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Une approche ordinaire de l'échec scolaire


 


 

Les indications que nous allons proposer ici visent une meilleure prise en compte des élèves qui rencontrent la difficulté scolaire mais elles se soucient également de la prévention. Comment faciliter une meilleure implication dans les apprentissages pour ceux qui donnent les signes du décrochage et de quelle manière organiser la vies scolaire et conduire la classe pour ne pas accroître le nombre de pannes? Voici notre question préliminaire.

Pour avancer de façon concrète dans la réponse à cette double question, nous proposerons plus loin trois directions d'action portant sur trois champs de l'intervention professionnelle: la pédagogie, la vie scolaire et la relation entre l'enseignant et son élève. Mais auparavant nous devons distinguer notre démarche que nous revendiquons ordinaire, banale, d'une tendance presque d'une doctrine officielle, à envisager l'aide aux élèves en difficulté comme spéciale, particularisante, recherchant des techniques plutôt innovantes.

Formulée de manière presque simpliste notre intention pourrait ainsi se dire: comment faire la classe normalement compte tenu des élèves dont l'adaptation scolaire est difficile et les apprentissages accidentés? Nous souhaitons contribuer à décrire une attitude professorale « généraliste » et à éviter cette injonction plus grande faite aux enseignants de se dédoubler afin d'enseigner simultanément à des élèves ordinaires et à d'autres plus compliqués.


 

Cette dissociation est mal comprise et surtout ressentie péniblement par les professeurs; nous allons expliquer l'origine de ce malaise en présentant très brièvement la doctrine actuellement prévalente.


 

Le point de vue qui prédomine aujourd'hui est bien affirmé dans des mots tels que « individualisation », « différenciation », « parcours individualisé ». On part d'un principe en apparence indiscutable: chaque élève est un cas particulier et il faut, pour le faire réussir, lui proposer un apprentissage qui soit étroitement construit à sa mesure. L'expression « sur mesure » rendrait bien compte de cette stratégie.

Ce mot d'ordre connait un grand succès car il présente tous les caractères que la modernité sociale met au premier plan: culture de l'individualité, éloge de la différence, goût de la liberté poussée au plus loin.

Nous n'allons pas ici le contester en tant qu'idéal envisageable ou imaginaire social, mais en dessiner les limites dans le cadre de notre scolarité collective. Cette limite touche aussi bien le fond (l'éducation scolaire doit-elle forcer du côté de la singularité individuelle?) que sur la faisabilité (les contraintes du milieu scolaire et particulièrement celles qui déterminent les effectifs et l'encadrement autorisent-elles autant d'individualisation? Certainement pas; l'histoire des philosophies éducatives indique assez la préoccupation constante de tenir la juste mesure entre l'utilité de normer suffisamment les conduites et l'aspiration humaniste de respect de la personne singulière.

Mais ce que nous évoquons ici est bien de l'ordre du compromis et de son caractère inévitable. Pourquoi ce juste milieu ne serait-il plus exigible lorsqu'il s'agit d'élèves dont la scolarité est difficile?


 

Le projet individualisant dès lors qu'il concerne la totalité des élèves et même un nombre important d'entre eux est-il concrètement applicable? N'y a-t-il pas dans les conditions mêmes de la scolarisation publique des contraintes impossibles à lever voire à réduire qui sont susceptibles de l'invalider?

Le taux d'encadrement de notre enseignement collectif se situe actuellement à 24 élèves par classe. S'agissant d'une moyenne nationale obtenue mécaniquement en divisant le nombre d'élèves par le nombre de postes, on doit se douter que dans la majorité des classes, cet effectif est dépassé. Il peut voisiner ou dépasser 30 de façon non exceptionnelle. C'est en possession de ces données et non en faisant semblant de les ignorer qu'il faut examiner la faisabilité du parcours individualisé pour chaque élève.

Face à l'injonction, de plus en plus pressante, de produire du « sur-mesure » pour les élèves, les professeurs se divisent en trois catégories: les premiers se découragent et demeurent paralysés (on les taxe d'immobilisme), la seconde partie s'aventure dans des constructions et des conduites de classe périlleuses où les inconvénients engendrés par la mise en place d' « usines à gaz » pédagogiques l'emportent sur les bénéfices attendus. La troisième fraction, plus réaliste,s'efforce de repérer et d'exploiter avec opportunisme, les occasions qui se présentent dans le fil d'un déroulement ordinaire de la classe, pour effectuer des interventions brèves et très ciblées en direction des élèves qui ont le plus besoin d'aide.

Proposer une approche « ordinaire » des élèves en difficulté dans l'école ne se justifie pas uniquement par la méfiance que nous venons d'exprimer au sujet des stratégies hyper-individualisantes. Nous y sommes également poussé par le sentiment d'une évolution contemporaine très rapide des causes et des caractéristiques de l'inadaptation scolaire .

