PRESENTATION
ACTIVITES
à Noter ...

Visites

   visiteurs

   visiteur en ligne

 

L'autorité de l'enseignant est défaillante, que peut le formateur?


 


 

La formulation de ce titre, un constat suivi d'une question, pose d'emblée la difficulté et sûrement les limites de cette situation pourtant fréquente. La conception hyper-pédagogiste du métier durant les dernières décennies nous prépare déjà assez mal à envisager, derrière les ratés de la conduite de classe, une lacune qui n'est pas à proprement parler technique mais plutôt de place et de manière de tenir celle-ci.

D'une part, la dépréciation de l'autorité en éducation, d'autre part l'engouement méthodologique et technique ont accoutumé deux générations au moins à l'idée que l'autorité n'était pas indispensable à l'exercice du métier et que le succès de celui-ci tenait essentiellement, sinon exclusivement, dans la maîtrise des outils appropriés.

Si on ajoute à ce tableau la référence à l'autorité dite « naturelle », bien qu'il soit difficile de comprendre d'où elle pourrait venir et surtout comment la transférer à ceux qui en sont dépourvus, on peut imaginer les obstacles qui se présentent maintenant devant celui, formateur ou conseiller, qui envisagerait une hypothèse différente: expliquer de nombreux échecs en classe par l'absence ou du moins la fragilité de l'autorité du maître et tenter d'y remédier.

Il n'est pas garanti que le formateur-conseiller se trouve toujours en mesure d'identifier cette situation. Comme tout un chacun, il est lui-même capté par les discours de son époque et peut très bien passer à côté de la bonne interprétation. Dans le cas où il soupçonne la carence d'autorité derrière les perturbations de la conduite de classe, il peut être aidé par le schéma d'interprétation et d'action que l'on va maintenant développer. Ces propositions mettent en forme des échanges qui ont eu lieu dans le cadre de la réunion mensuelle du groupe d'analyse de pratiques « Formateurs » de l'AAPIE.


 


 

I/ L'observation de la conduite de classe; la reprise en mains de celle-ci.


 

Les tendances pédagogiques modernes exigent que les savoirs ne soient pas imposés et que l'élève soit consentant et désirant. Il importe de l'intéresser, ce qui se traduit par une manière de faire la classe en offrant des situations variées, très ouvertes ou très globales, selon une temporalité souple. Il faut également ne pas se montrer normatif pour apprécier les résultats obtenus. Les élèves doivent échanger assez librement car, dit-on, les apprentissages horizontaux, par le réseau, sont très supérieurs aux transmissions verticales.

Ce tableau, très recommandable d'un point de vue théorique et idéal, peut souvent se dérouler sous les yeux de l'observateur-formateur, tout en créant une gêne: la vie de classe est plus bruyante qu'active, la liberté octroyée dégénère en transgressions et, de recul en recul, on acquiert la conviction que l'enseignant ne maîtrise plus le cœur de son action. Dans l'esprit de l'observateur l'idée se fait jour que, derrière des intentions respectables, c'est une forme de laxisme qui domine et que le rendement en est très affaibli.

Le formateur fait alors part de ses observations à l'enseignant. Si ce dernier les partage et exprime le souhait d'y remédier, il sera alors utile de proposer un style différent pour la conduite de classe. Ce style consiste à exprimer l'autorité, non pas dans des assauts verbaux mais par le moyen de techniques, de procédés tels que l'utilisation de consignes explicites, de situations concrètes, de programmes de travail courts, de durées d'exercices plus brèves, d'alternances rapides entre oral et écrit, activités collectives et individuelles. L'autorité sera également manifestée à travers les interventions appartenant au domaine éducatif: remettre à leur place les élèves qui franchissent les limites, le faire avec rapidité et netteté, ne pas tolérer les écarts de langage des élèves coléreux ou frustrés, pratiquer des sanctions justes mais stables et présentant un caractère institué.

D'autres améliorations, dans la même direction, vont permettre de réaménager l'espace, les circulations, les affichages, les ressources et outillages collectifs de façon à en permettre un usage réglé. L'intérêt d'une pratique simple mais précise de l'évaluation concourt aussi à ce recadrage.

Si on peut aller jusqu'à revoir la préparation de classe et certains aspects de celle-ci qui touchent directement à l'organisation du travail des élèves, il y aura beaucoup de profit à tirer pour un renforcement de l'autorité.


 


 

II/ L'observation du cadre éducatif, son resserrage nécessaire.


 

Alors que la conduite de classe est formée d'un ensemble de gestes techniques, le cadre éducatif est constitué par l'ensemble des règles, codes, usages, interdits qui fixent les possibilités et les limites de ce que chaque élève peut faire, compte tenu du fait que l'on se trouve à l'école, en priorité, pour les apprentissages. Cette précision qui a l'air d'une évidence est en fait très utile, elle souligne le caractère très contraignant du cadre éducatif et scolaire.

