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Scolarisation en maternelle: les conseils des enseignants aux familles.


 


 

On peut réagir au mot « conseil » qui fait penser à une volonté des enseignants de dominer les familles, d'exercer un pouvoir, de se sentir supérieurs aux parents d'élèves. Et c'est vrai qu'à une période où la confiance des familles dans l'école s'est affaiblie, les enseignants ont intérêt à se montrer prudents et modestes dès qu'il s'agit de fournir à des parents des indications éducatives.


 

Il existe pourtant deux sortes de situations, assez fréquentes, qui placent les enseignants, sans abus de pouvoir, en position légitime pour aider les familles: d'abord lorsque celles-ci le demandent, ensuite lorsque les difficultés d'adaptation scolaire d'un enfant requièrent une cohésion éducative entre la famille et l'école. On peut aussi estimer que certaines recommandations auront un effet préventif en évitant à certains parents de contrarier (la plupart du temps sans le vouloir) l'adaptation de leur enfant à l'école.


 

Dans tous les cas, les enseignants ont intérêt à se montrer méthodiques et prudents car des incitations intrusives ou mal comprises peuvent en effet se retourner aussi bien contre les enseignants eux-mêmes que contre les élèves qui se trouveraient pris en tenaille entre l'école et la famille.

C'est pourquoi, avant de proposer une manière d'inventaire ou de panorama des thèmes qui font l'objet de conseils aux familles, nous rappellerons les caractéristiques principales de la première scolarisation. Beaucoup de fausses manœuvres parentales découlent en effet d'une vision faussée ou trop partielle des épreuves qui s'imposent à leur enfant quand il rentre à l'école. Ces caractéristiques nous les décriront successivement du point de vue de l'enfant qui devient élève puis de celui du parent qui devient parent d'élève.


 

Les nouveautés pour l'enfant devenant élève:


 

1/ Des changements dans sa vie matérielle, son environnement:


 

Le nouvel espace scolaire n'a rien de commun avec celui de la maison. Le temps de la journée scolaire est rigoureusement organisé. L'enfant appréciera la nouveauté mais sera surpris et aura besoin de temps et d'explications pour comprendre de quelle manière utiliser ce milieu. La très forte contrainte de la vie scolaire n'est facile à admettre pour aucun enfant et très difficile pour quelques uns.


 

2/ Une nouvelle vie sociale:


 

Un nouvel univers social, très éloigné de celui de la famille, s'impose. Il faut adopter des codes pour s'adresser aux autres, les transactions avec ceux-ci s'effectuent dans un cadre réglé. La spontanéité du geste laisse place à la parole. Certains de ces « autres » sont incompréhensibles, imprévisibles et même, dans certains cas, menaçants. Inversement il est possible de nouer et dénouer des relations qui ne sont pas « obligatoires » comme c'est le cas en famille.


 

3/ Une nouvelle tutelle adulte:


 

Investir la relation avec des adultes qui ne sont pas ses parents constitue une libération, une conquête, mais il faut « partager » ces adultes avec beaucoup d'autres et donc, renoncer à des privilèges; Il y a nécessité aussi de distinguer entre ce que les parents peuvent donner et ce que l'on attend de l'enseignant, ce n'est pas le même « amour ». Le risque de mélange est évident.


 

4/ Un univers culturel très varié:


 

Culture signifie ici totalité des apprentissages scolaires. L'élargissement opéré par l'école est considérable pour tous les enfants. Le mode d'apprentissage change. Dans la famille l'enfant découvre et apprend de manière spontanée et aléatoire, en fonction de ce qui se présente. A l'école, un programme et des objectifs déterminent ce qu'il faut connaître. De plus, le mode d'apprentissage, qui doit être le même pour tous, s'effectue selon des techniques précises qui sont pratiquées par un professionnel. L'école maternelle met en chantier ce qu'on appelle les apprentissages symboliques, préludes à la lecture, à l'écriture, au calcul; d'où l'importance du langage. Cette nouvelle amplitude des apprentissages est perçue avec intérêt par un grand nombre d'enfants, mais il ne faut pas sous-estimer que pour quelques uns, la perspective est intimidante et déconcertante. Ils peuvent se trouver très éloignés des propositions scolaires, ne pas en percevoir la valeur, et se trouver démunis face aux démarches systématiques d'apprentissage qui sont pourtant nécessaires.