A côté des figures traditionnelles de l'inadaptation qui existent toujours et qui se rattachent à diverses sortes de carences (culturelles ou intellectuelles pour faire vite) ou à des accidents de la santé ou du développement (le handicap), nous pensons voir se dessiner un profil tout à fait nouveau et semble-til de plus en plus fréquent et que nous désignerons provisoirement par cette périphrase: l'enfant qui rechigne à devenir élève.


 

Cet enfant là se porte bien, il dort bien et l'appétit ne lui manque pas, ses courbes de croissance contrôlées par un suivi médical soigneux sont parfaites. Il a marché, mangé seul et parlé au bon moment et n'a jamais pâti d'un défaut de la sollicitude parentale, tout au contraire! Son avenir semblait devoir ne comporter aucun obstacle et voilà que la scolarité le fait trébucher. Les contraintes de la vie scolaire lui sont antipathiques, sa place restreinte dans le groupe ne lui paraît pas suffisante et il veut accaparer l'adulte; il se concentre peu et mal, n'achève pas les tâches demandées et parfois même ne les commence pas. Il ne tient pas en place, quitte sa chaise pour aller déranger ses camarades, parle toujours à voix haute. On le dit tour à tour décrocheur, hyperactif, apathique. « Il n'entre pas dans les apprentissages » selon une formule devenue banale mais pas imprécise du tout: la persévérance, les répétitions, les aller retour entre réussite et échec qu'impliquent tous les apprentissages scolaires sont pour lui ou bien dissuasifs, ou bien menaçants ou encore dépourvus de sens. « La lecture, la numération ne font pas sens pour lui », voilà une autre formulation souvent entendue.

Notre portrait ne pourra étonner que ceux qui ne sont pas familiers de l'école mais les enseignants reconnaitront là un ensemble de traits évocateurs non seulement d'élèves considérés individuellement mais d'une tendance en ce sens que si ces attitudes ne sont adoptées à un haut degré que par quelques individus, elles sont présentes « à petite dose » chez un nombre croissant d'élèves. Un nombre suffisamment important pour que la vie scolaire en soit globalement marquée.

C'est sur l'hypothèse du surgissement d'abord, de la probable généralisation ensuite de cette forme de difficulté scolaire que nous allons nous essayer à construire une approche adaptée et globale de l'éducation scolaire.

Cette globalité, nous la ferons apparaître à travers trois composantes: la pédagogie (techniques de l'enseignant), la vie scolaire (expérience du temps, de l'espace et du collectif) et la relation (le lien entre l'enseignant et chaque élève).

La somme de ces trois perspectives nous paraît recouvrir l'essentiel de la vie scolaire si on se place du point de vue de l'élève dont l'adaptation est difficile.


 

L'impact des choix pédagogiques sur l'élève en difficulté.


 

Le mot pédagogie est d'un usage beaucoup trop extensif en désignant tout ce qui se rapporte à l'activité d'un enseignant. Nous le restreindrons ici aux techniques employées pour enseigner, aux gestes professionnels en tant qu'ils visent la transmission des contenus prévus par les programmes. Nous excluons ainsi la pédagogie considérée comme un grand choix philosophique (une pédagogie traditionnelle ou moderne, autoritaire ou non...). Nous ne pensons pas non plus à un choix original, personnel, qui fait dire à un enseignant « ma pédagogie ». Les constituants pédagogiques que nous observerons ici sont transversaux, communs à toutes les disciplines enseignées. Ils se distinguent ainsi des didactiques qui désignent la manière d'enseigner l'orthographe ou la géographie, ou la musique par exemple. En termes simples, on se trouve dans la didactique lorsque l'on cherche les procédés pour acheminer jusqu'à l'élève des contenus scientifiques validés en trouvant le meilleur compromis entre la valeur de ceux-ci et les capacités de l'élève à une étape donnée de son développement.

Qu'est-ce qui, dans la façon d'enseigner, dans la conduite de classe, et ceci pour toutes les matières va être le plus favorable aux élèves qui ont tendance au décrochage, à l'instabilité et plus globalement à tous ceux qui se montrent rétifs, indifférents au fait de « devenir élève » ou même ne comprennent pas en quoi cela consiste?

Nous confirmons ici le caractère sensible de sept points rattachables à la pédagogie.


 

1/ La temporalité:

Elle comporte en elle-même plusieurs modalités de conduite de classe

    • La durée: une mauvaise appréciation de celle-ci, notamment du côté de l'excès, provoquer le décrochage par fatigue et diminution de l'attention. Ce phénomène est connu de toujours mais reprend de l'importance dans notre perspective.

