PRESENTATION
ACTIVITES
à Noter ...

Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

 

Le tutorat entre élèves

 

 

Appliqué à l'éducation scolaire le tutorat représente un champ très vaste d'objectifs éducatifs. Les avantages relatifs aux apprentissages scolaires viennent à l'esprit en premier. On pense ensuite aux effets de socialisation dans la classe. Un peu moins visible peut-être, la participation de ce dispositif à une formation de la personnalité civique et morale, peut être très significative, surtout à une époque où on se préoccupe de développer les solidarités en luttant contre les égoïsmes et les fortes tendances à l'individualisme.

 

Définir le tutorat scolaire.

 

Avant de le considérer dans l'espace de l'école, proposons un détour rapide par les considérations plus générales que présente le dictionnaire avec ces extraits du Grand Robert:

  • le tuteur est d'abord « la personne chargée de veiller sur un mineur ou un interdit, de gérer ses biens et de le représenter pour les actes juridiques ».

  • en éducation « l'enseignant tuteur est choisi par un élève parmi ses professeurs pour le conseiller et le suivre dans ses études ».

  • le tuteur familier au jardinier est enfin évoqué: « tige, armature fixée dans le sol pur soutenir ou redresser les plantes ».

Quelques observations maintenant pour ramener ces propos à notre terrain scolaire.

Le premier fragment nous intéresse, ne serait-ce que pour l'inverser: notre tuteur scolaire n'a pas pour vocation à se substituer à un autre élève considéré comme incapable pour exécuter le travail à sa place. L'élève aidé, nous l'estimons par principe apte à aller plus loin, capable de progresser.

Le second, portant sur l'enseignant tuteur, évoque le choix du tuteur par l'élève. Nos jeunes enfants de l'école primaire possèdent-ils la maturité suffisante pour distinguer entre un choix affinitaire spontané et un acte raisonnable leur permettant de désigner un élève apte à faire le tuteur? En dernière instance, l'enseignant aura à assumer la responsabilité de la formation d'un binôme efficace.

Que penser du tuteur du jardinier? Ce serait une manière imagée de décrire la situation scolaire: l'élève tuteur a les pieds sur terre, il est stable. Le mot soutien est pertinent si on le comprend comme « aider à tenir » et non comme « porter » qui serait trop passif.

 

Approchons maintenant la réalité scolaire du tutorat en n'incluant cependant pas toutes les occasions spontanées, imprévues dans lesquelles un élève vient en aide à un autre. Cela se produit très souvent, à l'école comme en dehors.

Très tôt les enfants entrent dans cette forme de sociabilité et cela les concerne tous. A l'école maternelle, dans les jeux spontanés, pour s'habiller, manger, réussir dans un jeu de construction, on peut observer cette coopération aidante qui pousse celui qui sait déjà ou qui a compris plus vite à apporter son secours à l'autre, sans même que celui-ci ait demandé.

Notre propos est pédagogique et nous considérons que le tutorat existe à partir du moment où l'enseignant , pour servir ses propres objectifs, utilise cette possibilité à des fins d'apprentissage ou, comme nous l'avons noté, de développement social. Le tutorat existe dès qu'il y a une relation d'aide, de guidage, de soutien, on peut choisir ses mots, mais une relation dissymétrique, déclarée et reconnue comme telle. Quelqu'un aide quelqu'un d'autre car ils n'en sont pas au même point. Le tutorat exclut la ligne horizontale égalitaire.

L'élève qui bénéficie du tutorat est considéré comme ayant un besoin, il a un retard, une carence, une faiblesse.

Le tuteur est reconnu par l'enseignant comme capable de tenir cette position. Il ne se l'attribue pas de lui même par une opération plus ou moins imaginaire d'auto-nomination.

Le temps du tutorat a un statut. L'acte d'aide dans ce cadre ne se produit pas accidentellement. Quelqu'un décide que cela aura lieu et si possible, de façon très régulière. Les deux élèves concernés prennent conscience dès le début que cela durera.

 

Le tutorat, en France, reste d'un usage très restreint.

 

Est-il marginal parce que peu ou mal connu? Les travaux comparatifs en éducation scolaire auraient dû faire savoir que d'autres pays, y compris proches du nôtre, lui accorde du prix. Peut-être n'est-il pas pris au sérieux dans notre tradition pédagogique qui privilégie les dispositifs verticaux.

Pourtant, l'enseignement magistral n'est pas contradictoire avec l'activité décentralisée des élèves (travaux par groupes, tutorat). Les élèves sont prêts à accepter l'alternance entre les deux façons d'apprendre et l'enseignant de son côté ne renonce pas à son autorité à partir du moment où il est bien décidé à garder le contrôle de la situation.