 


 

Une nouvelle position à construire pour les parents.


 

Il s'agit bien de construire; le parent ne se transforme pas automatiquement en parent d'élève au moment de l'inscription. Il lui faut adopter une nouvelle attitude à l'égard de son enfant et se situer de façon particulière face à l'école. Celle-ci, rappelons-le, se présente comme une obligation. Sauf décision d'assumer en famille l'instruction (le cas est rare, mais oblige le parent à jouer aussi le rôle d'enseignant), les familles entrent dans une contrainte législative qui leur impose certains renoncements. Ces aspects sont tellement évidents qu'ils finissent par être sous-estimés et il faut bien admettre que cette « séparation » est plus ou moins bien vécue.

Avancer que la séparation est bénéfique est exact, mais c'est plus facile à dire qu'à vivre! Dans d'assez nombreux cas, l'opération s'effectue avec peine. L'obligation législative et l'habitude sociale n'effacent nullement les caractéristiques psychologiques du père et de la mère qui peuvent se manifester à travers une névrose familiale (place occupée par l'enfant dans le programme de satisfaction des parents, faible socialisation de la famille).

Dans tous les cas un effort est à produire, souvent récompensé par la satisfaction des parents de voir leur enfant grandir.


 

Les caractéristiques que nous avons attribuées à la situation de l'enfant peuvent être réemployées pour décrire les appréhensions et les espoirs des parents.


 

1/ Le nouveau cadre de vie:


 

Les parents se soucient du corps de leur enfant, propreté, repos, sécurité. Va-t-il bien dormir l'après-midi? Aller quand c'est nécessaire aux toilettes? S'alimenter suffisamment au restaurant scolaire? Quels sont les risques de se blesser? On pourrait encore allonger la liste de préoccupations qui peuvent prendre un tour très détaillé. Mais en revanche, les attentes d'autonomie sont importantes: à l'école il apprendra à mettre seul certains vêtements, il goûtera de nouvelles nourritures, régularisera ses fonctions naturelles.


 

2/ La vie sociale:


 

La rencontre avec d'autres enfants déclenche une première question: « comment va se passer la rencontre avec les inconnus », suivie d'une crainte: « la sécurité sera-t-elle bien assurée? » En revanche nombreux sont les parents qui escomptent de la rencontre sociale des apprentissages nouveaux ou la consolidation d'essais en cours. ,Par exemple, devenir régulier dans la propreté, obéir aux consignes d'interdiction, ranger, etc... Le groupe est attendu en modèle, les autres en initiateurs.


 

3/ L'influence et l'autorité des adultes de l'école:


 

De nos quatre points, c'est le plus crucial. Sans doute très profondément éprouvé en même temps que peu avoué. S'en remettre à l'action d'autrui concernant un enfant dont on a été jusqu'à présent la seule référence demeurera toujours pour un parent une opération de détachement très éprouvante. Elle peut d'ailleurs être en partie refusée par des familles très possessives ou installées dans l'hyper-protection. C'est sur cet aspect que se produisent les inadaptations scolaires les plus résistantes.

Attachons-nous à détailler les interrogations manifestes ou latentes de nombreux parents:


 

    • la « compréhension » de son enfant par d'autres: « moi, je le comprends, mais eux? » La nature du lien entre le jeune enfant et sa mère, marquée par l'immédiateté, aboutit forcément à cette question, quitte à sous-estimer la connaissance expérimentée acquise par les enseignants et les ATSEM à l'école maternelle.

    • « mon enfant sera-t-il assez aimé? » Une question à deux faces: d'une part, lui donnera-t-on l'affection suffisante? D'autre part, l'indifférence voire le rejet peuvent-ils se produire? On connait, de longue tradition, l'accusation de certains parents qui estiment que leur enfant est « mal vu ».

