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Quatre thèmes essentiels dans un groupe d'analyse de pratiques


 


 

C’était la fin de l’année scolaire 2010-2011 et c’était un peu l’heure où l’on fait le « point » avec : les enfants en difficulté ; l’état des relations avec les familles (ceux qui « blindent », ceux qui « fuient », ceux qui « manipulent »), les relations avec les collègues, avec soi-même (regards portés sur soi, sur nos « petits arrangements » avec nous-mêmes pour nous ménager, parfois pour nous protéger: le mi-temps annualisé, la gestion des postes dits spécifiques, les motivations à trouver ...).


 

Les enfants en difficulté : Pendant toute l’année, chacune de vous a cherché comment « venir en aide » à tel ou tel enfant pour l’encourager à devenir « élève », à « colmater » les brèches, à redonner confiance à ces enfants fragilisés qui peinent à endosser ce costume d’élève que nous avons pour mission de leur faire porter. Une lourde charge que l’enseignant doit accomplir jour après jour sachant qu’il ne sera qu’un maillon d’une longue chaîne qu’est la scolarité dans sa globalité ! Tout au long de l’année, l’enseignant mène ce projet dans une dynamique « porteuse » d’espoirs et à l’heure de passer le relais, il n’est pas rare d’être pris par les doutes sur les résultats tangibles de cet investissement auprès de ces enfants. Nous le savons pourtant : nous ne représentons qu’une petite parenthèse dans la scolarité d’un élève mais lorsque celui-ci est en « difficulté », nous ne pouvons pas nous empêcher d’espérer que notre « aide » lui permettra de se trouver propulsé dans le système scolaire qui, jusqu’alors, le tenait à distance.

Déception et découragement ne doivent pas occulter les « petites victoires », celles qui étaient réellement à notre portée dans ce laps de temps balisé !

Pouvoir se dire que même si les difficultés demeurent, il n’y a pas eu de régression du niveau scolaire; que l’enfant « perturbateur » a réussi à être canalisé un minimum pour lui permettre de réintégrer le groupe classe en tant qu’acteur « social » ; que nous avons su garder suffisamment de « bon sens » pour préserver, avec les moyens qui sont les nôtres, tel ou tel enfant des stigmates générés par ses difficultés ; que nous avons réussi à prendre la distance nécessaire avec tout ce à quoi nous renvoie cet élève en difficulté pour ne plus se sentir « parasités » voire même « vampirisés » ; que nous sommes désormais en mesure de lister les progrès enregistrés tout en ne se focalisant plus uniquement sur les lacunes ou difficultés comportementales persistantes …

Tout ceci revient juste à accepter nos limites et à ne pas « bouder » nos modestes mais réelles avancées.


 

Les relations avec les familles : Là aussi, à l’heure du bilan, un goût amer semble s’imposer et quelques vieux relents de lassitude remontent en flèche !

Combien de fois sommes-nous partis en campagne pour obtenir l’adhésion des parents, indispensable à la mise en place de telle ou telle aide ? Que d’énergie déployée pour convaincre, que de déceptions à suivre lorsque nous pensions avoir « remporté  la victoire » et que nous devions réaliser peu après que rien de précis n’avait bougé ou même que la relation parents-enseignant était désormais « pipée » !

Ces parents que nous estimons prêts à adhérer au projet d’aide élaboré (parfois avec peine) et qui font volte face font naître de réelles désillusions chez l’enseignant. Ce dernier ne comprend pas ces arrêts soudains, ces fuites, ces dénis qui annihilent son action et le nombre de situations qui se terminent ainsi est suffisamment important pour décourager durablement les initiatives.

Ce qui prédomine alors, c’est l’impression d’avoir perdu son temps, d’avoir été empêché et de ne pas « aider » efficacement l’élève en question.

Dans la majorité des cas, nous nous arrêtons à cet « échec » et nous nous évertuons à émettre des regrets sur l’attitude parentale.