    • Les alternances: le principe en est simple, il s'agit de faire se succéder pour les élèves des tâches impliquant des efforts quantitatifs et qualitatifs différents. A une séance de travail réclamant une grande intensité, par exemple l'introduction d'une notion nouvelle en grammaire ou en mathématiques, on fera de préférence succéder une activité de reprise (notions déjà abordées) ou offrant une détente (réciter des poèmes). Les alternances concernent aussi les domaines d'activité. Il sera préférable d'alterner les mathématiques et le français par exemple. A une activité dominée par le travail collectif et oral on fera succéder des tâches individuelles et écrites. Cet aspect évite les inconvénients de la surchauffe et de l'évaporation de l'attention.

    • Le rythme: les activités qui sollicitent la vitesse (pour observer, répondre, écrire) ne doivent pas durer longtemps. La déperdition de l'effort se fait très vite pour beaucoup d'élèves en difficulté. On alterne donc aussi les tâches qui demandent des réflexes rapides avec des activités lentes (qui ne sont pas synonymes d'activités longues)

    • les pauses: dans le sport on parle de « récupération ». La comparaison est parlante et on peut mettre ses élèves en état « d'essoufflement » bien qu'ils soient demeurés assis! Ces temps de coupure, de repos, de détente n'ont pas besoin d'être longs (moins de cinq minutes suffisent); on évite par contre de proposer du vide même s'il s'agit de « faire le vide ». des opportunités telles que l'écoute d'une courte pièce musicale, un jeu de devinettes, une brève histoire lue par l'enseignant rempliront bien cette fonction. Chanter également. Certains collègues pratiquent avec succès des techniques simples de détente, sollicitant la posture, la respiration, la voix. Ces techniques ne s'improvisent pas et ont besoin d'être bien maitrisées pour ne pas dégénérer en provoquant le contraire du but recherché.


 

2/ Quantifier les tâches des élèves.

Commençons par une comparaison: s'agissant de faire manger les jeunes enfants, mieux vaut ne pas remplir l'assiette ou donner d'emblée des part trop volumineuses. Le principe est le même avec le travail scolaire. On évite de provoquer le dégoût et l'étouffement. Cela concerne principalement les étapes de travail individuel pour lesquelles on fournit un paquet de consignes souvent trop nombreuses ou représentant une durée de travail trop grande.

Il est préférable de fractionner ou pour reprendre notre première image, de couper les morceaux en « petites bouchées ».

Plus les élèves peinent dans les apprentissages, plus la présentation de tâches qu'ils pensent imposantes ou interminables les dissuadent (même parfois de commencer!).

On préfèrera donner des consignes partielles, s'attacher à provoquer une phase brève de concentration, puis corriger, puis donner à nouveau une tâche limitée et avancer ainsi à petits pas.

Alterner plus vite les phases de travail individuel et les contrôles ou corrections permet aussi de ne pas laisser certains élèves s'évaporer (ils abandonnent ou rêvassent ou se laissent distraire).


 

3/ Accentuer autant que possible, le caractère concret des situations d'apprentissage.

Concret ou encore « vivant », voire « actif »; il est possible d'inviter ici beaucoup de mots pour désigner un caractère commun à toutes les situations où l'on s'efforce de rattacher les connaissances à apprendre à l'expérience vécue par les élèves, à ce qui est déjà connu d'eux.

Cette recommandation est très ancienne en pédagogie scolaire; il y a plus d'un siècle on souhaitait des leçons « vivantes » et cela à une époque où l'on se plaignait moins qu'aujourd'hui du manque d'attention.

Rapprocher les contenus (savoirs, notions, opérations) de la vie et de l'expérience des élèves peut prendre de multiples formes:

    • la présence d'images, d'illustrations garde toujours sa force d'évocation.

    • Les objets fixent l'attention, peuvent être regardés, touchés, maniés.

    • Les dessins et schémas sur un tableau (ou sur un support photocopié) sont souvent une étape vers la notion, le concept.

    • La manipulation d'objets élémentaires (petites unités de forme simple) permet de compter, de dénombrer, d'effectuer des opérations.

    • Les affichages, en relation avec un contenu que l'on vient d'aborder aident à mémoriser.

    • On ne sous-estime pas non plus le geste (de l'enseignant ou de l'élève) qui peut en certaines occasions posséder une valeur explicative, démonstrative, expressive.

    • La modulation de la voix (intensité, hauteur, débit) est un stimulateur de l'attention et une aide à la compréhension (en lecture d'énoncés, de textes...).

    • Le déplacement (occasionnel) d'un ou plusieurs élèves vers le tableau, un affichage, devant les autres, vient rompre l'immobilité et éveille l'attention du groupe entier.