    • l'interrogation, éventuellement le doute, sur la valeur des doctrines éducatives en vigueur dans l'école. Cet obstacle n'existait pas il y a quelques décennies en raison de la cohésion sociale des idées éducatives (identiques dans la famille et l'école). Avec la vulgarisation des théories éducatives et la médiatisation du débat, le consensus n'existe plus et l'opinion publique se divise entre deux perspectives que l'on peut simplifier comme suit: une éducation libérale, permissive, peu interventionniste, évasive sur l'autorité et peu exigeante sur les limites s'oppose aux partisans d'un cadre ferme garanti par une autorité forte adoptant des méthodes directives. Bien entendu entre les deux extrêmes (rigidité et laxisme) se placent toutes sortes de compositions intermédiaires, mais le conflit se situe bien sur cet axe. Chez les parents qui se situent dans la zone intermédiaire, les soucis demeurent légers mais pour ceux qui sont plutôt à une extrémité se produit un phénomène d'attente anxieuse, mêlé de suspicion, débouchant le cas échéant sur une rivalité. Cet état nouveau, et actuellement dynamique du conflit éducatif, déstabilise beaucoup l'école et fragilise les enseignants surtout s'ils l'ont sous-estimé. Au titres des attentes éducatives positives, mentionnons le soulagement ressenti par beaucoup de parents à l'idée de partager avec l'école une charge éducative encombrante. On a fait de son mieux jusqu'à l'âge atteint de trois ans et on apprécie de s'en remettre, pour une part, à d'autres dont on pense qu'ils vont normaliser la situation. Cette attitude est sécurisante pour tout le monde si on met de côté les cas dits de « démission ». Certaines familles se sont peu investies dans la construction des règles et s'en remettent à d'autres pour effectuer des tâches trop longtemps repoussées.


 


 

4/ De la culture familiale à la culture scolaire.


 

Les parents n'appréhendent pas cet écart et pensent spontanément que la continuité ira de soi. Ils savent cependant que la réussite scolaire n'est pas automatique. Les inquiétudes sur l'échec scolaire sont propagées et devenues un thème de société. Si on ajoute à cela la dramatisation des enjeux de l'école (diplôme et emploi) on comprend la coloration angoissée des attentes familiales dès les tout débuts de la scolarité. Certaines familles peuvent même se montrer pressantes envers les enseignants qu'elles estiment ne pas stimuler suffisamment leur enfant. D'autres guettent anxieusement les signes d'échec et s'apprêtent de façon hâtive à des remédiations lourdes.

Devant ce tableau, les enseignants ont intérêt à garder leur sang-froid et à ne pas peser dans un sens qui aboutira à mettre de jeunes enfants en surcharge.


 

Cette description de la rupture entre la famille et l'école, nous avons tenté de la détailler sous la forme d'une liste de nouveautés en insistant sur son aspect globalement ambivalent. Les aspects positifs, enrichissants et optimistes de la scolarisation, ne sont pas « le contraire » des difficultés de cette épreuve. Ce serait une erreur théorique monumentale que de tenir ce conflit pour insupportable alors qu'il est nécessaire. Par contre son issue sera plus ou moins favorable en fonction de la manière dont les parents vont l'aborder. Le réalisme et la bienveillance feront pencher le mouvement vers la confiance et la stabilité tandis qu'une vision trop idéale, angélique, orienterait au contraire vers la déception et la rancœur.

Les paroles adressées aux parents par les enseignants ont intérêt à diriger le mouvement vers la pacification. C'est dans l'intérêt des élèves et des enseignants eux-mêmes que ces derniers doivent s'appliquer à contrôler tout ce qui peut être pris par les parents d'élèves comme un conseil, une incitation, voire une information.


 

Nous allons donc maintenant proposer aux enseignants un ensemble de repères raisonnables et praticables. Dans une première partie, ils s'agira de conseils de caractère général, d'attitude ou de position, si l'on veut, pouvant aider les parents à tenir leur nouvelle position d'une façon rassurante pour leurs enfants. La seconde étape passera en revue un assez grand nombre de médiations, de supports qui s'offrent aux familles pour soutenir l'adaptation scolaire de façon naturelle en évitant de « faire l'école à la maison ».


