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Les parents et l'école: un souci nouveau pour le formateur.


 


 


 


 

Les formateurs d'enseignants ont été pendant très longtemps dans une familiarité satisfaisante avec leurs missions. La première d'entre elles consiste à transmettre aux enseignants les attitudes ou les gestes essentiels du métier et à acquérir de bonnes pratiques efficaces. La seconde leur confiait la responsabilité de répandre les innovations préconisées par l'autorité administrative, de défendre et de propager les réformes devenues très fréquentes.


 

Ces deux tâches se sont progressivement compliquées pour eux au long des dernières décennies. Le savoir-faire traditionnel des « maîtres d'école » s'est trouvé dévalorisé comme beaucoup de compétences artisanales d'ailleurs, le mouvement de l'innovation s'est amplifié jusqu'à devenir incessant, tel une « révolution permanente » qui ne laisse pas de répit. Peu à peu les enseignants sont devenus moins sûrs de leur méthode, moins confiants dans leurs techniques et ils ont manqué de la durée suffisante pour les affermir. Les changements continuels ont également accrédité l'idée qu'au fond rien ne pouvait être établi et que les choix pédagogiques étaient toujours réfutables et contestables.


 

Une troisième difficulté semble faire irruption au cours d'une période plus récente. Elle se manifeste à l'occasion d'une plainte, ou d'un malaise, exprimés par les enseignants dans diverses situations de formation. Cette plainte n'est pas rattachée à une insuffisance ressentie sur le plan de la technique du métier mais sur les conditions dans lesquelles il s'exerce.


 

Le cas que nous allons présenter et examiner ici concerne une difficulté, d'une assez grande intensité semble-t-il, ressentie par des directrices d'écoles maternelles dans leur relation aux parents d'élèves. C'est dans le cadre des réunions de notre groupe d'analyse de pratiques consacré aux formateurs que cet exemple a été introduit.


 

Les directrices, réunies pour une formation consacrée aux relations entre les familles et l'école, font part à la formatrice qui les a invitées à spécifier les problèmes rencontrés, d'un état de fait qui ne cesse de progresser et qui peut se résumer dans un premier temps comme suit: de plus en plus nombreux sont les parents qui se comportent à l'égard de l'école comme des clients, ou des consommateurs. Cette attitude surprend et déstabilise les enseignants. Ils se sentent à la fois incompris dans leur métier et désarmés par rapport à des réponses éventuelles. Il en résulte un sentiment d'abandon et d'impuissance que la formatrice elle-même ressent intensément. Elle se pose alors la question d'une réaction utile et efficace.


 

Notre développement, assez limité, ne va pas s'aventurer dans la description détaillée des comportements nouveaux des familles par rapport à l'école. C'est un chapitre abondant car ces comportements, même s'ils aboutissent au même effet sur les enseignants, constituent un ensemble varié d'attentes et de revendications nouvelles qu'il convient de présenter à l'unité. Cette présentation des attentes des nouveaux parents devrait être accompagnée en outre d'une recherche sur les évolutions sociales beaucoup plus larges concernant d'une part la place de l'école, d'autre part les changements dans l'éducation familiale, toutes choses qui ont fait émerger ces nouvelles attitudes.


 

Étant donné que nous devons nous concentrer ici sur les tâches du formateur, on dirigera notre réflexion sur l'attitude souhaitable de ce dernier au moment où il se sent concerné par la réaction des enseignants.

Il s'agit de fournir quelques principes permettant de soutenir une situation pour laquelle notre expérience antérieure ne nous a pas outillés.


 

Débutons par ce qu'il faut éviter: le complexe de supériorité qui consiste à regarder les enseignants avec hauteur; Cette attitude est plus fréquente qu'on ne le croit et elle s'est beaucoup répandue dans notre pays chez des cadres intermédiaires et supérieurs de l'éducation ainsi que dans le milieu de la représentation politique; On se montre condescendant envers ces professeurs que l'on déclare inadaptés, en marge d'évolutions qu'ils ne comprennent pas, trop attachés à des représentations périmées, retardataires etc... Certaines transformations de la société troublent tout le monde, mais il existe des gens (occupant malheureusement des places à « responsabilités ») qui s'affichent « au-dessus » de cela et taxent d'incompétence ceux qui se plaignent .

Le formateur d'enseignants qui se laisserait gagner par ces considérations perdrait tout crédit aux yeux des enseignants qu'il veut aider.


 

Se méfier d'un excès d'empathie est un réflexe à adopter. Pourquoi? Est-ce à dire que nous devrions rester à distance de ceux qui se plaignent? nous montrer insensibles et froids? Non, mais simplement, passé le moment d'accueil et d'écoute, ne pas rester sous l'emprise des émotions. La plainte est contagieuse et le formateur qui se laisserait trop durablement et trop profondément capté, oublierait son rôle et quitterait sa place pour se fondre dans le concert du chagrin et du regret.


 

Bannir l'approche de la difficulté par un discours de type universitaire: « je vais vous donner les connaissances en sociologie dont vous manquez pour comprendre les phénomènes que vous observez et qui vous causent tant de misère »; On se met alors à allonger des exposés sur les nouveautés de la famille et de la parenté, sur les attentes actuelles des parents d'élèves par rapport à l'école. Comme si nos enseignants, et ici particulièrement nos directrices d'écoles maternelles, ignoraient toutes ces modifications alors que c'est précisément l'étonnement devant celles-ci qui les émeut autant.

Notons d'ailleurs au passage – c'est un peu malicieux – que la production toujours plus volumineuse et raffinée de descriptions savantes sur les transformations de nos mentalités ne paraît pas avoir produit une action plus efficace s'agissant de tous les professionnels de l'intervention sociale.