L'apprentissage comme résultat d'une transmission verticale n'est pas vraiment mis en cause par l'installation du tutorat. Celui-ci repose sur des phénomènes qui relèvent de la zone profonde des relations entre enfants et que l'on peut, en première approche, étiqueter du terme « identification ». Chaque enfant porte aux autres enfants proches de lui des sentiments qui sont très divers et même contradictoires, mais qui, dans bien des cas, le poussent à attendre quelque chose de « l'autre lui-même ». Dans la vie courante, ces mécanismes se manifestent avec évidence; on parle du désir d'imiter, de s'approprier des qualités, des capacités de l'autre.

Les pratiques de tutorat n'étant dans notre monde scolaire que très partielles nous ne disposons pas du réservoir d'expériences qui nous permettrait de dégager de bonnes pratiques généralisables. Nous nous contenterons donc d'avancer prudemment quelques conditions nécessaires à la réussite.

 

Quelques principes pour installer le tutorat.

 

Le professeur a besoin d'être soutenu par une forte conviction sur la valeur et sur la possibilité de ce moyen. Ce n'est pas une pure technique qui recèlerait une efficacité instrumentale. D'autre part le seul objectif d'apprentissage n'est pas suffisant, le profit éducatif du tutorat, la valeur qu'il prend dans la construction de la maturité des élèves comptent autant.

L'installation du tutorat doit être suffisamment cohérente avec l'ensemble de de la vie de classe. Expliquons-nous; Dans une classe où on sollicite la responsabilité des élèves, où les règles sont explicitées et construites, où on pratique des régulations par la parole et l'échange, le tutorat sera perçu par les élèves comme faisant naturellement partie de leur monde. A l'inverse, un enseignant qui serait tenté par un contrôle permanent et tatillon de l'activité s'abstiendra d'essayer cette formule. Peut-être d'ailleurs l'évitera-t-il de lui même, se sentant en insécurité dans ce cadre.

Le tutorat est proposé dans la classe à un moment favorable du parcours scolaire. Il ne sera pas introduit trop tôt (dès la rentrée) car les règles générales de la vie de classe ne sont pas encore installées et nous n'en savons pas encore assez sur chacun de nos élèves. On n'attendra pas trop non plus car il faut miser sur la durée pour espérer des résultats. Commencer à le pratiquer un mois après la rentrée ou au retour des vacances d'automne paraît raisonnable.

Une fois lancé le tutorat devient une pratique régulière que l'on n'oublie pas d'activer quotidiennement; en dessous de deux occasions hebdomadaires il ne pourra pas « faire sa place » dans l'esprit des élèves concernés.

La durée des moments qui lui sont attribués est au départ assez brève. Cela concerne des exercices plutôt courts.

A l'occasion de la réunion de classe, on fait connaître aux parents d'élèves cette façon de faire. Il ne s'agit pas de la justifier mais, comme toutes sortes d'usage qui sont en dehors de la banalité, mieux vaut prévenir plutôt que de risquer des incompréhensions dans les familles à partir de témoignages d'élèves qui seraient mal interprétés.

C'est un dispositif qui exige une régulation. Si, dans la classe, nous avons installé un « conseil » ou un temps de parole sur la vie de classe, nous profiterons de l'opportunité pour faire le point sur la façon dont les intéressés d'abord, puis toute la classe, donnent de la valeur au tutorat et ne font pas de contresens sur sa portée

La régulation s'effectue, lorsque cela est nécessaire, avec les deux élèves formant le binôme. C'est là que le professeur pourra encourager, compléter et développer, ou au contraire restreindre, selon les résultats observés.

 

Comment présenter, au départ, ce dispositif à toute la classe?

 

Cette question sous-entend que le tutorat concerne tout le groupe-classe même si deux ou trois élèves vont en bénéficier. L'enseignant expliquera à l'ensemble de ses élèves le but recherché: aider. Il fera sentir la valeur de la solidarité et le prix qu'il y attache lui-même;

Le mot « aider » n'est pas si facile à saisir pour les enfants jeunes. La distinction entre apporter de l'aide et « faire à la place » de quelqu'un doit être très appuyée.

Aider un autre élève plus faible que soi ne revient pas non plus à lui montrer que l'on est le meilleur. Sur de tels aspects, l'enseignant s'exprime dans un registre qui est spécifiquement celui d'une éducation morale et c'est très sérieux.