 


 

Quelle attitude à tenir pour les parents, en vue d'une bonne adaptation scolaire de leur enfant en maternelle?


 

On peut commencer par indiquer entre quelles limites il est prudent de se tenir, autrement dit, signaler les deux risques, situés à l'opposé, qui peuvent guetter les parents.

Le premier s'appellerait l'indifférence à la vie scolaire de l'enfant. Celui-ci est déposé le matin et repris le soir sans que l'on se préoccupe ni de ses émotions ni des résultats de son activité scolaire. Sous couvert de confiance faite à l'école, certains parents, par ailleurs attachés à leurs enfants, oublient que l'enfant très jeune, même confié pour la journée aux enseignants, souhaite que son expérience à l'école soit prise en compte par ses parents. Il a besoin de ressentir leur attention à ce sujet.

Inversement, le sur-investissement de la vie scolaire de l'enfant va le gêner ainsi que les enseignants. Il est fréquent, et finalement compréhensible que l'on veuille « tout savoir » sur ce qui se passe à l'école. Certains enfants soumis à une curiosité excessive subissent de la part de leurs parents de véritables interrogatoires qui provoquent chez eux une anxiété qu'il faut expliquer. Ils se mettent en effet à penser que si leurs parents veulent savoir tant de choses, c'est peut-être parce qu'il y a des dangers, ou encore que leurs parents se méfient, qu'ils sont eux-mêmes inquiets. Ajoutons un autre inconvénient: la première scolarisation est l'occasion pour les petits de se construire une première zone d'indépendance, d'autonomie et passées les premières inquiétudes, ils apprécient de disposer d'un espace-temps qui n'appartient qu'à eux, hors du regard parental. Cette possibilité doit être sauvegardée et les efforts, parfois amusants, des enfants pour la défendre sont connus: lorsqu'ils estiment que leurs parents en demandent trop, ils savent esquiver ou fournir des réponses très vagues. Les parents sont parfois très déçus du caractère évasif des réponses alors que cette parade révèle la volonté chez leur enfant de se constituer un territoire propre. Les enseignants peuvent expliquer aux parents ces phénomènes et leur faire éviter ainsi de se montrer trop intrusifs.


 

Une autre indication très générale mais précieuse, consiste à rappeler aux parents que la scolarité de leur enfant n'a rien à voir avec celle qui a été la leur. Non pas pour des raisons de changements historiques dans l'école, mais pour faire comprendre que notre enfant, distinct de nous, aura une scolarité en rapport avec sa personnalité, un déroulement scolaire qui fera partie de son histoire. Reconnaissons que cet avertissement n'est pas facile à formuler vu que son contenu n'est pas évident: c'est selon des mécanismes inconscients que les parents projettent leur propre expérience scolaire sur celle de leurs enfants. C'est malheureusement à l'origine de graves difficultés pour certains enfants qui se trouvent pris en otage dans ce désir parental qui joue dans des directions très séparées. Des parents veulent une réussite dont ils ont été privés, d'autres exigent un succès égal au leur, d'autres encore estiment normal que leur enfant échoue puisque c'était déjà le cas pour eux. Les enseignants qui sauront trouver les mots justes pour faire passer cet avertissement contribueront à la protection de certains élèves.


 

Troisième conseil en termes d'attitude: ne pas se présenter, devant son enfant, comme juge de l'école et des enseignants. Les parents ont le droit de penser ce qu'ils veulent de l'institution scolaire, de ses orientations, de son organisation. Citoyens et contribuables, cela les regarde. Ils peuvent aussi avoir des préférences pour certaines méthodes pédagogiques, de la méfiance et même du rejet pour d'autres. Mais à partir du moment où leur enfant est impliqué, prudence et réserve s'imposent. La raison en est très simple mais pas forcément très évidente pour certains parents: quand ils mettent en cause, devant leur enfant, les capacités de l'école ou de l'enseignant, ils placent cet enfant dans une situation très compliquée qui s'apparente à un conflit de loyauté. Tout enfant a besoin de croire en ses parents, tout élève de faire confiance en son enseignant. L'écartèlement qui résulterait de l'indiscrétion des parents sera douloureux et paralysante pour tout enfant.


