Évaluer la préparation d'un stagiaire.

Concernant l'entrée dans le métier, parmi les actes professionnels qui se présentent à notre observation, la préparation de classe tient un des premiers rangs. Elle est en effet révélatrice de nombreuses caractéristiques du profil professionnel du débutant. Le formateur s'apprête donc à la scruter puis à l' évaluer avec précision. Il ne faudrait pourtant pas se laisser déborder par des exigences qui seraient prématurées ou disproportionnées au vu d'une expérience très réduite – ou de l'absence d'expérience-.

La préparation révèle certains traits du profil pour le métier:

Le réalisme du stagiaire, son sens des situations concrètes s'y manifestent. Inversement l'idéalisme pousse à une préparation ambitieuse sur ses perspectives mais difficile à mettre en œuvre.

On s'intéresse aussi aux qualités de précision, s'agissant principalement des contenus et des étapes de la séance ou leçon. Le flou à ce sujet est un défaut qu'il faut vite corriger.

On se rassure devant une préparation orientée vers la conduite de la classe mais on se souciera d'une préparation qui donne le sentiment que le débutant fait surtout état de ses connaissances pédagogiques, principalement se plaise à manier le langage de l'expert. La préparation ne ressemble pas à un exposé en sciences de l'éducation.

Le caractère méthodique, ordonné, la présence du plan, constituent des signes favorables. Certaines préparations présentent un aspect brouillon.

Il s'agit d'un écrit qui, comme tel, est indicatif du degré d'aisance du rédacteur avec l'outil d'expression. On devra donc encourager, le cas échéant, à développer de l'explicite, demander la précision et l'exactitude des mots, sans oublier le respect de l'orthographe, des constructions de phrases etc...

La situation de formation initiale n'est pas équivalente à l'inspection d'un maître expérimenté.

Pour reprendre un terme en usage et souligner une évidence, il s'agit dans le premier cas d'une évaluation formative en priorité. En accordant que la visée formative ne doit pas être exclue dans le second cas, en complément de l'évaluation normative. L'analyse de la préparation du stagiaire doit se méfier de l'exhaustivité. Plutôt insister sur ce qui est prioritaire (et même souvent urgent) que d'essayer de tout dire.

La préparation demeure un outil pour agir, ce n'est pas une vitrine.

Le stagiaire n'a pas à s'en servir pour faire la preuve devant son formateur de sa culture pédagogique. On peut rencontrer des préparations qui soignent trop ostensiblement les apparences ou qui ont une allure formaliste. Le conseiller doit se montrer prudent, distant et réagir avec tact. Il peut avoir à faire à un stagiaire un peu narcissique mais ce n'est pas le cas le plus fréquent. Souvent, le jeune enseignant croit bien faire avec cette préparation « léchée ». Est-ce totalement de sa faute? Ne se conforme-t-il pas à certaines attentes?

Considérer la préparation dans la diversité de ses composantes:

La préparation est préparation de l'action, anticipation de celle-ci; on se représente la manière dont on agira (ainsi que les élèves) le moment venu.

Elle s'applique à des segments temporels qui s'étendent de quelques minutes (un exercice de calcul mental) à l'année scolaire entière (rendre actif et efficace un conseil d'élèves).

Les modules les plus familiers sont la journée scolaire (cahier-journal) et la séance disciplinaire (l'enseignement d'une matière) délimitée par l'emploi du temps (le support en est la fiche de leçon). On accorde de l'importance aux programmations et aux progressions, sans toujours définir précisément ces notions; on parle aussi de répartitions. Ces tranches de vie scolaire sont souvent proches de la période (entre deux vacances).

Toutes sortes de formats intermédiaires sont pertinents lorsqu'ils correspondent à des unités d'apprentissage. Ainsi, à l'école maternelle, les plans hebdomadaires organisent les activités, liées entre elles par des thèmes, sur la semaine. Des plans de plusieurs semaines correspondent à des projets d'apprentissage débouchant sur des réalisations complexes; par exemple écrire un conte au cycle trois. La fiche dite de leçon peut décrire le travail envisagé sur plusieurs séances. C'est le cas pour une partie du programme, une unité de contenu importante (les proportions en mathématiques, le mouvement des Lumières et la Révolution en histoire).