Ce cadre fixe les usages matériels (outils et supports), indiquant par exemple de quelle façon et quand on sort ses affaires du cartable, comment on présente ses cahiers, quelles sont les formes que prennent l'entrée et la sortie de classe etc... Il prévoit l'utilisation du temps: que peut on faire quand on a fini « en avance ». Il indique ce que l'on peut apporter à l'école comme objets personnels et limite strictement les conditions de leur usage etc...

Il garantit les relations, par la parole ou par le geste entre les élèves, ainsi qu'entre ceux-ci et l'enseignant. Cet aspect est sensible aujourd'hui pour un nombre important d'enfants qui se laissent facilement déborder par la violence corporelle. Concernant la parole, mentionnons bien sûr toutes les règles dites de « communication »: demander l'autorisation de prendre la parole, ne pas abuser de celle-ci, laisser l'interlocuteur achever son intervention (parler chacun à son tour), maîtriser le volume de la voix en fonction des circonstances (parler à voix haute, à mi-voix, chuchoter, rester silencieux). Les mouvements et les déplacements (se lever, se rasseoir, se déplacer, déplacer des objets) sont des actes qui, pour de nombreux élèves, doivent être appris. Il n'est pas choquant de devoir attirer l'attention à ce niveau du comportement.

Le cadre éducatif envisage bien sûr les sanctions, depuis l'observation ferme et la réprimande jusqu'à certaines privations ou interdictions. La prétention de certains idéologues de l'éducation à se passer de toute sanction relève de l'idéalisme et on ne peut pas encourager dans cette voie. Tout de même, à partir du moment où on prend conscience de sa nécessité, une vigilance quant au bon usage de la sanction est indispensable: stabilité des sanctions, adaptation à la faute, adaptation à certains cas particuliers d'élèves, sens social de cette sanction, d'une façon générale discernement dans « l'application des peines » (référence ici aux pratiques juridiques sociales).


 


 

III/ Présentation des références théoriques sur l'autorité: modifier les points de vue.


 

Les enseignants agissent à l'aide de principes ou d'idées soit implicites, soit explicites. Dans le premier cas, c'est à leur insu, à partir d'idées reçues, absorbées lors de leur exposition aux discours sociaux ou alors en fonction d'une histoire personnelle qui les fait réagir à des modes éducatifs subis (de la part de leurs parents). Dans le second cas ils sont capables d'expliciter leurs motifs, de se référer à une doctrine, à un auteur, à une formation qui les a marqués.

La constitution d'un corps théorique de références est, dans la période actuelle, assez compliquée. Le débat sur l'autorité est très actif, avec des conflits, des « exclusions », on n'est pas dans un période calme et cette atmosphère agitée a des effets sur la possibilité pour les enseignants de se constituer une doctrine stable.

Or, il se forme un lien direct, étroit, entre l'état, même contradictoire, confus, hésitant des références (conscientes ou pas) d'un enseignant et ce qui se déroule dans sa classe. C'est pourquoi le formateur, constatant certaines perturbations, cherchera à mettre à jour ces références.

De façon minimale et sans entrer dans le détail, il s'efforcera de repérer dans quelle configuration se trouve l'enseignant: est-il dans le déni, le rejet de l'autorité? A-t-il adopté une position hyper-autoritaire par réaction au laxisme social? Se trouve-t-il dans un balancement, une fluctuation qui l'amène à ne jamais vraiment trancher ou à osciller entre les deux pôles?

Un dialogue à ce sujet sera profitable. Dans la première phase on aidera notre collègue à percevoir dans quelle situation il se trouve, dans le second temps on lui proposera de reconstruire une conception plus stable et plus objective de l'autorité.

Pour atteindre ce but on met en valeur les effets positifs, structurants pour le développement de l'enfant, de l'autorité de l'adulte. Loin d'être une souffrance infligée injustement, l'autorité permet d'apporter la sécurité sans laquelle nos élèves ne peuvent que s'angoisser ou gaspiller leur énergie. On fait grand usage de l'expression « besoin de repères » mais, malheureusement, cette formule est mal comprise, on l'appauvrit. Le besoin se situe vraiment dans les limites strictes et permanentes et il est hors de question qu'il se les donne lui-même.

Un autre aspect de cet apport de l'autorité, c'est de préparer aux limites qui sont inhérentes à l'expérience humaine. Dans son rapport aux autres, au monde et à lui-même, l'homme fait en permanence l'expérience de l'impossible. Il faut le préparer très tôt et efficacement à cette déception ou frustration. Si ce n'est pas fait, on l'expose à des désordres parfois très sérieux.

Sur le plan strictement scolaire, considérons également que l'apprentissage n'est jamais couronné d'un total succès et, bien souvent, jalonné de nombreux ratages. Là encore, l'enseignant, avec compréhension mais fermeté doit pouvoir situer son élève exactement où il se trouve. Sans dramatiser l'échec mais sans non plus le « cacher » car, dans ce deuxième cas, c'est la tricherie qui s'installe avec la perte de confiance de l'élève dans ses enseignants.