 

La quatrième mise en garde porte sur le projet d'installer à domicile une scolarité parallèle ou supplétive. Deux cas sont à distinguer, celui de l'élève en difficulté d'apprentissage et celui de l'enfant, surdoué ou non, que ses parents veulent sur-stimuler pour qu'il brille scolairement. La famille peut, dans les deux cas, jouer un rôle bénéfique, mais pas de n'importe quelle façon. Le soutien familial à l'élève qui échoue est d'abord un appui moral, psychologique à la personne de l'enfant. L'estime que ses parents continuent de lui manifester, leur tolérance face à des résultats décevants, des encouragements sincères devant des progrès modestes, donnent à cet enfant davantage d'assurance pour affronter l'épreuve de l'échec.

Si, à l'issue d'un échange, parents et enseignants estiment qu'une intervention plus scolaire peut être bénéfique à la maison (mieux encadrer le travail, vérifier l'accomplissement des tâches, faire « réciter » etc...), il s'agit alors d'une action concertée et validée par l'enseignant, ce n'est plus du tout la même chose que lorsque des parents disent « l'école n'est pas capable, mais nous on réussira ». La sur-stimulation des élèves et de plus en plus fréquente de la part de parents qui estiment (avec ou sans vérifications) que leur enfant est surdoué. Elle se traduit de deux façons au moment de l'école maternelle. D'une part on oriente l'activité de l'enfant vers des apprentissages partiels, abstraits et un peu mécaniques (à l'aide de matériels éducatifs proposés par le commerce), au détriment des jeux spontanés. D'autre part, on anticipe sur les trois apprentissages « lire, écrire, compter » en proposant à la maison des exercices fatigants et décourageants qui peuvent détourner certains enfants de l'activité scolaire. Nous retrouverons, un peu plus loin, une description des indications favorables susceptibles de satisfaire la demande des parents tout en évitant de dévoyer la maturation normale des enfants.


 

Le cinquième point porte sur la nécessité pour les familles de mesurer correctement les enjeux pour leur enfant de l'école maternelle. Bien que le débat soit ouvert depuis longtemps et constamment actif sur les finalités de l'école maternelle (instruction et éducation, accueil des jeunes enfants et préparation à l'école élémentaire), on observe toujours chez le plus grand nombre de parents un sur-investissement des composantes scolaires sur un segment où les apprentissages sociaux, corporels, esthétiques, culturels au sens large, moraux, etc... tiennent une grande place. Les enseignants doivent donc aider les parents à relativiser, ce qui, reconnaissons-le n'est pas facile pour eux puisqu'ils sont tentés eux aussi de majorer les performances strictement scolaires.

Les enfants qui entrent autour de trois ans à l'école maternelle sont engagés dans une épreuve de transformation de leur vie qui dépasse de beaucoup l'acquisition des savoirs scolaires et nous devons nous retenir d'appuyer trop sur ce deuxième aspect. Nous devons surtout aider les parents qui en seraient obsédés à prendre des distances. Si nous ne le faisons pas, nous allons forcément compliquer l'adaptation des élèves en méconnaissant une grande partie de leurs épreuves.


 

Pour résumer nos cinq points, on peut avancer que les parents ne rendent pas service à leur enfant en voulant prioritairement en faire un bon élève. Inversement, le meilleur appui qu'un enfant peut trouver dans sa famille pour affronter l'épreuve de la scolarisation, c'est une attitude compréhensive, patiente et non partielle; une attitude qui reconnaît les obstacles et encourage de façon continue.


 


 

Soutenir les apprentissages sans scolariser la vie familiale.


 

Sous ce titre plein de précautions, nous allons sous forme d'inventaire, présenter les possibilités raisonnables qui s'offrent aux parents pour accompagner les grands apprentissages de l'école maternelle. Cette description s'effectuera en huit points représentant chacun un domaine relatif à la fois (sauf le dernier) de l'activité scolaire et de la vie de l'enfant à la maison.