    • Le rappel de situations de la vie réelle (extra scolaire) dans lesquelles une connaissance, une notion s'applique est également une technique très ancienne. Les pédagogues modernes seraient surpris de découvrir des livres scolaires datant de plus de cinquante ans. Certains d'entre eux (mathématiques, sciences) se soucient de relier systématiquement les éléments des programmes scolaires à des actes de la vie quotidienne.


 

4/ Varier, diversifier, alterner les supports du travail de l'élève.

Le mot support prend ici un sens très général. On peut partir des sens (regarder, entendre,), de l'action (écrire, dessiner, colorier, manipuler...) , à chaque fois on aboutit à un support: ce sur quoi l'attention de l'élève s'exerce.

Un premier exemple concerne la lecture: l'élève lit un livre, un texte ou une consigne au tableau, un document photocopié (fiche), une affiche, un document vidéo, un écran, une disposition d'étiquettes (sur un tableau ou sur une table) etc...

Concernant l'écoute, il se trouvera à entendre l'enseignant lisant un texte, formulant une consigne ou produisant un signal sonore pour déclencher ou clore une activité; il pourra aussi écouter une musique ou un poème enregistré, un camarade qui récite ou lit.


 

On se rend compte de la très grande diversité de ce que nous appelons des supports. Il nous faut tenter de préserver cette diversité et même de l'accroitre si nous voulons, au cours de la longue journée de classe maintenir ou déclencher l'attention de tous. Quelques règles simples vont nous y aider:

    • ne pas laisser trop longtemps les élèves travailler sur le même support. Par exemple lorsque l'on ordonne une recherche sur un texte écrit au tableau, elle doit être brève et le texte de petite dimension. Autre exemple: une fiche d'exercices en mathématiques. Il faut se limiter à un petit nombre d'exercices, repasser à un travail oral et collectif de correction de quelques exercices, puis retourner à la fiche et ainsi de suite.

    • Changer de support, alterner les supports: alterner entre les supports observables collectivement (le tableau, un affichage) et ceux qui servent à l'activité individuelle.

    • Le support constitué par le tableau est plus intéressant qu'on ne le pense aujourd'hui. Il constitue un bon départ pour l'observation en situation collective, pour la présentation des consignes et leur explication, pour mettre en valeur des réponses individuelles d'élèves etc... les enseignants désireux de bien exploiter cet outil peuvent s'y entrainer pour acquérir rapidité et lisibilité.

    • Les supports oraux ou audio suscitent l'écoute attentive des élèves. On déplore souvent et de plus en plus leur concentration insuffisante. Il y a certainement des affaiblissements à constater sur ce point, mais il faut admettre, inversement, que nous ne proposons pas assez d'entrainement quotidien. C'est plusieurs fois par jour que nous devrions les solliciter, même très brièvement à ce sujet par des temps d'écoute (consignes, récits, lectures, récitations) ainsi que par différents jeux et exercices basés sur l'écoute (par exemple repérer l'intrus dans une liste de mots prononcés par le maître).

    • L'enseignant aura intérêt à travailler ses consignes orales dans le sens de la brièveté. On veut en dire trop à la fois, on se répète, on dilue, on s'étend interminablement et l'activité de l'élève est retardée.

    • Il faut habituer les élèves à réagir à des signaux sonores simples puis les entrainer au respect de ceux-ci et à la rapidité de la réaction. On pourrait parler beaucoup moins en ayant recours à ces signaux.. on peut aussi utiliser des signaux visuels pour faire agir les élèves (lever une main, un doigt, montrer une carte de couleur rouge ou verte...).

    • Les mérites du cahier de brouillon sont sous-estimés aujourd'hui au détriment de fiches surabondantes. Tous les travaux et toutes les étapes du travail de l'élève n'ont pas besoin d'être présentés de façon aboutie ou codifiée.

    • Il en va de même pour l'ardoise. Jadis très utilisée, on minimise aujourd'hui son intérêt. Elle constitue pourtant un support idéal pour obtenir une courte activité individuelle récupérée collectivement.


 

5/ Le maniement de la consigne.

C'est un des points les plus sensibles s'agissant de réduire le décrochage des élèves en difficulté. Pourquoi? La réponse est très simple: en possession de la consigne l'élève se retrouve seul devant la tâche; c'est là un moment crucial où se jouent les possibilités d'entrer dans le travail ou de l'esquiver.

Avant de présenter les caractéristiques d'une consigne efficace, évoquons les inconvénients induits par la consigne mal formulée:

    • le travail inachevé: la consigne ne contient pas les précisions nécessaires à l'aboutissement. Elle ne fait pas référence, par exemple, à des étapes nécessaires.

