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LE PASSAGE DE CLASSE ANTICIPÉ
 

La modification du parcours scolaire à l'école primaire, quand on veut prendre en compte des apprentissages plus rapides que la norme, suscite dans un bon nombre de cas des difficultés dans plusieurs directions :

  • Entre l'école et la famille.

  • Pour l'enseignant qui a l'élève dans sa classe.

  • Entre les enseignants : celui qui a l'élève et celui qui pourrait l'accueillir.

  • Dans la liaison entre l'école maternelle et l'école élémentaire lorsqu'il s'agit d'entrée anticipée au Cours Préparatoire.

  • Avec les partenaires institutionnels lorsqu'ils sont sollicités (RASED représenté le plus souvent par la psychologue scolaire, les responsables hiérarchiques.


 

Les problèmes surgissent aussi bien dans le cas où la demande est exprimée d'abord par la famille que dans celui où c'est l'école qui découvre la situation. Il est nécessaire de distinguer ces deux cas, toutefois, quelque soit la source de l'initiative, les précautions à prendre, la méthode à appliquer apparaissent très semblables.


 

Les inconvénients qui se présentent pour conduire cette opération, prévue par les règlements rappelons-le, prennent leur source à deux niveaux :

  • Celui des idées, de l'idéologie même, disons pour simplifier, du sentiment spontané de nombreux enseignants quand il est question pour un élève de prendre de l'avance, de "sauter une classe", donc d'appréhender la précocité.

  • Celui de la méthode, de la procédure. La tentation d'attendre ou au contraire d'aller trop vite, l'hésitation sur la conduite à tenir, l'ordre dans lequel poser les actes, etc.


 

Commençons par le domaine des représentations au sujet des élèves dont il faudrait raccourcir le parcours.

Sans céder à la généralisation, on peut dire que cette perspective est dérangeante pour de nombreux collègues. La tradition d'un cursus très scrupuleusement organisé – justifié d'ailleurs par les possibilités de la majorité des élèves – fait ressortir le court-circuit comme une anomalie qui surprend et dérange. Le rayonnement des projets égalitaristes dans notre société ajoute encore à cela. Nous préférerions que tous les élèves soient traités de la même façon. Et puis, il y a toujours un doute qui surgit : cette décision ne sera-t-elle pas regrettée? L'incitation, pourtant répétée, à la différenciation des apprentissages, à l'individualisation des parcours, n'est pas parvenue, dans ce cas, à lever toutes les résistances intérieures.

La première tâche se situe donc là, dans la prise de conscience de la nature de ces freins et dans l'effort pour s'en détacher. Il faut absolument que la décision soit le fruit d'une évaluation objective et qu'elle ne soit pas influencée par des à priori personnels. Ceux ci seraient de nature à produire des injustices ou à compliquer la relation entre l'école et la famille.


 

Une objection d'un autre type, plus éloignée des représentations idéologiques et attestant  d'un vrai souci du devenir de l'élève surgit dans la plupart des cas : en dépit d'excellents résultats, l'élève est-il assez mûr pour affronter ce qui pourrait constituer une épreuve déstabilisante ?

Cette objection n'est pas, reconnaissons le, très facile à lever car sur la totalité des élèves en avance ou "surdoués", nous avons un bon nombre de cas pour lesquels l'harmonie entre le développement intellectuel, l'avancement culturel et les autres aspects de la personnalité n'est pas assurée. Cela va plus loin, tous les professionnels savent que la précocité des apprentissages et la grande réussite scolaire peuvent très bien coexister avec une immaturité exprimée sur le plan social ou dans le développement des aptitudes physiques.


 

Sans tirer trop loin le constat, rappelons sous le couvert des psychologues que pour certains individus, le succès scolaire est une compensation, une stratégie par laquelle un enfant, à son insu, fait oublier ou se console de certains déboires dans d'autres domaines. Sans parler de ceux qui accomplissent de cette manière une mission imposée par les parents pour qui, un bon enfant est en premier lieu un bon élève.


 

La réussite scolaire ne garantit pas la maturité globale. Ce constat effectué, la décision reste à prendre. En considérant que nous avons à le faire dans un cadre scolaire, sur des critères scolaires. En remarquant que la dysharmonie que nous observons n'a pas perturbé les apprentissages, en se disant également que le refus du passage anticipé ne la règlerait pas. Au contraire sans doute, elle ajouterait une difficulté supplémentaire pour cet élève. La question à laquelle l'école doit répondre, porte sur le niveau acquis pour pouvoir suivre la classe dans laquelle se fera l'accueil. Lorsque l'on constate ce déséquilibre de maturité, surtout si il est frappant, il est utile de le signaler à la famille dans des termes appropriés, sans dramatiser. Ce sera l'occasion de rappeler que l'école se prononce sur des critères qui sont de sa légitimité mais qu'elle ne saurait aller au delà.


 

A partir de là, quels principes vont nous guider dans la construction d'une procédure aboutissant à une décision objective ?