 

1/ Les rituels de la vie familiale, les aspects matériels.


 

On conseillera bien sûr aux parents des horaires réguliers autant que possible préservant les besoins en sommeil. Lors des fins de semaine et des vacances, on prend forcément un peu de liberté mais sans excès. Il faut expliquer que les irrégularités sont non seulement source de fatigue pour un jeune enfant mais également perte de repères. Les jeunes enfants à l'école ont besoin de mobiliser une grande énergie pour se concentrer, persévérer, demeurer attentif et un sommeil suffisant est la première condition pour y parvenir. Les enseignants observent tous les jours l'apathie des élèves qui n'ont pas assez dormi; s'ils peuvent en témoigner, de façon posée, sans exprimer de condamnation, ils doivent le faire.

Ils savent aussi que l'usage actuel de la télévision, des jeux électroniques, auxquels les enfants de plus en plus jeunes consacrent trop de temps, contrarient la disponibilité à apprendre. Cette crainte est assez répandue dans les familles, mais, par facilité, beaucoup de parents renoncent à frustrer leurs enfants et, parmi ces parents, certains se trouvent eux-mêmes en position de dépendance par rapport à ces objets; Il est donc de plus en plus délicat, pour les enseignants, d'exprimer des réserves à ce sujet; ils risquent de passer pour des donneurs de leçon, ou pour des nostalgiques du passé. Il faudra pourtant bien que la vérité soit révélée, dans toute son ampleur, tôt ou tard: non seulement ces divertissements fatiguent l'écolier, mais, plus grave, ils occupent son esprit au point de ne laisser qu'une place très réduite à la culture scolaire. La passivité et l'excitation émotionnelle, le trop-plein sensoriel qu'ils engendrent, contrarient la possibilité des efforts intellectuels nécessaires à l'apprentissage. Pour aborder ce sujet, l'enseignant doit s'y être préparé. Il évitera des interventions personnalisées et s'exprimera de manière très informée (presque « scientifique ») dans les occasions instituées. Par exemple dans un ordre du jour de conseil d'école ou de réunion de parents.

Des conseils pour l'habillement de l'écolier sont utiles. Les vêtements pour l'école doivent être pratiques (à mettre, à enlever), résistants, peu fragiles car les risques de détérioration sont réels et il faut prévenir le désespoir parental lors d'un vêtement irréparable ainsi que toutes les protestations qui en découlent (agressivité envers son enfant, envers un autre enfant, à l'égard de l'enseignant). Il est plus délicat d'aborder une tendance en expansion qui consiste pour certains parents à déguiser ou travestir leur enfant (devenu support de mode ou d'un fantasme parental), voire à sexualiser exagérément sa tenue. Sur ce sujet, de nouveau, il faudra passer par des modalités institutionnelles de communication car il se trouve que les parents qui adoptent ces pratiques se révèlent très agressifs quand on leur exprime des remarques. Le matériel de l'écolier n'est ni abondant ni très spécialisé à l'école maternelle mais mieux vaut commencer de suite à assainir la situation en recommandant du matériel peu encombrant, peu coûteux et sans excès décoratif.


 

2/ Parler, lire et écrire à la maison avec son enfant scolarisé.


 

Les enseignants désireux d'apporter des conseils dans ces domaines éviteront toute forme de programme et s'abstiendront de faire allusion à une responsabilité des parents car les familles sont très hétérogènes et beaucoup d'entre elles comprendraient « de travers » des incitations à faire parler, lire et écrire leurs enfants. Nous allons, pour chacun de ces trois domaines, avancer des indications recevables par toutes les familles.


