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La loi en classe est-elle la même pour tous?

 

 

Le contexte d'analyse de pratique dans lequel cette question émerge.

 

Il existe, actuellement, une interrogation sur le rapport de certains enfants aux règles, la tendance à transgresser ainsi que le fait, pour certains, d'agir comme s'il n'y en avait pas. C'est dans ce fil d'idées que l'on parle d'absence de limites.

Ce sujet de discussion s'inscrit souvent dans le cadre d'une considération historique: est-ce que les enfants d'aujourd'hui seraient ou non plus rétifs que ceux d'autrefois à s'inscrire dans un cadre réglé? Cette façon d'aborder le thème de la loi en éducation a toute sa valeur.

Dans nos groupes la question est introduite selon une voie toute différente. On part toujours d'un cas particulier: dans une classe, un ou plusieurs élèves manifestent une difficulté importante à respecter les règles de la vie scolaire; les perturbations induites sont importantes aussi bien pour l'élève lui-même (faible rendement dans les apprentissages) que pour le groupe (troubles du voisinage, bruits et déplacements intempestifs, refus agressifs, etc...)

L'enseignant se trouve alors pris dans un dilemme bien connu: comment préserver l'intérêt général sans sacrifier pour autant le ou les fauteurs de trouble?

Ajoutons que l'évolution dans la manière de résoudre le problème de comportement des élèves sujets à ce trouble est toujours la même: dans un premier temps on tente de les convaincre en les raisonnant et de se montrer très ferme, puis devant l'échec de ces deux stratégies on en vient à penser qu'à défaut de ramener l'élève à l'attitude ordinaire, il faudra peut-être se résoudre à traiter le cas de façon particulière.

Dès que l'on s'oriente dans cette direction, on est assailli par des questions très pressantes qui concernent autant les principes que l'action pratique.

 

Questions, hésitations, ambivalences de l'éducateur.

 

Si nous essayons de mettre à plat les différentes et confuses tendances qui se manifestent , la première fait craindre à l'affaiblissement de la loi par l'exception. Deux qualités essentielles de la loi seraient touchées: la force et l'égalité pour tous. En assouplissant ses exigences envers certains élèves, le professeur porte atteinte au principe même de la loi.

Ensuite il redoute les effets par contagion. Certains élèves qui se trouvent à peu près dans le cadre mais proches de la limite pourraient profiter de cette flexibilité en se disant, que, peut-être, la loi n'est pas si robuste.

L'élève lui-même qui a été le premier bénéficiaire, comment va-t-il interpréter l'aménagement qui lui est consenti? Ne pourrait-il pas se sentir plus fort que la règle? Ne va-t-il pas se placer dans l'impunité et redoubler ses dérèglements?

Et lorsque la décision est prise de se donner de la souplesse, les difficultés d'application se multiplient: comment doser les aménagements? Comment les réserver à des cas particuliers sans susciter des contagions? Avec quels mots énoncer ces mesures? Que répondre à des élèves qui dénoncent des injustices à travers ces cas particuliers?

Deux grands points d'appui peuvent être proposer à l'éducateur lorsque, tiraillé par ces questions il se sent en proie à la paralysie. Le premier nous conduit à l'observation de ce qui se passe hors de l'école, dans la société de « droit ». Le second consistera à replacer nos problèmes dans le cadre d'un processus éducatif en cours avec des enfants jeunes pour lesquels la loi est « en voie d'acquisition ».

 

La loi dans la société des adultes.

 

Nous ne devons pas nous représenter celle-ci de manière rigide et implacable mais nous rappeler que le magistrat rend la justice dans tous les cas, en tenant compte d'une personne singulière. Il n'applique pas un barème mécanique qui ferait correspondre le délit ou le crime à une punition fixe. Si c'était le cas il ne serait même pas nécessaire de tenir un procès, l'ordinateur suffirait.

Rappelons nous aussi l'existence de « l'application des peines », c'est une spécialité du travail juridique. Elle conduit d'abord à doser la sanction puis à un moment donné à la réexaminer compte tenu de la conduite de la personne punie.

