PRESENTATION
ACTIVITES
à Noter ...

Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

Apprendre à devenir élève: organiser le travail en équipe pour ce projet éducatif.


 


 

Sources de ce document:


 

Le groupe d'analyse de pratiques de l'AAPIE qui est consacré aux directeurs d'école a décidé, au cours de l'année scolaire 2011/2012 de réfléchir à la mise en place d'un projet appelé « éducation scolaire » dans les écoles concernées. Ce travail se poursuivra au cours de l'année 2012/2013. Nous déposons déjà sur le site les résultats de nos premiers échanges, estimant qu'ils peuvent être utiles à des directeurs qui se sentent concernés par ce thème. Ce dossier peut être lu par d'autres personnes que des directeurs d'école, bien sûr; simplement beaucoup de sujets sont abordés selon l'axe d'un projet collectif impliquant toute l'équipe d'une école. Dans ce groupe d'analyse de pratiques c'est d'abord cette priorité qui s'est imposée: comment rassembler des collègues dont les expériences, les sensibilités, les idées éducatives sont différentes, dans une action collective, concertée et durable?


 

A l'origine de ce thème « éducation scolaire »


 

Les constats qui nous ont orientés vers cette idée sont simples et généraux: tout d'abord un nombre croissant d'élèves manifestent des lenteurs et des retards dans les apprentissages alors que leurs capacités sont normales ou bonnes, mais le déficit d'attention, le manque d'endurance, la difficulté à se concentrer affaiblissent les possibilités de travail et donc menacent les apprentissages. Concernant les comportements dans le cadre de la vie scolaire, des observations parallèles peuvent être faites: des enfants que nulle situation personnelle ou familiale ne prédispose à la déviance, se montrent indifférents aux règles sociales, si ce n'est parfois rebelles.

Les enseignants de l'école primaire résument leurs constats à travers une formule très frappante: « ils ne sont pas véritablement élèves ». Ils mettent ainsi l'accent, à juste titre nous semble-t-il, moins sur des caractéristiques psychologiques individuelles (la personnalité) ou encore sur des déterminations économiques et culturelles (la classe sociale) que sur les obstacles qui se présentent pour ces enfants lorsqu'il s'agit d'adopter les attitudes, les « postures » comme on dit parfois, nécessaires aussi bien aux apprentissages qu'à l'équilibre de la vie sociale dans ce milieu très codifié et très contraignant qu'est l'école. Précisons bien ici notre position sur ces contraintes et ces codes: nous les estimons inévitables tant que l'institution scolaire existe; ils ne sont pas déménageables mais au contraire inhérents à l'existence même de l'appareil scolaire.


 

Une définition simple de «  l'éducation scolaire »


 

Tout en étant conscients des implications théoriques importants de la définition d'une  éducation « scolaire » (qui se distingue de l'éducation familiale et de l'éducation sociale), nous souhaitons la simplicité au départ. Ce qui nous conduit à cette proposition que l'on pourra estimer banale: l'éducation scolaire est la somme des situations, actions, interventions effectuées dans le but de transformer l'enfant en élève. Bien évidemment, cette transformation vaut pour la partie scolaire de sa vie et de son activité; nous n'envisageons pas de forçage totalitaire visant à conditionner les jeunes sujets 24 heures sur 24, où qu'ils se trouvent.

Il n'est pas nécessaire pour le moment, d'affiner cette définition. La notion d'éducation scolaire s'explicitera d'elle-même, par la suite, lorsque nous présenterons les questions, objections et thèmes apportés par les enseignants aux directeurs lorsque ces derniers leur proposent ce projet.


 

Questions posées, objections, thèmes


 

Pour guider nos lecteurs, nous fournissons de suite la liste des points que nous reprendrons ensuite, un par un. Pour l'instant, dans le groupe d'analyse de pratiques des directeurs, 14 points ont été présentés. D'autres s'y ajouteront forcément car à chaque étape du travail dans les écoles, de nouvelles questions se poseront.


 

1/ «  Ce n'est pas à nous mais aux parents d'éduquer. Notre priorité est l'enseignement »

2/ L'éducation scolaire ne fait-elle pas double emploi avec ce bloc éducatif qui contient « citoyenneté, vivre ensemble, éducation morale, civique...?