Ne pourrait-on pas essayer, non pas sur un cas précis, car l’affect ne nous y autorise pas, mais sur une approche plus générale, de réfléchir sur les conditions à respecter pour voir minimiser de tels risques ?

Nous devons déjà faire preuve d’une certaine prudence pour ne pas précipiter les choses : les parents ont besoin de temps (parfois même beaucoup) pour prendre la mesure des difficultés de leur enfant et notre empressement à intervenir peut faire peur. L’enseignant est pressé (là aussi, l’échéance annuelle prend le pas sur la raison !) et il voudrait croire que son analyse de la difficulté et ses propositions d’aide vont être spontanément comprises par les parents. Certes, il va prendre le temps d’exposer à la famille l’ensemble du diagnostic effectué et les solutions envisagées mais souvent comme si cette dernière avait la même expertise que lui sur le domaine et le même « détachement affectif », il ne réalise pas toujours l’effet produit et les conséquences à venir. Devant ces familles, avant toute chose, il est préférable de chercher à savoir (en fonction de ce que nous connaissons ou percevons de ces familles) ce qu’elles sont vraiment « prêtes » à entendre, jusqu’où on peut aller sans prendre le risque de les blesser, de les « perdre » car en leur forçant la main, nous pouvons soulever des angoisses comme celle de se voir (en tant que parent) dépossédé de son autorité parentale. Certaines familles se rétractent si notre empressement est vécu comme une forme d’inquisition. L’enseignant ne perçoit pas toujours ce qui se passe alors car il est polarisé sur son objectif d’aide comme si celui-ci était une entité en soi. Dès que nous ne traitons plus la situation comme une affaire personnelle, nous réalisons alors que les facteurs Temps et Prudence sont déterminants sur le cours des choses si nous voulons pouvoir aller jusqu’au bout et que l’accélération peut réduire notre crédit à néant. Il faut alors accepter de ne pas aller plus loin que les fondations et considérer que le reste du chemin se fera avec un autre collègue ou ne se fera pas. Difficile de se convaincre du bien fondé d’une telle suggestion si l’on demeure persuadé que notre seule compétence devrait suffire pour venir à bout de toute réticence familiale à suivre aveuglément nos propositions. Pourtant, les parents de ces enfants ont une histoire scolaire assez fréquemment chaotique, des blessures rarement cicatrisées et qu’on le veuille ou non, il nous faudra compter sur ce paramètre pour les aborder. Cela constitue une limite et un frein dans notre calendrier mais opter pour une occultation du phénomène nous conduit assurément à une certaine frustration en lien avec les « fuites », les dénis… seules ripostes possibles pour ces familles « bousculées ».

Puis, il y a les familles très impliquées (en apparence) et qui, pour quelques unes, vont habilement prendre la main et vous « manipuler ». Ces cas là méritent d’être signalés car, à vous écouter, il me semble bien qu’ils soient en nombre croissant. Réaliser que les parents ont réussi à vous étourdir (n’hésitant pas pour ce faire à vous flatter) laisse un goût très désagréable et touche votre « ego » mais plus grave, cela se fait souvent au détriment de l’enfant ! Combien de fois avons-nous évoqué des situations d’enfants « utilisés » par un de leurs parents pour « se faire prendre en charge par l’enseignant de son enfant » ? Ces parents qui profitent de l’intérêt porté à leur enfant pour venir parler d’eux, qui sont à l’initiative des rendez-vous… peuvent avoir diverses motivations. Certains recherchent une écoute bienveillante et sécurisante, d’autres dressent des fortifications pour ne pas à avoir à interroger leur modèle éducatif… Attention, il peut y avoir danger pour les enseignants qui se laisseraient prendre dans ce type de dérives. La prudence est recommandée et une mise à distance préservera l’enseignant. Mais, il faut savoir que le projet d’aide à l’enfant ne sera pas aisé à conduire dans ce genre de contexte.