    • Le travail dit « bâclé »: différent du travail inachevé, il porte des négligence soit dans la présentation formelle, soit dans l'explicitation. La consigne a bien indiqué le sens de la tâche mais manqué de fermeté sur sa présentation.

    • Le retard à se mettre au travail: certains élèves ne s'y mettent pas parce qu'ils ne savent pas « par où commencer ». Ils peuvent aussi être intimidés par ce qu'ils estiment être un travail démesuré; il faut alors fractionner dès le départ.

    • Faire autre chose que ce qui est demandé: l'élève confond la consigne avec une autre. A partir de quelques mots, il glisse par contiguïté sur une autre tâche qu'il connait. On prévient cette dérive: « attention, ça ressemble à...mais c'est différent ». la dérive se produit aussi lorsque la consigne est vague, tout se passe comme si l'élève se chargeait de la préciser! C'était à nous de le faire avant...

    • certains phénomènes de lenteur: la lenteur excessive peut provenir d'un enlisement dans la tâche par manque de points d'appui pour avancer. Ceux-ci ont fait défaut au départ mais on peut les introduire en cours de route.

    • Certaines consignes ne fournissent pas une représentation des actions à effectuer: c'est le cas de bien des « recherches » où l'élève ne sait pas très bien ce qu'il doit trouver. Cela se produit aussi lorsqu'il faut trouver globalement, intuitivement, la signification d'un énoncé, d'un texte. Les meilleurs élèves accèdent à cette démarche, les plus faibles ont besoin d'un échelon intermédiaire: par exemple, souligner des mots, encadrer des indices etc...

En résumé on peut relier ces faiblesses de la consigne au constat de « manque d'autonomie » des élèves en difficulté. Il faut suppléer à cette carence de l'élève en lui fournissant une consigne en forme de « feuille de route » comportant un processus détaillé des actions à conduire.

La consigne efficace revêt, au contraire un caractère explicite et relativement contraignant. Entendons bien que cette contrainte est productive:

    • elle contraint à l'action: elle indique des actes à effectuer, des opérations.

    • Elle structure le temps de l'élève: elle met des repères de début, de fin, d'entre deux et d'étapes: « on fait ceci, puis ceci, puis cela »

    • elle matérialise la tâche: il ne s'agit pas de « comprendre » ou de « penser » mais de « mettre dans l'ordre », en « colonne », de souligner ou d'entourer etc...

    • elle n'est pas équivoque: on ne peut pas l'interpréter librement. L'élève ne peut pas pratiquer d'autres actes que ceux que la consigne impose.


 

6/ Le rappel, le lien, le rattachement à ce qui précède.

Si une leçon introduit une notion nouvelle, elle démarre par une phrase de « découverte » Dans tous les autres cas, elle est une suite et cela impose une précaution: rattacher ce que l'on s'apprête à faire à ce qui a précédé.

Les élèves jeunes, en général, et les élèves en difficulté spécialement, ne font pas de façon automatique ce lien. Certains peuvent même se présenter devant la suite comme s'il s'agissait d'une nouveauté.

Se représenter un apprentissage comme un acte discontinu qui s'effectue en plusieurs fragments séparés par une période plus ou moins longue, n'est pas une capacité innée. Il faut l'acquérir et pour cela inclure dans notre plan de séance la phase de rappel, de lien avec ce qui précède.

C'est vrai que du côté de l'enseignant cette phase est ressentie de manière mécanique. Il a l'impression de se répéter. Mais nous aurions tort de demeurer prisonnier de cette impression. En nous plaçant du côté de l'élève en difficulté, l'impression est différente. Il ressent une sécurité et trouve un repère.


 

7/ L'évaluation.

Comment évaluer ses élèves avec une objectivité suffisante sans accentuer le sentiment d'échec des plus faibles? Il n'existe pas de solution entièrement satisfaisante à ce problème. Nous ne pouvons pourtant pas le laisser de côté; nous allons donc essayer de formuler le compromis possible.

Commençons par le rappel de la distinction entre l'évaluation en situation d'apprentissage (en classe) et celle qui est requise pour certifier un niveau (examen).

Dans le deuxième cas on ne juge que d'un produit achevé puisqu'on ne connait même pas l'élève (anonymat de la correction).

En situation d'apprentissage (nos évaluations quotidiennes et au fil du temps) nous sommes en mesure d'apprécier deux performances:

  • le résultat produit: à l'aide d'un barème, de critères permanents et valables pour tous. L'objectivité est garantie.

  • L'attitude de l'élève face à sa tâche mais aussi devant sa difficulté, son évolution à ce sujet. Il s'agit de faits subjectifs pour l'élève mais bel et bien objectifs pour l'enseignant et même susceptibles d'être mesurés (il y a du « plus ou moins », du « peu », du « beaucoup »).