L'autorité judiciaire dispose de nombreux outils permettant d'appliquer la loi avec discernement. Il est possible de débuter par des « rappels à la loi », et infliger comme sanction un travail d'intérêt général, de tenir compte de l'attitude du prévenu lors du procès, de prendre en compte l(existence ou l'absence de la récidive. On évoque aussi les circonstances aggravantes ou atténuantes, les remises de peine etc...

Le maniement de la loi est une pratique très complexe qui se défie de tout automatisme et préfère peser les faits, les comprendre puis rendre compréhensibles et donc acceptables les décisions.

S'agissant de rendre la loi présente et active dans le champ de l'éducation scolaire, nous avons tout intérêt à nous repérer par rapport à cet usage.

 

La loi pour les enfants est en cours d'acquisition

 

Pour le citoyen ordinaire, la loi est supposée être connue. Même si chacun sait que cette connaissance est plus ou moins étendue d'une personne à l'autre, l'action juridique présuppose cet état qui consiste à être le sujet de la loi. A l'école notre situation est théoriquement compliquée; le professeur fait connaître la loi, l'enseigne et l'applique en même temps.

Nous devons tirer, en pure logique, une conclusion de ce fait: l'enseignant applique la loi à des enfants différents les uns des autres au regard du niveau d'intégration de cette loi.

Ce n'est pas une situation confortable mais on ne peut pas éluder son aspect complexe. On pourrait affirmer que dans une classe, il existe autant de niveaux ou de modalités de rapport à la loi que d'élèves. Cette individualisation s'expliquerait aussi bien par les différences de rythmes dans le développement que par la très grande variété des expériences antérieures et parallèles, dans la famille notamment; Mais, dans notre pratique éducative concrète, on peut ramener cette diversité à trois sortes de profils:

le premier, majoritaire, nous est présenté par les enfants chez lesquels la présence de la loi a été affirmée précocement et avec bon sens. Ils « connaissent les limites » et si parfois ils les franchissent, c'est sans beaucoup de peine que nous parvenons à les « remettre à leur place ». Ces élèves, du fait d'être bien situés dans la loi, repèrent très bien, du même coup, ceux de leurs camarades qui n'y sont pas; Ce point est essentiel pour notre travail collectif.

Le second profil se place à l'opposé avec les élèves les plus difficiles à aborder; ceux dont on dit qu'ils ne « sont pas dans la loi ». Ainsi présentés ils ne sont pas nombreux: un ou deux dans la même classe.

Entre ces deux extrêmes prennent place de petits groupes d'élèves dont on peut dire que pour eux, la loi est fragile. Ils ne se signalent pas par des conduites extrêmes. Ils sont sensibles à l'atmosphère dominante à un moment donné; si l'ambiance est paisible et studieuse, ils passent presque inaperçus. Par contre ils sont sensibles à des variations d'atmosphère et à la consistance du cadre du travail. Si celui-ci devient plus flou, ils tentent de s'évader. Ce sont eux dont on dit qu'ils se laissent entrainer par les « leaders » de la transgression.

 

Comment l'éducateur assure-t-il sa place dans ce contexte hétérogène?

 

La principale erreur consisterait à penser que si on fait des différences entre les élèves, la loi s'efface. D'abord pour qui s'effacerait-elle? Pour le professeur ou pour les élèves? Et pour ces derniers, pour quelle catégorie? ceux qui sont dans la loi? ceux qui sont à côté? ceux du milieu?

Le premier réflexe souhaitable c'est de renoncer à une conception « selon les apparences »de la loi et à se demander ce qu'il faut faire pour qu'elle devienne, pour tous les élèves, une expérience intérieure. Cela conduit naturellement à placer devant chaque type d'élève, un but qui lui est accessible.

Pour les plus fragiles en « loi », on ne peut pas faire autrement que de l'administrer par petites doses; elle ne doit pas devenir un objet phobique mais une construction par petits morceaux. Avec évidemment des avancées, des reculs, des hauts et des bas: cette instabilité et ce côté irrégulier sont inévitables chez les enfants qui n'ont pas été installés dans l'esprit de la loi. Ils restent nostalgiques du temps où les contraintes étaient faibles et tentent des régressions.

