberté est propice à la créativité etc…

Si les conditions pour prolonger l’échange sont installées, on peut ensuite entreprendre de fournir quelques objections aux attitudes anti-autoritaires, à condition de leur donner une formulation concrète.

On fera remarque que le discrédit de l’autorité est récent, qu’il a partie liée avec des projets modernes de vie sans contrainte, d’affirmation égocentrique. S’agissant d’éduquer des enfants, l’autorité n’est pas destinée à restreindre mais davantage à permettre. Elle constitue le cadre de la vie collective et de l’apprentissage.

C’est plus difficile d’atténuer les répugnances intimes et profondes des éducateurs qui ont peur de faire du mal. Mais ce qu’ils ignorent peut être c’est que la douleur de l’enfant que l’on restreint ou punit est très passagère et toujours suivie d’un apaisement.

Pour ce qui concerne la crainte de ne pas être aimé, le même argument se retrouve : les enfants aiment les adultes qui leur donnent de la sécurité. Il s’agit alors d’un amour moins fusionnel mais plus durable.

Combattre l’excès d’idéalisme (« si je suis sévère c’est parce que je ne suis pas au niveau ») passe par une définition objective des possibilités de notre profession. Nous ne pouvons pas, de fait, atteindre la perfection. Le défaut, le manque, l’incomplétude caractérisent l’éducation. Nous ne pouvons être à peu près satisfaits que de notre effort (et encore !) mais jamais des résultats. Ceux-ci de dépendent pas que de nous : la résistance à être éduqué est constitutive de l’être de l’enfant, et heureusement, sinon nous serions dans le dressage ou la programmation de robots.

Les conseils permettant de rendre sa technique de conduite de classe plus repérante pour les élèves ne sont pas compliqués à formuler. Cela passe souvent par des détails et même les plus petits. Toutes les actions, du début à la fin de la journée y contribue. A partir du moment où notre conviction est suffisante, nous trouverons à chaque occasion la solution pour fournir aux élèves de meilleurs repères, aussi bien quand ils entrent en classe que quand ils rangent leurs affaires ou qu’ils prennent la parole ou encore lorsque nous leur donnons une consigne pour un exercice.


 


Date de création : 05/10/2014 @ 15:33
Catégorie : ACTIVITES - Directeurs
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