La relation avec les parents lorsque nous touchons à la difficulté scolaire est un exercice périlleux où l’enseignant doit avancer avec maintes précautions, une grande vigilance et toujours sur des projets extrêmement modestes. La marge de manœuvre de tout enseignant est strictement balisée et donc réduite : simple constat qui nous renvoie, cette fois encore, à nos limites.

C’est peut être en prenant acte des limites du cadre réel dans lequel nous aurons à agir que nous deviendrons « lucides» au sens où nous ne tendrons plus vers un idéal professionnel utopique et où, a contrario, notre marge d’efficacité sera optimisée. Nous insisterons davantage sur les conditions possibles à mettre en œuvre pour faciliter l’engagement familial à nos côtés dans ces démarches d’aide et non plus sur la nécessité d’obtenir une adhésion factice permettant de répondre aux injonctions administratives (accord signé des parents pour la mise en place de tel ou tel dispositif).


 

Les relations avec les collègues : Elles ne sont pas souvent placées au premier plan et pourtant tout laisse à penser qu’elles sont très loin d’être négligeables. Justement, la fin de l’année donne l’occasion d’y réfléchir, de prendre la distance nécessaire pour s’autoriser à libérer la parole car tout au long de l’année, on est pris par l’action et on balaie les interrogations sur cette relation aux collègues (à l’exception des temps de crise). Le déclenchement est rapide lorsque nous nous tournons vers le travail en « équipe ». De grandes disparités existent sur ce point selon les écoles, selon les directions et enfin selon les caractères individuels.

Pour travailler en « équipe », il faut en dégager le sens et cela ne peut pas se décréter par simples instructions ministérielles. Certes, elles ont leur raison d’être mais elles laissent le champ d’investigation aux acteurs pour la mise en œuvre. Chacun sait qu’il devra inévitablement accepter les compromis nécessaires pour une application collective mais rien ne garantit que tout un chacun puisse se retrouver dans ce qui est assez fréquemment une cote mal taillée. Il y a ce qui « correspond » globalement à notre ligne générale et à nos aspirations personnelles puis il y a aussi des choix opérés qui ne correspondent pas du tout à ce qui peut faire sens dans notre enseignement. Avoir à rentrer dans des modes de fonctionnement qui ne font pas sens ou qui vont à l’encontre des priorités que nous avions faites « nôtres » alimente les rancœurs ou du moins nourrit un sentiment d’insatisfaction. Les tensions accumulées tout au long de l’année ou d’une année à l’autre génèrent des sources d’agacement qui au fil du temps peuvent se transformer en animosité. Ce sont des moments « charnière » où ces compromis subis finissent par mettre en relief les petits travers de nos collègues (ex : La surenchère entre collègues pour plaire aux parents…). Arrive alors ce moment où l’on s’interroge sur notre place au sein de l’équipe et il y a source d’embarras face au choix à faire : rester ou tenter l’aventure ailleurs ? Qu’est-ce qui nous retient vraiment ? Cela nous amène à réfléchir sur nous même, sur notre attitude et sa cohérence ou incohérence…oser une petite introspection que nous avons parfois peine à initier.


 

« Regards » sur soi : La fin d’année scolaire est perçue comme un palier avant d’entamer le prochain étage donc un temps de réflexion possible à investir pour faire le point de là où l’on se trouve : ses états d’âme sur le métier, sur sa place, sur ses motivations ou démotivations…

On revient alors sur les choix opérés et l’heure est venue d’y regarder de plus près.

Le choix du mi-temps annualisé : positif sans aucune hésitation car il a permis l’accès à un équilibre recherché depuis longtemps. Oui mais ? Justement, ce choix peut se révéler précaire et alors, mon équilibre ?… C’est donc l’hésitation : prendre l’option « fataliste » (on verra bien) ou commencer à analyser la situation pour profiter de ce sas et travailler sur soi, sur les capacités à développer pour essayer de faire en sorte que cet équilibre puisse être conservé en tout état de cause. Le plan est tracé mais tout reste à faire ! La fatigue de fin d’année nous fait hésiter à trancher et le temps des vacances fournira peut être une période plus propice à l’introspection !