Le but ici n'est pas la certification, mais de soutenir, d'encourager l'élève dans son effort, de valider une attitude, sans toutefois le protéger de la vérité du résultat qu'il obtient (on peut obtenir très peu avec beaucoup d'efforts).

Nous devons donc nous efforcer de métisser l'évaluation en tenant le plus juste milieu entre les deux vérités (celle de l'effort et celle du résultat).

C'est peu satisfaisant mais indispensable. Cela se traduit concrètement par la ré-évaluation (ou une moindre dévaluation) des travaux de l'élève faible quand il se mobilise. Cette stratégie peut aussi se manifester par une limite à la dévaluation quand les résultats plongent (on met en valeur, sans les surestimer, les petites réussites).

L'enseignant qui adopte cette démarche éclaire tous les élèves (la classe entière) sur les raisons qui déterminent cette façon de faire, car les élèves ordinaires ne doivent pas en faire une interprétation erronée (injustice, laxisme).

De la même façon il explique avec la plus grande netteté aux élèves en difficulté ce qu'il fait pour leur éviter des erreurs de jugement (auto-satisfaction par exemple). Techniquement cela conduit souvent à dissocier dans l'évaluation l'appréciation de l'attitude de la mesure des résultats objectifs.


 

Les caractères d'une vie scolaire favorable aux élèves en difficulté.


 

Ce deuxième appui offert aux élèves en difficulté concerne non plus les apprentissages proprement dits mais la vie scolaire dans son ensemble, l'expérience du « monde scolaire ». Notre définition provisoire mentionnait le temps, l'espace et la vie collective c'est à dire un ensemble très vaste qui touche à des aspects multiples et qui « contient » les apprentissages proprement dits. Contenir au sens où ils se présentent dans le fil de cette vie scolaire.

Cette distinction,et cette articulation de la vie scolaire et des apprentissages n'est pas facile à se représenter mais, par contre, si nous nous plaçons du point de vue de nos élèves du primaire qui sont de jeunes enfants, on peut très bien comprendre que si sa vie d'élève se présente comme une addition ininterrompue d'exercices pour apprendre, il y a un risque élevé d'entrée dans la spirale de l'échec. Autrement dit , et très simplement formulé: quand les apprentissages sont pénibles, il est indispensable de vivre dans un contexte où l'on peut retrouver un minimum de confiance en soi. La journée, la semaine et l'année scolaire ne peuvent pas être ressenties comme une suite sans fin d'échecs.

Pour l'élève en difficulté le « tout apprentissage » est vécu comme abstrait et menaçant. Inversement, les travaux d'apprentissage deviennent moins intimidants s'ils sont insérés dans une continuité de vie scolaire plus vivante, plus accueillante, plus souple et plus concrète.

Nous n'avançons ici nulle proposition novatrice. L'idée de faciliter l'apprentissage par l'aménagement d'un cadre de vie et de travail rassurant voire incitatif a été développée depuis longtemps et avec beaucoup d'arguments et de propositions par les principaux mouvements d'éducation depuis le début du 20ème siècle. Parmi les possibilités qui s'offrent à l'enseignant pour rendre la vie scolaire plus accessible aux élèves en difficulté, nous allons retenir ici trois catégories qui vont être présentées assez brièvement. Nous nous réservons la possibilité de les détailler dans d'autres domaines de notre site.


 

Première catégorie: la socialisation. Ce mot est très pratiqué mais reste très vague. Il s'agit de donner aux élèves le sentiment de faire partie d'un groupe avec ce que cela comporte de devoirs, mais aussi, en contrepartie, d'avantages. Parmi ces derniers, un élément précieux d'identité. Ce groupe dont on est membre est un collectif régulé, non sauvage ni imprévisible ou dangereux. Les règles se comprennent, elles sont explicites, stables; on peut les apprendre et même les modifier. On a le droit d'en parler.

On peut se rendre compte de l'appui fourni à un élève qui échoue par la socialisation comprise de cette façon: son échec n'est jamais radical; il existe dans la classe une place pour tous.


 

Seconde catégorie: le cadre matériel ou cadre de vie. Travailler dans une atmosphère agréable, esthétique a toujours été reconnu comme une aide, une facilitation. Mais on peut aller plus loin en disant aux élèves que ce cadre leur appartient. Par diverses responsabilités collectives, matérielles ou non, tout élève, quels que soient ses résultats, participe à la maintenance de ce cadre, à sa transformation.


 

Troisième catégorie: la coopération; le fait de pouvoir travailler avec d'autres et pas seulement dans le lien étroit avec l'enseignant. Ce lien direct, porteur de satisfactions pour le bon élève ou pour l'élève simplement adapté, n'est pas facile pour celui qui peine dans les apprentissages. Il faut tenter de placer ceux-ci sur d'autres chemins. Cet aspect est très sous-estimé semble-t-il dans l'école française, marquée à l'excès par l'individualisme.