3/ Il y a peut-être un risque de tomber dans l'autoritarisme, dans des contraintes trop fortes.

4/ Les élèves ont sûrement besoin d'un cadre, mais souple.

5/ Si l'école met des repères, des contraintes, elle va se trouver en conflit avec une société de plus en plus permissive.

6/ Les enseignants doivent-ils montrer l'exemple en se conformant à certaines règles dans leur vie professionnelle?

7/ Dans un tel projet on ne part pas de rien. Il faut procéder à l'état des lieux de ce qui se pratique déjà dans une école.

8/ Assurer la continuité éducative avec deux enseignants sur la même classe.

9/ L'effort à investir pour éduquer ne va-t-il pas ralentir les apprentissages?

10/ Comment réguler le projet dans la durée?

11/ Comment lancer le travail dans une équipe sans intimider ou dissuader les collègues par une machinerie complexe et monumentale?

12/ Dans la classe, le projet scolaire éducatif concerne-t-il d'abord le collectif (le groupe classe) ou les individus (différenciation)?

13/ Faut-il présenter le projet aux parents d'élèves? Que peut-on obtenir d'eux? Comment faire cette présentation?

14/ Est-ce souhaitable? Possible? D'élargir ce projet en dehors du temps scolaire (péri-scolaire? au-delà?) avec quels partenaires? Comment proposer?


 

L'éducation revient à la famille, les enseignants enseignent.


 

Certains collègues peuvent ressentir de la méfiance devant la proposition d'éducation scolaire. L'époque (il y a quatre ou cinq décennies) où les enseignants revendiquaient d'être éducateurs (l'éducation nationale avait déjà remplacé « l'Instruction Publique ») est maintenant éloignée. Ce qui était désirable et valorisant (éduquer) est devenu un fardeau.

Mais l'hésitation à se saisir de la mission éducative pour les enseignants s'explique surtout dans un contexte de dépérissement de l'éducation familiale et sociale. En sachant qu'un nombre important de parents se montrent superficiels ou négligents et que la société lance des mots d'ordre plutôt laxistes, nos collègues ont (à juste titre) l'impression qu'on se déleste sur eux des tâches qu'on esquive en d'autres lieux.

Mais il serait préjudiciable pour leur identité professionnelle de confondre les deux segments ou plans éducatifs que sont le familial et le scolaire. Si le premier montre des signes d'affaiblissement, le second de toutes façons qui a pour but de faire devenir élève, ne faisait pas partie du programme de la famille. Il revient depuis toujours à l'école de « fabriquer de l'élève ». Évidemment c'est moins difficile de faire un élève avec un enfant déjà bien repéré dans un cadre familial exigeant.

Disons pour nuancer et être précis, que le rôle spécifique de l'école demande un peu plus d'efforts aujourd'hui.

Il faut aussi insister auprès de nos collègues que le choix entre faire et ne pas faire d'éducation à l'école n'existe pas de fait, étant donné qu'il est impossible d'enseigner à des enfants qui ne sont pas élèves.

N'hésitons pas davantage à leur rappeler que de « l'éducatif » ils en font de façon continue, de façon aussi concrète qu'instinctive. La nouveauté consiste à pratiquer ces actes désormais de façon plus explicite, plus développée et plus méthodique.


 

Ne pas confondre éducation scolaire avec le bloc « citoyenneté, vivre ensemble, éducation morale et civique ».


 

L'éducation civique a été longtemps une discipline symboliquement forte dans l'école républicaine. Elle était liée à la fondation de celle-ci: l'école était, avec les institutions politiques, le moyen le plus sûr de consolider la république. Le dépérissement de cette matière a débuté quand on a cessé de craindre à des menaces contre la république et a été renforcé dans sa dilution dans un ensemble d'attentes sociales et morales très vaste et mal identifié qui continue à se formuler à travers des formules et mots tels que « citoyenneté, « vivre ensemble », « respect des différences » et même « lutte contre l'exclusion et la violence ». L'éducation scolaire que nous préconisons ici présente une forte identité en ce sens qu'elle exprime une forte exigence de l'école pour l'école. Pour que celle-ci remplisse efficacement ses tâches d'instruction ou ses missions de savoir et de culture, elle a besoin de mettre les enfants dans des dispositions favorables. L'éducation scolaire ne vise ni directement ni prioritairement la formation sociale; pourtant il est certain que celle-ci en bénéficiera puisqu'un enfant, devenu élève aura une plus grande facilité à devenir un adulte sociable. Puisque nous en sommes à spécifier notre terminologie, autant dire de suite que nous ne pensons pas en faire une « matière » inscrite à l'emploi du temps. Il est hors de question de « faire de l'éducation scolaire » à telle heure, tel jour et pendant tant de minutes. Elle se fait en continu, mais en s'appuyant, on le verra, sur des occasions particulières, nombreuses et régulières, qui forment la trame de la vie scolaire. Sans en aborder de suite l'inventaire, citons quelques exemples de ces occasions: rentrer dans la classe et s'y installer, se déplacer et utiliser les outils et les ressources, pratiquer un temps hebdomadaire de régulation collective, apprendre les règles du travail à plusieurs, etc...