Le choix d’augmenter son temps travaillé pouvant aller jusqu’à une reprise à temps plein : Il se fait souvent suite à une certaine frustration nourrie par les imperfections du temps partiel. Il n’est pas rare de faire le constat qu’à mi-temps, l’enseignant fait beaucoup plus qu’un mi-temps (nécessité du service et investissement personnel) pour réaliser (dans certains cas) que cela ne garantit absolument pas sa « place » dans l’école. La reprise d’un temps supérieur est donc validée sur ce point mais elle est souvent accompagnée d’un bémol sur l’endurance, la disponibilité nerveuse qui représentaient de réels aspects positifs sur le mi-temps.

Les interrogations sur le métier : Tout au long de l’année courent des « bruits » divers sur des réformes et cette année, on a perçu des remous autour du devenir de l’école maternelle.

Enseigner à l’école maternelle sur une longue période de sa carrière rend l’enseignant particulièrement attentif à ces « bruits de couloirs » (surtout lorsque ceux-ci deviennent persistants). On ne peut pas terminer une année scolaire où les enseignants sont déjà dans la projection de l’année à venir sans s’arrêter sur ces hypothèses et inévitablement, on a nécessité à se lancer dans une rétrospective car on a besoin de comprendre le sens de cette éventualité. Tout est remis en question car un tel danger potentiel ne peut assurément pas nous laisser indifférent. Pour repartir dans un nouveau projet, on a besoin de perspectives, pas d’incertitudes ! On regarde alors notre chemin parcouru dans cette école maternelle aujourd’hui menacée et les questions galopent. Qui va « trinquer » ? On se souvient des discours d’alors pour promouvoir l’école maternelle : l’égalité des chances… et on ne sait toujours pas ce qui va se passer !

Face à face avec soi même : La fin de l’année, lorsque l’on occupe un « poste dit spécifique » impose, de fait, une mise en forme de ce que l’on a réalisé autour de la population concernée par notre mission.

L’écrit nous apparaît comme le support le plus adapté pour consigner nos réactions, nos bilans et nos réflexions mais il nécessite une prise de recul avant de s’y plonger. Pendant la période transitoire, on se retrouve à « bouiner » (expression utilisée par l’enseignante elle-même) et on attend le moment propice. Cette période est délicate car nous ne sommes plus dans l’action auprès des enfants et pas encore dans le travail d’écriture. On a alors l’opportunité de suspendre notre implication, d’observer et d’écouter ce qui se passe autour de nous. On s’aperçoit très vite que notre position peut agacer, que nous essayons de nous justifier et cela d’autant plus que nous même, nous ne savons pas très bien si ce projet d’écriture aboutira ni à quoi et à qui il servira ! On sait que l’on aurait beaucoup de choses à dire, à partager mais avec qui ? Avec soi : sans doute car sur ce type de mission, nous n’avons pas d’interlocuteur réel pour nous aider à faire le point et même si nous savons que faire seul ce travail est insatisfaisant, on a besoin de le faire !

Avec les collègues, la hiérarchie: on souhaiterait les éclairer sur ce qui fait notre compétence en illustrant nos propos selon des thématiques. Mais en réalité, personne n’a manifesté le moindre intérêt pour ce type d’écrit : les collègues, parce qu’ils sont déjà préoccupés par leur démarche personnelle ; la hiérarchie, parce qu’elle n’a jamais fait le choix de structurer ces missions et que l’incertitude sur leur pérennité n’incite pas à l’investissement. Alors, on hésite !


 

Voilà où nous en étions en nous quittant en juin. Depuis: vacances, repos mais petites pensées vagabondes sur la rentrée qui s’annonce.

J’ai donc choisi d’attendre cette fin de période estivale pour vous envoyer cette petite rétrospective.


Date de création : 22/09/2011 @ 10:52
Catégorie : BILLET du MOIS - Débats
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