Les travaux par binômes, en groupe à condition d'être progressifs dans leurs ambitions et de prévoir l'apprentissage de leurs méthodes offrent à l'élève des opportunités utiles et des moyens d'insertion que la relation directe maître-élève a du mal à préserver. Les projets collectifs concernant la classe entière vont dans le même sens. Il est pertinent d'évoquer le tutorat qui fait transiter partiellement la relation d'apprentissage hors de la route obligatoire « maître-élève ».


 

La relation.


 

La troisième composante, que nous qualifions de relationnelle, se définit plus difficilement que celles que nous venons de présenter et le mot « relation » que nous utilisons pourtant de façon banale quand il s'agit de l'élève et de l'enseignant est plus obscur qu'il n'en a l'air. Ce ne serait pas plus simple d'ailleurs si nous parlions de « lien » ou de « rapport ».

L'essentiel de la complication vient du fait que d'un côté l'élève est tout autant celui qui se trouve dans la fonction que « l'enfant » particulier qui doit en quelque sorte « habiter » ce rôle et que, de l'autre côté, l'enseignant est une personne qui exerce un métier sans qu'il lui soit possible de faire abstractions de ses caractéristiques personnelles.

Dans une telle configuration, la relation ne se déploie pas sur une ligne mais à l'intérieur de quatre « points ». En apparence, un enseignant à affaire à un élève, de façon sous-jacente ce sont deux personnes qui entrent en relation, et s'agissant précisément de réussite et d'échec, on imagine la variété des combinaisons relationnelles.

Qu'en est-il du rapport de chacun des deux partenaires à l'échec en général et à son échec en particulier? Cette question est presque toujours éludée en formation d'enseignant. On peut comprendre son évitement car elle débouche sur d'embarrassantes considérations mais il serait raisonnable de s'en saisir .Et, qui sait, si une approche sincère ne pourrait pas déboucher sur des attitudes efficaces?


 

Commençons par l'élève et demandons nous comment la façon de ressentir son échec va influencer sa relation à son enseignant.

Bien que chaque élève ait des réactions singulières, il existe deux grands modes de défense contre l'échec. Le premier se réalise à travers des modalités d'évitement, de retrait, d'absence. L'élève s'efforce de se soustraire aux situations dans lesquelles la sensation d'échec est douloureuse. Il se protège en évitant les épreuves, se montre insaisissable. Le second inverse cette apparence. L'élève rencontre l'épreuve de façon désordonnée, il « fait n'importe quoi ». On ne peut pas dire qu'il affronte vraiment l'épreuve car il l'aborde sans tenir compte des règles pour la traiter, sans méthode. Parfois il « fonce » dans n'importe quelle direction et exhibe ses mauvais résultats, se rendant ainsi insupportable.

Dans beaucoup de cas, c'est le dérèglement de la conduite qui prend la place du « travail ». L'élève en échec veut être là, présent, mais pas dans la reconnaissance de ses limites. Il se met au contraire dans une position de puissance, attire l'attention, s'agite et fait du bruit. On dit alors qu'il « provoque ».

Dans toutes ces situations il installe une relation avec l'enseignant. Elle est marquée par le défaut ou l'excès, toujours en dehors du contrat et du code qui relie ordinairement celui qui apprend à celui qui enseigne.

La façon dont l'enseignant pourra ou non prendre des distances par rapport à tout ce qu'il éprouve devant ces démonstrations de l'élève va être déterminante dans la stabilisation ou au contraire la dégradation de la relation.

On peut dire, approximativement, que plus l'élève ressent son enseignant perturbé, plus il va lui-même se déstabiliser. Au contraire si face à des échecs lourds et persistants accompagnés de conduites provocatrices, l'élève observe que l'adulte tient sa place, ne se laisse pas anéantir, cela lui ouvre des possibilités pour s'appuyer sur quelqu'un qui peut vivre et travailler avec l'échec.

Dans la relation entre un enfant et un adulte, l'échec occupe une place de révélateur du degré de maturité de chacun. Le déni de l'échec aggrave forcément la situation. Son acceptation (pas au sens de résignation) mais comme composante nécessaire de la trajectoire humaine, rend possible son traitement.

De ce point de vue on peut s'inquiéter des injonctions sociales actuelles qui prétendent éradiquer l'échec, assurer la réussite. S'il ne s'agissait que d'un idéal politique vers lequel on doit tendre en le sachant hors de portée, ce serait acceptable. S'il s'agit d'une phobie de l'échec, c'est inquiétant car c'est la constitution même de l'humain qui est menacée.