 

Le risque de l'autoritarisme, des contraintes excessives.


 

A l'idée d'agir avec plus de fermeté et de rendre plus serré le cadre de la vie scolaire, certains collègues réagissent en exprimant une crainte. Celle-ci peut trouver sa source dans certains traits de la personnalité individuelle, puisque l'on sait que la possibilité d'exercer l'autorité est variable. Elle s'explique aussi par des tendances plus générales d'une idéologie sociale qui se méfie de l'autorité. Des décennies de doctrines éducatives favorables à « la compréhension d'abord », à « l'élève au centre », à la « liberté de création et d'expression »  pour l'enfant et hostiles à la « sanction traumatisante » et à la « stigmatisation » ont façonné les esprits et laissé les pédagogues dans un état d'hyper-sensibilité à ce sujet. Cette vulnérabilité constitue actuellement un obstacle de taille à l'installation d'une éducation scolaire repérante et contenante.

Il faut alors argumenter en indiquant que « faire de l'élève » n'est pas « retourner en arrière », revenir au « moyen-âge », à des époques de cruauté envers l'enfance ou de méconnaissances des besoins de celle-ci. L'éducation, on doit en faire le rappel théorique, ne consiste pas à laisser s'accomplir un programme intérieur qui se développe automatiquement et naturellement. Elle comporte des conditions qui sont restrictives: pour qu'un enfant accède à certaines possibilité (à l'école essentiellement culturelles et sociales), il lui faut renoncer à quelques espérances archaïques que l'on peut rassembler par le mot « égocentrisme ». La maturation humaine comporte ce caractère particulier de faire payer les conquêtes par des pertes ou des abandons. L'éducation scolaire n'est rien d'autre que la mise en place de ces dispositifs qui obligent à renoncer à certaines satisfactions enfantines pour adopter des règles scolaires, lesquelles permettent à leur tour de nouvelles satisfactions (apprendre, savoir, vivre avec les autres). Il n'est pas inutile de revenir sur la banale distinction entre l'autorité (elle est au service du développement de l'enfant) et de l'autoritarisme (moyen de jouissance perverse de l'adulte).

Enfin, lorsque s'exprime chez tel enseignant la crainte d'un « retour en arrière », n'hésitons pas à dire que l'éducation n'est pas une mode mais une obligation qui se répète à chaque génération. Nos anciens enseignants ont dû s'efforcer de « faire des élèves », nous ne pouvons pas nous soustraire à cette loi de la transmission.


 

Les élèves ont besoin d'un cadre, mais souple.


 

Cette phrase prononcée au cours d'une réunion d'équipe nous oblige à des précisions que nous apporterons en trois temps:


 

    • il ne faut pas que, par trop de souplesse, le cadre, d'abord élastique puis informe, disparaisse aux yeux des élèves.

    • Le cadre éducatif n'est pas figé: il se construit par étapes et évolue en fonction de certaines conditions.

    • Il existe une grande différence entre fermeté et rigidité.

Reprenons, pour plus de détails, chacun de ces points.

D'abord les jeunes enfants ont besoin de ressentir, d'éprouver, de voir et de constater le cadre. Celui-ci doit se manifester de façon visible et stable (il ne change pas souvent, les règles ne sont pas intermittentes). Les adultes qui ont construit il y a longtemps leur rapport à la loi ont intériorisé le cadre; ils le portent en eux à travers la durée et la variation de l'espace. Ce n'est pas le cas pour l'enfant jeune qui est en train de le construire et encore moins pour les enfants les moins bien disposés par rapport à la loi. C'est pourquoi le cadre éducatif scolaire présente des caractères de solidité, de permanence mais aussi de précision (il rentre dans les détails en tenant compte du fait que l'enfant jeune ne transfère pas, ne généralise pas).