Celui qui aide un camarade plus faible, puisqu'il ne fait pas à sa place, lui donne des explications, l'aide à comprendre, répond à ses questions. « Il fait un peu comme moi, mais à sa façon à lui » dira l'enseignant.

Il ajoutera que ce n'est pas facile et que l'on ne réussit pas toujours mais qu'il ne faut pas se décourager « quand ça ne marche pas ». On fait de son mieux mais il arrive qu'on ne sache pas comment faire; ce n'est pas grave.

On ne se moque jamais d'un élève que l'on aide (l'enseignant donne ici son propre exemple et invite à faire de même).

Le tuteur va, en principe, retrouver le camarade qu'il aide, sur un signal de l'enseignant. Celui-ci s'assurera de la disponibilité du tuteur (il a achevé son propre travail ou bien il sait déjà « faire ce qu'il y a à faire ».

 

Est-ce qu'un tuteur peut apporter une aide là où l'enseignant a ses limites?

 

Oui, cela arrive et peut-être plus souvent qu'on ne l'imagine. Bien sûr, le tuteur qui n'est qu'un élève, n'a pas de connaissance supérieure à celle du maître, c'est impossible.

Le tutorat ne se soutient pas essentiellement du savoir, dans des cas difficiles la relation entre l'enseignant et l'élève en difficulté est saturée; plus rien ne passe. L'élève en panne n'est plus demandeur de quoi que ce soit par rapport à un adulte, il peut même signifier un refus complet. A côté de ce blocage, l'aide d'un camarade s'avère acceptable, supportable. En effet, le camarade est un égal, on ne lui attribue pas la volonté de dominer, de « venir à bout » de la résistance que l'on présente à l'adulte. Ces mécanismes, en apparence très complexes, mais assez faciles à admettre, mettent l'enseignant très consciencieux en difficulté, en échec même. Le recours au tutorat offre alors un recours facilitateur.

 

Le choix, la désignation des tuteurs, les critères pour apparier tuteur et élève aidé.

 

On évitera d'associer des élèves qui vont aisément au conflit. De la même façon on ne fera pas travailler ensemble ceux que l'on a observés dans la complicité. Une certaine distance est nécessaire.

Le tuteur n'est pas choisi sur des critères de réussite scolaire. Pas sur ce premier critère. Il lui faut des aptitudes de sociabilité et, si c'est le cas, des résultats scolaires normaux sont suffisants. Le tuteur n'est pas un pédagogue en modèle réduit, c'est un camarade de bonne volonté.

Il arrive que l'on propose à l'élève qui a besoin d'être aidé de choisir son tuteur; Lorsque les blocages sont très importants, cette initiative peut provoquer une détente. C'est après coup que l'on évalue les résultats de ce choix qui, dans tous les cas, nous renseigne beaucoup sur le « sociogramme » de la classe et ce qui concerne l'élève en difficulté.

 

Le tutorat avec différence d'âge et de niveau.

 

Intéressant à utiliser dans une classe à deux niveaux. Il a le double avantage de venir en aide aux plus jeunes et de confier aux plus âgés une responsabilité et une occupation utile quand ils ont achevé leur travail.

L'enseignant dans ce cas, s'il le désire, peut procéder à un appariement systématique (dans la mesure des possibilités accordées par les effectifs); en tous cas, à généraliser le tutorat. Il sera explicite dès le début de l'année que tel élève sera le tuteur de tel autre pour une durée assez longue pouvant être étendue à l'année scolaire si possible. L'enseignant fournit alors la liste, le répertoire de toutes les circonstances et activités susceptibles d'être concernées. Cela ne se limite pas aux exercices scolaires mais à la totalité des actes de la vie scolaire. Ce dispositif présente des points communs avec ce qui se présente de façon empirique dans la fratrie à l'intérieur de la famille.

 

Le tutorat n'est pas une entreprise à risque pour les enseignants puisqu'il peut être interrompu en cas de besoin, qu'il peut être dosé avec souplesse. Il n'y a guère d'inconvénients à redouter du côté des élèves, dans le cas de figure le moins favorable on constate des effets nuls ou faibles; on décide alors de ne pas poursuivre l'opération. La méfiance qu'il suscite chez certains de nos collègues, liée à la crainte de voir dégénérer l'activité, n'est pas justifiée. La tendance préoccupante à la compétition scolaire, source d'exclusions sociales ultérieures devrait susciter dans l'école primaire la volonté de socialiser davantage le travail. Dans ce cas l'expérience du tutorat trouverait toute sa justification.


Date de création : 28/04/2014 @ 18:24
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
Page lue 988 fois
Précédent  
  Suivant

Recherche
Recherche