 

Ces diverses positions de maîtrise ou d'empathie fusionnelle ayant été repérées pour mieux s'en défaire, nous allons nous attacher maintenant à construire pour le formateur une attitude permettant l'aide et le guidage des directrices en respectant ce que nous allons appeler le principe de réalité.


 

La première aide à apporter à nos interlocuteurs concerne la reconnaissance de « l'état de fait »: « oui c'est bien ainsi que se comportent un nombre important de familles aujourd'hui ». Le formateur doit admettre et en donner témoignage. Mais ce n'est pas tout, il faut encore préciser deux choses. La première pourrait s'énoncer ainsi: «  je trouve tout à fait normal que vous soyez blessés par cette attitude ». La seconde est un jugement de valeur sur les attitudes des familles. « Non, ce n'est pas de cette façon qu'ils devraient se comporter, on ne peut pas trouver normale cette façon de faire ».

Cette démarche, préliminaire, est aidante en ce sens qu'au lieu de culpabiliser les directrices à propos de réactions compréhensibles, on légitime celles-ci. Le formateur se trouve donc mieux placé pour les opérations suivantes car il n'est pas compromis dans un déni.


 

Dans un deuxième temps on se pose le principe de réalité lui-même: même si les faits sont insupportables, ils s'imposent à nous. Ils sont notre réalité actuelle (pas notre idéal). Dans la mesure où nous envisageons de conserver notre fonction, nous avons à les regarder en face.

Ensuite nous pouvons effectuer une opération qui souvent ne va pas de soi car elle consiste à opposer un risque grave à un moindre mal. Le risque « grave » c'est la « politique de l'autruche », je ne veux pas voir la réalité, je nie ce qui me dérange, je me réfugie à la limite dans l'évocation de situations idéalisées. Je passe alors beaucoup de temps à déplorer l'état du monde (cela demande une énergie qui ne sera pas utilisée à l'action). Ce raisonnement n'est pas admis par tous les êtres humains car il demande des sacrifices psychiques. Mais quelqu'un qui veut soutenir une position éthique de formateur a intérêt à le tenir.


 


 

Quatrième considération à avancer: le sacrifice de l'idéal pour le réalisme ne veut pas dire l'acceptation du fait et donc ne nous oblige pas à rester passif sur les terrains où nous pouvons combattre les perversions sociales; Les enseignants ont toujours la possibilité, collectivement et à l'aide d'outils politique, syndicaux, associatifs, de se constituer en groupes de force pour faire changer l'école. Ils l'ont un peu oublié, ou sous-estimé, mais cette possibilité demeure ouverte en l'état actuel de nos institutions. Est-ce à dire que le formateur se transforme en agitateur politique? Pas du tout! Il rappelle la distinction des terrains, des responsabilités et se trouve d'autant mieux à son aise pour faire ce qu'il peut faire avec les gens qu'ils forme ou aide; Que l'on se décide à affronter la situation professionnelle sur le terrain, au jour le jour, ou que l'on s'avance sur le terrain social et politique, dans les deux cas nous trouvons un aspect identique: la décision d'agir. L'implication dans l'action est préférée à l'imagination.


 


 

La cinquième dimension de l'aide, nous l'appellerons la réappropriation de l'outil de travail. Il existe des moyens, professionnellement définis, permettant à des enseignants et à des directrices d'écoles maternelles, de reprendre la main, de retrouver leur compétence professionnelle, au moment même où elle paraît remise en cause.

Le formateur s'efforcera alors de convaincre que cette domination des parents peut être contenue, limitée, à condition que les enseignants décident d'occuper leur place à eux. Celle-ci est forcément très professionnelle, elle s'appuie sur des savoir-faire de métier et s'exerce dans le cadre des moyens, des outils et des responsabilités que les règles administratives ont elles-mêmes fixés.

Pratiquement il s'agit de renverser une situation de victimation dans laquelle les directrices et enseignantes des écoles maternelles sont prises pour cibles, pour obtenir une nouvelle configuration dans laquelle ce sont les professionnelles qui définissent le cadre et « les règles du jeu » et les présentent aux familles.

De quels points d'appui disposent-elles pour cela? Le formateur va les aider à construire l'inventaire de toutes les situations qui s'y prêtent en commençant par les obligations règlementaires. Il existe en effet plusieurs occasions permettant aux enseignants de s'adresser aux familles en tant que professionnels revêtus de l'autorité (autorité fondée sur la compétence, sur l'expérience et non autoritarisme arbitraire). La directrice reçoit les parents pour les inscriptions, les enseignants les accueillent pour les réunions dites « de classe » (parfois appelées, remarquons-le, « réunions de parents »), l'école réunit son conseil une fois par trimestre; autant de circonstances à mettre à profit pour exposer ce que l'école maternelle est, plutôt que se faire reprocher ce qu'elle n'est pas.

Au-delà de ces circonstances prévues par le réglementation, la directrice et son équipe ont toute latitude pour créer d'autres occasions. Les accueils préparatoires à la rentrée qui se déroulent en mai-juin sont un bon moment pour faire connaître la vie scolaire et les buts de l'école, pourvu que l'on donne à ces occasions les contenus et le ton qui conviennent. Les « portes ouvertes », expositions et plus généralement toutes les opportunités qui mettent en contact les familles avec l'école, seront pensées en fonction du but que nous proposons: pas seulement du temps de convivialité sociale (ceci n'est pas à rejeter) mais des points d'appui qui font passer un message clair et appuyé sur l'intention des enseignants de demeurer maîtres de leurs objectifs.


Date de création : 21/02/2012 @ 17:34
Catégorie : ACTIVITES - Formateurs
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