Pour distinguer fermeté et rigidité il faut se placer plutôt du côté des adultes qui manient les règles que des règles elles-mêmes. Les personnes peu assurées de leur autorité se protègent, se barricadent même derrière un mur d'interdits toujours plus détaillés. Cette réaction s'observe assez aisément mais ce que l'on connait moins c'est l'effet dévastateur pour la loi, que ce style produit chez les enfants. Ils ressentent très bien le manque de présence de l'adulte, son incapacité à incarner la loi et sa façon d'instrumentaliser et de manipuler le cadre pour empêcher la vie. On a souvent souligné l'aspect mortifère d'une éducation rigide et maniaque et on a eu raison de dénoncer cette perversion de l'autorité.

Le cadre éducatif n'est pas figé. Il s'installe par étapes, puis, quand son architecture générale est en place, il s'ajuste en fonction de certaines circonstances en particulier selon le comportement de groupes ou de certains élèves. On peut alors parler de souplesse, non pas en comprenant « faiblesse » mais capacité à l'ajustement.

Prenons quelques exemples de cet assouplissement et d'abord lorsqu'il est lié à la temporalité, au calendrier.

Dès la rentrée de septembre (premiers jours) de nombreuses contraintes sont posées. Elles seront mieux reçues que si on les présentait deux mois plus tard, car les élèves acceptent que ce soit « comme ça » au début et pour toute l'année, mais ne comprennent pas que l'on interdise en novembre ce qui était permis depuis deux mois. Inversement, des règles très strictes à la rentrée peuvent être assouplies quelques semaines plus tard, car les élèves comprendront alors que les tolérances n'ouvrent pas vers la suppression de la règle.

Un autre exemple, celui de la semaine scolaire, montre le caractère nécessairement dynamique des rituels. Ils ont besoin d'être reconsolidés le lundi matin et au retour des vacances spécialement.

L'école qui cadre ses élèves ne va-t-elle pas se trouver en conflit avec la famille et la société, plus permissives?


 

C'est une question de grande portée qui se dédouble car les marges de manœuvre de l'école ne sont pas identiques dans les deux cas.

Pour ce qui est de la société, l'école n'ira jamais au-delà des forces collectives qui s'y expriment. Elle ne peut constituer un îlot sur lequel s'exprimeraient des valeurs éloignées de celles qui sont partagées collectivement. Cela ne débouche pas sur une paralysie mais sur une claire conscience des limites: on peut sûrement restaurer un cadre éducatif dans l'école mais il faudra composer avec les usages sociaux et surtout en observant bien les positions politiques prises au plus haut niveau car le fonctionnaire s'appuie forcément sur ces orientations nationales.

Concernant les familles nous ne sommes pas démunis; elles sont proches de nous et pour un grand nombre d'entre elles, encore sensibles à nos arguments. Mais l'installation d'un projet éducatif affirmé dans l'école fera sûrement émerger des aspects conflictuels que nous ne devons pas éviter mais traiter et même prévenir. Signalons ici quelques précautions indispensables.

    • les dispositifs scolaires doivent émaner du collectif des enseignants et non d'individus, de sous-groupes ou de clans pédagogiques qui ne seraient pas crédibles et qui se trouveraient exposés au refus.

    • Ils doivent être construits, élaborés pour former un ensemble cohérent et non se présenter comme des actions éparpillées, ponctuelles et fragmentées.

    • Ils seront argumentés par des considérations de bon sens et d'efficacité.

    • Ils ne s'écarteront pas de la justification scolaire: nous voulons une éducation scolaire pour favoriser les apprentissages, pour faire agir et travailler les élèves et soutenir les moins bien adaptés. On s'abstiendra d'explications très générales sur les « valeurs » et la « démocratie » ou le « développement harmonieux » etc... qui ne peuvent que susciter la méfiance ou l'indifférence.

    • Nos projets seront présentés à nos partenaires de façon explicite car nous sommes des professionnels qui n'ont pas à se cacher pour éduquer, ni craindre le contact, le questionnement, voire la contradiction. Pour y parvenir nous décrirons nos actions de façon intelligible pour tous et sans verbiage pédagogique.