 

Parler:

on peut répandre l'idée selon laquelle le langage oral est le socle de la lecture et de l'écriture, qu'il les précède et que la priorité est de favoriser le langage. Il ne s'agit pas de « normer » le langage en contrôlant et en corrigeant en continu ce que les enfants disent. On essaie de favoriser la prise de parole et cela dans des contextes variés. On ne fait pas « parler » l'enfant, on laisse celui-ci faire ses expériences de langage dans des situations concrètes. L'adulte s'adresse à l'enfant avec vocabulaire et des phrases normales, les siennes, il ne se contraint pas à jouer l'instituteur et ne sur-corrige pas son enfant; il ne s'adresse pas à lui en langue « bébé » pour se faire comprendre d'un « petit ». Les jeunes enfants comprennent beaucoup plus qu'on ne le croit et il existe une forte dissymétrie entre ce qu'ils entendent et ce qu'ils émettent. Les « erreurs » du jeune enfant lorsqu'il forme des mots, conjugue, construit des phrases sont le résultat des hypothèses qu'il formule concernant les règles de la mangue, il n'y a pas lieu d'intervenir, la rectification se fera toute seule.

Lire:

Étant donné que presque tous les enfants sont scolarisés à quatre ans et que la lecture au sens d'une technique pour déchiffrer le code est installée progressivement de 5 à 7 ans, on n'envisage pas de lire à la maison. Cependant deux questions se posent: l'enfant très jeune est en contact avec de l'écrit. Que faire à ce sujet? Et une fois la scolarité débutée, les parents ont-ils intérêt à se mêler de la lecture?

Commençons par les premiers contacts avec l'écrit. Il se produit tôt car l'écrit est très présent autour de lui, même si ses parents lisent peu ou pas. C'est dans ce cas que les enseignants voudraient influencer les familles, mais ce n'est pas possible. Il est hors de question d'effectuer la moindre ingérence dans l'état culturel des familles. Les seules incitations portent sur les albums pour enfants que les familles peuvent emprunter dans les médiathèques, bibliothèques et à l'école. Ne jamais prescrire l'achat de livres car ce sont des produits trop coûteux pour les familles dont les revenus sont bas.

Nombreux sont les parents qui sont tentés d'intervenir dans les premiers apprentissages de la lecture, estimant qu'ils renforceront le travail scolaire jugé trop lent ou que la méthode utilisée à l'école n'est pas bonne.

Les enseignants ont intérêt à prendre les devants et à faire savoir que la meilleure attitude consiste à ne rien entreprendre du tout. Cependant, des tentatives auront lieu, en dépit de nos avertissements. Il ne faudra pas trop s'émouvoir et, à l'occasion, essayer d'influer pour que les pratiques parentales soient restreintes et ne contrarient pas la méthode de l'école. On insistera sur les inconvénients pour l'enfant d'un double guidage.


 


 

Écrire:

les mises en garde formulées à propos de la lecture valent pour l'écriture. Les étapes qui y conduisent ne doivent pas être abrégées. En particulier celle du graphisme archaïque qui est une expérience exploratoire. Avant deux ans, les enfants, à l'aide de papier ou de crayons, ou de pinceaux apprécient la liberté de laisser des tracés aléatoires. Le plaisir du geste, la satisfaction d'obtenir des lignes ou des taches (peinture) constituent un préalable à l'écriture. C'est vrai aussi de l'habileté acquise à tenir et à manier les divers instruments. Ce type d'activité, très ludique, peut être pratiqué à la maison; il ne demande aucun savoir pédagogique de la part des parents et le matériel nécessaire n'est pas coûteux. Le dessin s'installe progressivement et la plupart des enfants en font une activité de loisir qu'il convient de laisser libre dans sa pratique à la maison.


 

3/ Le domaine du mouvement, de l'activité physique.


 

A l'âge où ils fréquentent l'école maternelle, les enfants ont besoin de beaucoup de mouvement. La sédentarisation croissante de la vie familiale, l'usage presque exclusif de la voiture pour se déplacer, le manque d'espaces extérieurs dans beaucoup d'habitations sont des inconvénients connus. Si on y ajoute que la vie scolaire n'est pas favorable au mouvement, en dépit de l'horaire imparti à l'éducation physique, on conviendra que le tableau n'est pas réjouissant. C'est pourquoi les enseignants donneront un bon conseil aux parents en les incitant d'une part à favoriser les sorties pédestres, la fréquentation des espaces adaptés au mouvement libre mais aussi, d'autre part, à tolérer (dans les limites acceptables) le mouvement dans la maison.