Les élèves les plus à l'aise sont sollicités aussi: on leur demande de participer à l'effort collectif. Puisqu'ils sont plus mûrs , « plus grands », ils admettent que l'adulte demande moins à certains qu'à eux. On peut ici rappeler ce qui se passe dans la fratrie, à la maison, quand un « petit dernier » arrive. Dans les cas les plus nombreux, cela provoque une coupure, une bascule favorable du ou des grands dans un monde plus responsable. Ils trouvent une nouvelle identité, renforcée en se montrant grand. Éventuellement en regardant de haut les « bébés ». Les élèves qui se placent entre deux groupes précédents doivent savoir, très vite, que leur conduite est observée de très près. On leur dit clairement qu'on ne les laissera pas faire comme ceux qui ont du mal à grandir, que ce qu'ils font pour résister au retour en arrière a beaucoup de valeur pour nous. On leur précise aussi que leurs mauvais comportements seront punis, car ils « savent ce qu'ils font ». dans toutes les situations d'activités où les interactions entre élèves se produisent, on évite de les placer auprès d'élèves trop étrangers à la loi.

L'enseignant effectuera d'autant plus facilement ces interventions qu'il possède une vision claire de la façon dont son autorité soutient la loi. Celle-ci réside dans le fait qu'il décide. Différencier les élèves en fonction de leur position par rapport à la loi, c'est exercer la loi à sa place, c'est l'incarner concrètement pour les élèves et ceux-ci le ressentent bien.

A partir du moment où il a décidé de tenir cette place, reste encore à trouver les moyens pédagogiques, les outils qui seront les mieux adaptés pour faire comprendre aux différents élèves qu'ils ne sont pas considérés de manière identique bien qu'ils soient tous soumis à la loi.

Pour aider à cette démarche, avoir à sa disposition les outils de pédagogie dite « institutionnelle », en particuliers les temps de régulation de la vie de classe, est un appui précieux.

 

L'outil éducatif adapté à l'intégration de la loi: le conseil ou « moment de régulation »

 

Pour familiariser les élèves avec la manière différenciée d'appliquer la loi, l'enseignant ne peut se contenter de multiplier les interventions individuelles. Il lui faut chercher à installer cette façon de faire comme référence de la vie de classe. Autrement dit, il cherche à habituer les élèves à l'idée que ces différences sont normales, qu'elles peuvent être comprises de tous et qu'elles font partie de la façon de vivre ensemble.

D'où l'intérêt de disposer d'un outil qui inscrive ce principe et l'active de façon continue.

Le « conseil d'élèves » ou temps hebdomadaire de régulation de la vie de classe, d'une durée de 15 à 30 minutes, fournit aux élèves l'occasion de porter à l'ordre du jour tous les faits, expériences, questions qui touchent leur vie collective et particulièrement la manière dont chacun peut interpréter la loi ou prendre à partie un camarade en raison de son comportement.

C'est dans ce cadre que tel élève pourra exprimer ses sentiments: « c'est injuste » ou « c'est normal », revendiquer « la même règle pour tous » ou comprendre que des variations soient acceptables. L'enseignant dispose à ce moment là e toutes ses capacités et de son autorité pour confirmer, contredire, expliquer. Il dira en particulier:

    • que c'est à lui, en tant qu'adulte, de prendre la décision de « différencier » l'application des règles.

    • qu'il ne demande à chacun pas moins que ce qui est possible, mais pas non plus ce qui n'est pas faisable.

    • que quand on est grand, on ne redevient pas petit (on peut en avoir envie, mais l'adulte est là pour l'en empêcher).

    • que l'on ne devient pas grand d'un seul coup: il faut du temps, il se produit des avancées et des reculs.

    • qu'il sera toujours possible au cours du « conseil » de prendre la parole pour exprimer son accord, son désaccord, son incompréhension et proposer ses idées pour améliorer la vie commune.

Pas plus à l'école que dans la vie sociale, la loi n'a vocation à la rigidité. Elle demeure en toutes circonstances un cadre vivant et souple. Cette modalité ne l'affaiblit pas mais exige par contre, de la part de l'éducateur, une conviction forte. C'est en raison de notre soumission à la loi que nous sommes aptes à l'incarner avec souplesse et nuances.


Date de création : 05/08/2014 @ 17:34
Catégorie : ACTIVITES - Education scolaire
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