    • Quand il s'agira de justifier notre fermeté et nos exigences, nous insisterons sur le fait que dans l'école il n'est pas possible de faire autrement compte tenu des conditions (non contournables) de notre enseignement (programmes, cursus, horaires, effectifs et locaux) et de la diversité des élèves (hétérogénéité). On expliquera bien que la possibilité d'apprendre quoique ce soit de scolaire implique des conditions préalables (attitudes, acceptation, renoncements) de la part des élèves. C'est l'occasion de redonner du sens à la formule qui a connu un grand succès: « apprendre à apprendre ». Elle ne signifierait pas seulement qu'il faut se donner des méthodes intellectuelles mais des règles qui dégagent le terrain pour l'activité intellectuelle: apprendre à se rendre disponible pour les apprentissages.


 

Les enseignants doivent-ils donner l'exemple en respectant eux-mêmes leurs propres règles?


 

On peut s'étonner de cette question, le parallèle entre élèves et enseignants n'étant pas évident. Elle s'est posée à partir d'une anecdote présentée dans le groupe d'analyse de pratiques des directeurs: d'une part on fixe un rituel de retour en classe après la récréation, d'autre part un enseignant retourne dans sa classe avec sa tasse de café à la main. La question s'est posée de distinguer les cas où un adulte exerce des prérogatives normales et ceux où son exemple serait désastreux. Imaginons que, tasse à la main, il tente de ramener le silence dans la classe en disant: « taisez-vous, nous ne sommes plus en récréation ». Pourquoi cette conduite serait-elle nocive? Parce que les temps de coupure (partir en récréation puis revenir travailler) valent de part et d'autre. Ils sont aussi nécessaires à un enfant qui doit reprendre sa posture d'élève qu'à l'adulte qui se remet dans son rôle en revenant devant les élèves, ses comportements dans la salle des professeurs, hors de la présence des élèves, ne relèvent que des conventions entre adultes.

A partir de cet exemple, plusieurs situations ont été évoquées: le langage de l'enseignant, sa façon de s'habiller, ses gestes, le rangement de ses affaires de travail etc... Ces aspects sont sensibles et débouchent toujours sur des constats utiles. On s'aperçoit que l'exemple donné par l'adulte peut soit renforcer l'action éducative, soit l'affaiblir ou l'annuler.


 

Faire l'état des lieux des pratiques d'éducation scolaire déjà en usage dans l'école.


 

Débutons par l'évidence: on ne part jamais de rien, il existe toujours, nécessairement, de l'éducatif scolaire sinon il n'y aurait pas d'école du tout!

Certains collègues réagissent à la proposition en disant : « on le fait déjà ». Cela rappelle qu'il y a de « l'existant » et nous invite à un inventaire précis de ce qui se pratique. On évite ainsi de présenter ce type de projet comme une parfaite nouveauté et de donner le sentiment de le parachuter.

Pour réussir cet état des lieux, le directeur a intérêt à disposer d'une liste très simple de toutes les situations de la vie scolaire éducativement sensibles ou significatives, que cela concerne le déroulement de la journée, les moments importants de la semaine, du trimestre et de l'année, les différents lieux des activités, les appuis règlementaires (vie de classe, règlements de cour ou d'école etc...).

Ensuite on peut assigner à chacun des termes de cette liste un coefficient de réalité ou d'efficacité, par exemple:

    • ce point est acquis, pratiqué collectivement et de façon continue

    • il n'est pratiqué que partiellement

    • il a été mis en œuvre mais abandonné

    • on a parlé de cet aspect mais sans rien décider

    • c'est un aspect auquel on n'a jamais pensé

De cette façon on parviendra à décrire de façon convenable une situation qui n'est généralement pas appréhendée collectivement. Il est assez facile de dégager les priorités du projet à partir de cet inventaire.