 

4/ Jeux éducatifs, matériels à jouer.


 

Cette distinction se fonde sur les capacités des jeunes enfants à jouer avec tout ce qui leur tombe sous la main. Or il existe indiscutablement une tendance actuelle à fabriquer des jeux et des jouets de plus en plus nombreux. L'industrie du jeu enfantin se pare des finalités éducatives et nombreux sont les parents qui se font prendre dans ce piège avec les meilleures intentions. Les enseignants peuvent contribuer à redresser cette tendance pourvu qu'ils aient pu eux-mêmes échapper à cette tromperie. A l'âge où les enfants débutent l'école (3/4 ans), ils peuvent disposer d'une ou plusieurs boîtes à outils. On y trouvera du papier (formats très variés), des crayons, des feutres, des ciseaux, de la colle, de la peinture et des pinceaux, des cartons et des tissus, de la ficelle etc...

Parmi les jeux fabriqués que l'on peut conseiller, mentionnons les lotos, les puzzles, les dominos, les jeux de société. Une caisse de livres se constitue peu à peu. Les ballons et les balles sont bienvenus dès que l'on dispose d'un jardin même restreint.


 

5/ Participation à la vie domestique.


 

Très jeunes les enfants ont envie de « se mêler » de toutes les tâches domestiques qu'ils observent avec intérêt: le ménage, la cuisine, les rangements, la mise en action de machines ou d'accessoires, les interrupteurs pour éclairer, les clés et les serrures etc... Les parents sont tous témoins de cet intérêt mais réagissent avec plus ou moins de compréhension, en partie par crainte (dangers, dégradation) mais aussi parce qu'ils sous-estiment l'apport de la participation, même restreinte ou symbolique, des enfants à ces activités.

A l'occasion, les enseignants peuvent inciter à davantage de compréhension en fournissant des conseils de bon sens: tenir compte de l'âge, refuser les actions dangereuses, expliquer le pourquoi des interdictions, proposer des responsabilités simples, accepter quelques incidents (se salir par exemple).


 

6/ Les enfants dans les loisirs familiaux.


 

A ce sujet nous ne pouvons pas considérer la situation comme on pouvait la voir il y a quelques décennies, où l'on encourageait les familles à réserver à leurs enfants une place spécifique dans leurs loisirs et leurs vacances. On est allé si loin dans ce sens qu'on peut maintenant observer des pratiques familiales entièrement orientées vers des vacances « pour les enfants » et des programmes de loisirs parfois hyper-éducatifs. N'hésitons pas à corriger cette tendance en redonnant au loisir familial sa cohérence. Les adultes ont besoin de temps pour leur repos et leur détente, ils ont envie de pratiquer des activités pour leur propre satisfaction. Ce qui leur reste à faire, c'est d'associer leurs enfants, là où c'est possible, à leurs choix, de trouver des adaptations, des modulations, des équilibres et des partages au quotidien. Une trop grande centration des vacances et des loisirs sur les désirs et attentes supposées des enfants contribue à fabriquer des enfants « rois » qui se transforment en tyrans. Pour ceux-là l'adaptation scolaire est plus difficile.


 

7/ Les activités périscolaires.


 

Nous évoquons ici les clubs, ateliers, cours d'initiation à diverses pratiques artistiques, sportives etc... Nous aurions pu rattacher ces propositions modernes au domaine des loisirs en général car on y remarque la même volonté hyper-éducative. Mais il est utile de les distinguer en raison de l'importance croissante de l'offre qui est faite aux familles et de l'obligation que celles-ci peuvent ressentir de la suivre. Les enseignants sont bien placés pour ramener les choses à de saines proportions en indiquant que pour les enfants jeunes, la vie ordinaire constitue un champ infini de découvertes et que ces propositions spécialisées conviennent mieux à des enfants un peu plus âgés. Ils peuvent mettre aussi en garde contre les risques de surcharge et de dispersion.


 


 


 


 


 


Date de création : 18/09/2012 @ 15:29
Catégorie : ACTIVITES - La Maternelle
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