Pour éviter de trop distendre la relation, pour qu'elle ne pourrisse pas, il reste à l'enseignant qui envisage de traiter l'échec de l'élève un certain nombre de moyens non idéaux mais quand même efficaces. Ces moyens ne sont pas vraiment techniques ou instrumentaux, ils ressemblent plutôt à des précautions destinées à maintenir les élèves hors décrochage, en attendant mieux.

Le premier soin à prendre c'est d'éviter les passages en force. Il faut renoncer à « vaincre » l'échec par un redoublement de sollicitations, des pressions qui créent une surcharge. Ensuite se méfier de la hâte. Il ne faut pas être pressé d'obtenir des résultats, la lenteur est bienvenue auprès d'élèves qui ne peuvent changer d'attitude que très progressivement.

On devra s'habituer à des évolutions aléatoires avec notamment des retours en arrière.

Faire passer le « devenir élève » avant les résultats proprement dits est une priorité. On se contentera, le temps qu'il faut, de dispositions moins rebelles ou moins destructrices, même si cela ne se traduit pas par des progrès dans les contenus à apprendre.

Cela oblige bien sûr à ne pas se laisser obséder par la norme qui prévaut pour la plupart des élèves. Pour ceux qui sont en panne, on concentre l'attention sur les progrès même très petits.

Il est indispensable de mettre en place, s'agissant d'élèves en grande difficulté, ce que l'on va appeler un « lien organisé » ou « institué ». Cela prend une forme très simple: on s'oblige à une mise au point régulière, repérée dans le calendrier (par exemple une fois par semaine à jour fixe) pour examiné ce qui s'est passé (comportement, travail, résultats obtenus)à partir de ce qui avait été décidé On instaure alors une modalité de relation qui n'est pas épidermique mais distante. Cette procédure a toujours un effet calmant sur la relation.

La dernière proposition que nous formulons va faire état de « vérité » dans la relation ou de relation vraie entre l'enseignant et l'élève perturbé.

Plus que tout autre enfant, celui dont nous parlons a besoin en face de lui d'adultes sincères. Nous avons noté plus haut sa tendance fréquente à déformer la relation, il faudrait, si nous avons le temps, évoquer l'arrière-plan d'histoire personnelle et familiale qui se profile souvent derrière ces cas. On y décèle souvent des systèmes confus de relations dans lesquelles l'enfant concerné occupe une place plus ou moins détériorée.

Que peut bien signifier la vérité de la relation avec cette catégorie d'élèves quand on est enseignant? C'est pour une part ce que nous avons précédemment exposé quant à la façon d'aborder l'échec. Celui-ci n'est ni dissimulé ni dramatisé. Seulement regardé comme une épreuve pénible certes, mais normale dans la trajectoire humaine et dont on peut éventuellement sortir fortifié.

La vérité consiste aussi à s'abstenir d'une compassion trop grande qui ne vaudrait pas mieux qu'une sévérité hors de propos. Elle oblige aussi l'enseignant à se montrer exact et précis dans les circonstances où l'échec se manifeste. En rappelant à l'élève notamment que l'on mesure ses difficultés mais que notre métier nous oblige à le remettre à sa place quand il transgresse. Nous pouvons aussi lui dire « en vérité » que face à son échec nous ne sommes pas tout puissants et qu'il lui appartient de faire ce qui est à sa portée.


 

Notre proposition de départ était de faire classe le plus normalement possible compte tenu des difficultés d'adaptation scolaire de certains élèves. Cette normalité de l'action a été présentée selon trois axes, la technique pédagogique, la vie scolaire et la relation qui constituent ensemble l'essentiel de l'expérience scolaire.

Il nous reste à exprimer le souhait que les politiques scolaires et les attentes sociales rendent possible l'action raisonnable des enseignants.

L'exigence, toujours plus tyrannique, d'une école sans échec traduit l'état d'esprit très abstrait et quelque peu infantile d'une modernité qui refuse les limites des hommes. Si on en restait à cette incantation, ce serait déjà très irresponsable. Mais lorsqu'elle se traduit en programme professionnel pour les enseignants, elle aboutit à l'effet inverse: découragement, improvisation, abandon des techniques les mieux éprouvées pour des exercices d'équilibre et des acrobaties dans la conduite de classe qui ne font que perturber encore plus la majorité des élèves.

En réclamant l'impossible à l'école on l'empêche de parvenir à ce qui serait faisable. La réflexion sur l'adaptation scolaire des élèves en difficulté exigera de sortir des slogans démagogiques pour entrer dans le bon sens et la modestie.


Date de création : 23/03/2013 @ 14:26
Catégorie : ACTIVITES - La difficulté scolaire
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