 

Assurer la continuité éducative avec deux enseignants sur la même classe


 

En dehors de tout projet d'équipe, la continuité du cadre éducatif sur une classe avec deux maîtres constitue déjà un problème à résoudre; L'existence d'un projet collectif ne peut être que facilitateur. Chacun des deux maîtres a bien conscience d'appartenir à une instance plus collective et cela atténue les éventuelles divergences avec le partenaire; Si celles-ci se manifestent malgré tout, le directeur fera apparaître les avantages de la cohésion. D'une part, les élèves n'essaieront pas de profiter des « différences » entre leurs enseignants, d'autre part, l'adoption d'un cadre éducatif continu est économique; les automatismes sont installés, il n'y a pas de rappels à effectuer.

A l'occasion des régulations d'équipe, le directeur pensera à demander comment se passent les choses dans les classes où interviennent deux collègues.


 

L'effort à produire pour le travail éducatif ne va-t-il pas retarder les apprentissages?


 

C'est une question à double face. Côté enseignant s'exprime la crainte de passer trop de temps aux installations éducatives. Côté élèves, il est certain que pour certains, « devenir élève » demande un tel investissement qu'il ne reste que peu d'énergie pour les travaux eux-mêmes.

Dans les deux cas nous invitons nos collègues à regarder la situation avec objectivité.

Un enseignant est toujours pressé d'obtenir des résultats, ce qui peut l'amener à abréger le temps nécessaire pour « fabriquer » de l'élève. Si, pourtant, il souhaite travailler dans le bon ordre, il doit être convaincu de la nécessité d'une construction en deux temps; Entre la déception et la patience il est tout de même assez simple de choisir. Pour l'élève, peut-on vraiment penser que les apprentissages ralentissent quand il apprend à se conduire comme un élève? Il est exact que cela demande du temps et pour certains, l'essentiel de l'énergie; Pendant cette mise en place, les apprentissages seront forcément lents et modestes. Il faut considérer la formation de l'élève en tant que tel, comme un investissement pour les apprentissages ultérieurs.


 

Comment réguler, avec l'équipe, le projet dans la durée.


 

Il s'agit d'un type d'action caractérisé par la longue durée; Sans limitation même, puisque les élèves nouveaux qui arrivent doivent en bénéficier.

Pour les élèves, le progrès est lent et marqué par des étapes: ils ont toujours à devenir élève, mais en petite section, au CP et au CM, cela ne se présente pas pareil. Pour les enseignants, il faut se convertir à la longue duré; on ne fait pas une « expérience » momentanée que l'on pourrait abandonner. Si les résultats sont trop minces, on se décide à renforcer l'action et on persévère.

Pour soutenir cette trajectoire durable, les bilans périodiques (au moins une fois par trimestre) en conseil des maîtres s'imposent.

A chacune de ces mises au point, le directeur s'appuie sur une liste de points de contrôle:

    • tester l'implication des collègues; Elle est variable d'une personne à l'autre. On s'assure que la volonté n'a pas faibli, on constate d'éventuels décrochages et on en cherche les causes.

    • Mesurer les résultats obtenus et relever les attitudes diverses des élèves: adaptation, opposition, résistances. Parfois des refus. On ne doit pas s'étonner des difficultés. On note bien sûr les effets positifs sur le travail scolaire et la conduite sociale.

    • Mesurer le temps investi pour l'éducation scolaire, pour tel de ses aspects et pour l'ensemble. Est-ce perçu comme trop coûteux? acceptable? rentable?

    • Repérer les actions qui nécessitent une consolidation. Introduire de nouvelles actions.

    • Faciliter l'appropriation par chaque collègue du projet en s'aidant de l'échange d'expériences (un collègue présente aux autres sa façon de faire sur une action précise)

    • analyse collective des obstacles rencontrés: chacun est invité à donner ses interprétations.


 

Lancer le travail dans l'équipe sans « faire peur ».


 

C'est peut-être, pour le directeur, le moment le plus délicat. Les craintes des enseignants sont connues: trop de travail, des résultats incertains, l'aspect collectif reçu comme contraignant...

Le temps d'installation peut être assez long car il faut expliquer pour convaincre. Pour que nos collègues nous prennent au sérieux, nous devons exprimer notre conviction, présenter des arguments et indiquer que nous suivons une méthode par étapes.

On facilitera l'adhésion en respectant une diversité et une hétérogénéité normales dans une équipe: tous n'auront pas au départ le même degré de conviction ni la même énergie à fournir sur ce projet. Il faut accepter de démarrer dans ces conditions.


 

Est-ce un projet pour le groupe-classe ou individualisé?