Enfin, reconnaissons l'importance des éléments matériels de la préparation. Il ne s'agit pas de tâches de moindre noblesse et surtout pas d'utilité secondaire. Préparer son tableau avant l'arrivée des élèves pour une activité de réflexion sur la langue, installer un atelier de technologie ou d'activités manuelles par exemple, sont des tâches qui exigent du temps et du soin.

S'attacher aux paramètres prioritaires pour les débutants.

Quels sont les éléments de la préparation exigibles chez un collègue qui commence le métier? Nous allons répondre à cette question en nous attachant à la partie centrale de la préparation: l'unité pédagogique qui forme la séance ou la « leçon » qui correspond à un segment de l'emploi du temps. Elle est visible soit sur une fiche, soit dans un paragraphe du cahier-journal. On s'attend à voir figurer les précisions suivantes:

• la mention de la discipline, matière ou domaine d'apprentissage concerné: mathématiques par exemple.

• Tout de suite, le « chapitre » ou le segment de programme sont indiqués: s'il s'agit de grammaire ce peut être « identifier les verbes dans une phrase ». cet élément peut occuper une ou deux lignes car des précisions sont à apporter sur les contenus: notions, mots-clés...

• la durée totale de la séance est chiffrée: ce n'est pas automatiquement le temps prévu à l'emploi du temps; c'est la durée estimée nécessaire pour parvenir au résultat prévu.

• Les étapes: la durée que l'on vient d'indiquer se fractionne en plusieurs moments qui déroulent une alternance d'activités (orales, écrites, individuelles ou collectives, éventuellement en binômes ou groupes). Là se trouve la véritable architecture de la leçon. Ces étapes sont non seulement nommées mais décrites en mentionnant à chaque fois le support, l'activité des élèves, celle de l'enseignant.

• Si la séance comporte une évaluation (pas nécessairement lourde et complexe, mais dans le but de jauger une compréhension d'ensemble), cette opération est indiquée.

• Les actions relatives au soutien et à la différenciation, lorsqu'ils sont prévus, sont repérés dans la préparation.

Peut-on fixer des dimensions ou des formats de la préparation écrite?

Non, car la préparation écrite n'est, en fin de compte, que la trace estimée nécessaire par celui qui prépare. La préparation est une élaboration mentale: on pense à ce qu'il faut faire et ensuite on écrit. Ce qui est transcrit correspond à plusieurs intentions. D'abord de fixer la pensée puisque l'on sait mieux ce que l'on pense une fois qu'on l'a inscrit sur le papier. Ensuite de constituer un aide-mémoire que l'on peut consulter en cours d'action. La préparation écrite est un document que l'on conserve en vue d'une d'une exploitation ultérieure. On s'en servira l'année suivante si on conserve une classe de même niveau, ou plus tard. Pour la personne contrôlée, la préparation écrite constitue bien sûr un élément du contrôle.

Pour en revenir à notre collègue débutant, on ne peut pas préjuger d'un développement suffisant ou insuffisant tant que l'on n'a pas observé l'ensemble de sa conduite de classe.

Nous énonçons ici un principe de régulation pour le formateur mais sans naïveté pour autant puisque nous ne nous contenterions pas de quelques lignes sur un cahier-journal pour une journée de conduite de classe.

La préparation comme outil de formation pendant l'entretien avec le stagiaire.

C'est au cours de cet entretien que le formateur est en mesure d'achever son évaluation de la préparation. Si la manifestation écrite laisse des doutes, il pourra les confirmer ou les lever dans l'échange avec son stagiaire. Au cours de celui-ci, les éléments intériorisés mais pas nécessairement tracés de l'anticipation seront visibles.

C'est aussi à ce moment-là que l'on se trouve en mesure de dégager pour le débutant les enjeux de la préparation et de l'aider à distinguer entre la poursuites des apparences ou le formalisme et le réalisme de l'action.

Enfin, on insistera dans l'entretien sur l'individualisation nécessaire de la préparation; qu'il s'agisse de rattraper les faiblesses dans la polyvalence ou d'aspects plus personnels. On peut penser que certains jeunes professeurs ont besoin, plus que d'autres, de détailler leur plan d'action, ne serait-ce que pour se donner de la sécurité.