 


 

IV/ Aider l'enseignant à clarifier ses positions idéologiques.


 

L'idéologie n'est pas la théorie. La théorie utilise des concepts que d'autres ont validés et qui restent critiques par rapport à eux-mêmes, on est alors dans la science. L'idéologie nous met, à l'inverse, dans la croyance par rapport à ce qui est diffusé, propagé, aujourd'hui avec une redoutable puissance par les médias. Il n'est pas exagéré d'avancer que ce qui se répand actuellement comme discours éducatifs, c'est de l'idéologie pure rattachée à des mots très sensibles comme « progrès » ou « expression » et « créativité ». Aussi entendons nous nos contemporains déclarer, tout au long des conversations sur le sujet éducatif qu'ils « sont pour ou contre » (les sanctions, l'autorité etc...), que « ça ne se fait plus » ou « qu'il faut bien moderniser »; tous ces jugements étant délivrés sans le moindre argument.

Les enseignants ne sont évidemment pas épargnés par cette légèreté et ils sont imprégnés, comme tout un chacun, par le discours « éducativement correct » dominant, bien que cela puisse leur coûter très cher dans l'action quotidienne. Toutefois, à la différence de « Monsieur tout le monde », ils ressentent confusément que ces préceptes plutôt laxistes ne produisent pas les bons effets et ils sont bien placés pour constater les inconvénients du déficit de l'autorité. Mais sans pouvoir dénoncer les faits et pour certains d'entre eux, sans être en mesure de les formuler clairement.

La tâche du formateur se rapproche ici du nettoyage théorique que nous avons évoqué précédemment. Elle consiste dans un premier temps à faire prendre conscience de la dépendance idéologique, puis dans un second moment, à faire apparaître que le malaise éprouvé provient d'une tension extrême entre ce que le métier exige que l'on fasse et la crainte d'être mal vu en le faisant.


 


 

V/ Le rapport subjectif de l'enseignant à l'autorité.


 

Indépendamment de ce qu'elle estime être ses idées ou des mots d'ordre de son époque, toute personne a un certain rapport avec l'autorité, qu'il s'agisse de la subir ou de l'exercer. C'est une conséquence de l'histoire singulière de chacun et en particulier un reliquat de la première éducation reçue en famille.

Cela ne dépend pas du métier, mais certaines professions activent particulièrement ce phénomène et, de toute évidence, celles qui ont pour but d'éduquer. Tant que nos activités ne réclament pas l'exercice bien caractérisé de l'autorité, nos antécédents demeurent dans « l'angle mort », on ne les aperçoit pas. Lorsque l'exercice de l'autorité nous échoit, les effets se mettent automatiquement en route et provoquent éventuellement des résultats très déplaisants. Le mécanisme demeure caché, inconscient, et il est parfois nécessaire que quelqu'un d'autre le soupçonne, nous aide à le mettre à jour.

Le formateur qui fait le constat de perturbations dans la manière d'incarner l'autorité devra penser à ce phénomène, surtout si les conseils de conduite de classe ne servent à rien, si les références théoriques restent lettre morte et que la prise de conscience idéologique ne se fait pas.

L'opération est difficile à pratiquer dans tous les cas et, pourquoi ne pas le dire, parfois impossible. Si on la tente, il est indispensable d'avancer avec respect et précaution. Nous ne sommes pas là pour changer les gens « malgré eux » et leur asséner des révélations sur leur rapport à l'autorité peut être totalement inefficace voire même renforcer l'état des choses. La confiance doit être gagnée d'abord afin que la personne ne se sente pas jugée de l'extérieur mais ressente plutôt que son interlocuteur l'aide à y voir clair.

Enfin, dernière difficulté et pas la moindre, il faut préalablement que le formateur-conseiller ne soit pas de son côté trop résistant sur ce sujet. S'il a pu, pour lui-même, clarifier cette délicate question, il se montrera compréhensif, évitera les pièges de la toute puissance et ne passera pas en force.


 

Pour conclure, il est utile de rappeler les deux raisons essentielles pour lesquelles l'exercice de l'autorité scolaire amène de si vives difficultés présentement. D'abord, première raison, parce que la poussée technologique et « scientiste » en éducation a considérablement sous-évalué la fonction éducative de l'autorité, jusqu'à prétendre que l'on pouvait peut-être s'en passer à condition de disposer du bon outillage didactique. Ensuite parce que l'autorité dont la composante symbolique est pourtant très forte en milieu scolaire (on l'exerce au nom des impératifs scolaires, de la loi sociale etc...) ne peut s'incarner qu'à travers telle personne singulière. Et, à ce niveau, nous devons compter avec des déterminations individuelles qui peuvent nous aider mais aussi nous rendre la tâche particulièrement difficile.


Date de création : 16/03/2011 @ 17:43
Catégorie : ACTIVITES - Formateurs
Page lue 1340 fois
Précédent  
  Suivant

Recherche
Recherche