 

La différenciation est à la mode. Toute démarche d'éducation, pense-t-on aujourd'hui, doit viser en premier les individus. Ce n'est pourtant pas la vocation du projet que l'on défend ici. La première raison en est que tous les élèves sont concernés. Les enseignants qui ne nient pas l'hétérogénéité quand il s'agit d'adopter les attitudes scolaires soulignent de plus en plus souvent que la résistance à devenir élève se généralise. Ce qui n'est pas étonnant si on tient compte de la fragilisation de l'éducation familiale et de l'extrême tolérance, voire du laxisme, des discours sociaux.

Notre démarche vise donc d'abord la mise en place d'outils, de techniques visant le collectif. Même si nous savons qu'il nous faudra être plus insistant auprès de quelques élèves, c'est d'abord le cadre dans lequel ils évoluent tous qu'il faut renforcer.

Pour les élèves les plus difficiles, il nous faut d'abord un cadre collectif pour travailler ensuite de façon plus individualisée. On ne fabrique pas de règles pour eux spécialement, on les conduit, progressivement, à se placer dans des repères existants.


 

Faut-il présenter ce projet aux parents? Leur demander un soutien? Comment effectuer cette présentation?


 

Certains collègues, très pointilleux sur leur indépendance, mettent en doute la nécessité ne serait-ce que d'informer les familles; Mais une information minimale relève d'une stratégie pratique: il faut éviter l'incompréhension, la mauvaise interprétation de notre action et, éventuellement, obtenir un appui.

Pourquoi craindre ces oppositions? Parce que nous touchons à cette vaste sphère éducative que tout le monde revendique de nos jours et pour laquelle chacun se déclare compétent. Mais aussi parce qu'il s'agit d'une orientation éducative qui va dans les sens de « davantage d'autorité ».

Voici une série de mises en garde qu'il faudra bien intérioriser à chaque fois que nous évoquerons (da façon officielle ou occasionnelle) notre projet devant des parents:

    • nous ne sommes pas dans l'innovation, la nouveauté.

    • nous ne faisons pas des expériences.

    • c'est de façon logique que nous agissons, parce que nous en avons besoin.

    • notre volet éducatif est spécifiquement scolaire, nous ne sommes pas dans l'éducation « en général ».

    • nous sommes dans le cœur de notre métier; être enseignant c'est préparer les enfants à être élèves et les soutenir pour qu'ils le restent.

Que pouvons-nous demander aux parents pour faciliter notre action?

De bien admettre que nous ne pouvons pas faire autrement. Et c'est sans doute la limite de nos attentes. Pour ce qui est de nous soutenir, ce serait trop espérer car nous n'avons pas prise sur l'éducation familiale. Mais une information simple et assez précise nous évitera beaucoup de complications.


 

L'élargissement hors de l'école de ce projet: est-ce possible? Avec qui et comment?


 

L'éducation des enfants est une affaire collective et c'est la participation de la société dans son entier, selon des valeurs unifiées, qui peut réussir; Nous en sommes très loin. Cela ne doit pas décourager des initiatives locales qui sont à prendre dès que l'on perçoit un terrain favorable; Le plus simple est de commencer par les organisations du « premier cercle »: restauration scolaire, accueil péri-scolaire; Le second cercle, plus difficile à impliquer, concernerait les clubs, sportifs et culturels, qui dépendent de la municipalité ou d'associations. Il est plus facile de prendre contact avec les responsables et les animateurs de ces activités à partir du moment où on a déjà un peu avancé et réfléchi dans l'école. Pour le « premier cercle », cela devrait être plus facile, plus naturel. Nous savons déjà que dans la restauration et les accueils, beaucoup de difficultés liées à l'encadrement éducatif sont constatées. Les encadrants de ces lieux seraient souvent soulagés si on leur proposait de s'associer pour renforcer la continuité éducative car ils sont plus isolés qu'on ne le pense; On essaiera de les mettre en confiance car ils ne sont pas à l'aise avec les enseignants. Le ton sur lequel on s'adresse à eux pour leur proposer une démarche en commun, le langage employé (sans jargon) sont indispensables pour obtenir une collaboration sûre;


Date de création : 14/06/2012 @ 09:28
Catégorie : ACTIVITES - Directeurs
Page lue 1502 fois
Précédent  
  Suivant

Recherche
Recherche