 

Le premier tient à la rapidité et à l'anticipation. Dès que des indices sont relevés sur une éventuelle précocité, ne les négligeons pas, essayons de les recouper avec d'autres. Prenons note de toutes nos observations pour étoffer notre constat. Proposons, de temps en temps, à l'élève une tâche un peu plus poussée. Observons le dans certaines activités libres où il est en contact les livres, des jeux de logique. On sollicitera l'avis des autres adultes qui interviennent aussi près de lui (ATSEM en maternelle, collègues).


 

Le second principe consiste à tenir au centre de l'appréciation les apprentissages fondamentaux : langage, lecture, écriture, logique, numération et calcul. Un petit décalage dans d'autres domaines ne suffit pas à invalider ce qui est un jugement global.


 

Le troisième vise à poser la bonne question, celle qui répond au projet d'anticipation : l'élève possède-t-il les acquis permettant de suivre l'enseignement dispensé dans sa future classe d'accueil ? Il devra effectuer normalement le travail collectif dans cette classe, car on ne peut pas envisager, pour lui, un dispositif particulier durable, même si durant une période d'adaptation on prêtera une attention particulière à son travail.


 

Le quatrième principe veut que l'enseignant de la classe d'origine de l'élève , ne reste pas seul dans la construction de son jugement et dans sa prise de décision. Quels peuvent-être ses meilleurs appuis ? Un collègue du même niveau avec qui il pourra vérifier ses critères d'évaluation, le collègue qui connaissait cet élève l'année précédente, la personne qui effectue le complément de service (quand c'est le cas), l'ATSEM en école maternelle, le collègue de la classe supérieure susceptible d'accueillir l'élève, le psychologue scolaire. Ce dernier, par ses propres évaluations, pourra étayer ou modérer l'hypothèse de précocité et apporter des indications sur le rapport que cet élève entretien avec sa scolarité.


 

Le cinquième règle le mode de relation avec la famille. Que l'initiative revienne à celle-ci ou à l'école, on fait comprendre aux parents que la décision n'est pas improvisée et qu'elle ne répond pas à impressions ou des sentiments. On met en valeur la procédure qui permet de l'étayer, quitte à fournir quelques détails sur les évaluations que l'on va effectuer. On met l'accent sur l'aspect professionnel de ce que font les enseignants. Il ne faut surtout pas laisser l'impression que les enseignants agissent de manière subjective. Enfin, un filet de sécurité, même léger, doit soutenir la prise de décision. Un passage anticipé, même solidement motivé, doit s'accompagner d'une formule indiquant qu'un retour en arrière est possible si l'adaptation n'est pas confirmée. Ce cas n'est pas fréquent mais la précaution permet à tout le monde de s'apaiser. Dans certains cas, une période d'essai, ou d'intégration progressive, peut-être prévue. Un bilan, toujours explicite, sera effectué à la fin de celle-ci.


 

N'oublions pas non plus de donner à cette mesure un caractère officiel dans le cadre réglementaire. La convocation du Conseil de Cycle, voire d'une équipe éducative dans certains cas, est en principe requise. Le dossier doit cependant arriver très complet devant cette instance qui ne doit pas dégénérer en débat "Pour ou contre les passages anticipés" ou en échanges sur le sujet de "la maturité de l'élève". La décision de passage doit être validée par l'IEN, il est donc destinataire des travaux de l'instance qui propose cette décision. Celle-ci est transmise avec des motivations explicites.


 

Dès que l'on envisage de prendre une décision concernant son parcours scolaire, il faut penser à en parler à l'élève lui-même. Rien ne doit se tramer dans son dos. On s'abstiendra de lui demander de décider lui-même. Cependant si l'on estimait que cette perspective le trouble, la participation du psychologue scolaire pour un entretien avec lui serait bienvenue.


 

Il arrive que les parents désireux de promouvoir le succès scolaire de leur enfant cherchent d'abord la caution d'un psychologue d'exercice privé. Ils peuvent être tentés de mettre l'école en demeure de se conformer à cet avis extérieur. Rappelons que ce n'est pas envisageable sur le plan légal. L'évaluation est une prérogative de l'école – on indiquera aux parents que la procédure réglementaire, interne à l'école sera mise en route à leur demande, que les bilans émanant des consultations externes seront présentés en Conseil de Cycle à titre de compléments mais que les professionnels de l'école disposent de leur propre méthode. Le psychologue scolaire effectuera dans ce cas une utile médiation.


 

Pour conclure, la rédaction pour chaque école primaire ou groupe scolaire (école maternelle et élémentaire) de la procédure décrivant les différentes démarches (non exhaustives), décrites ci-dessus, nécessaire à un passage anticipé, apparaît comme la garantie d'un traitement serein et professionnel de telle situation. En se donnant, collectivement et par avance un cadre et une méthode, les enseignants éviteront cet embarras qui les saisit, si souvent, dans ces circonstances.

 


Date de création : 06/03/2010 @ 14:38
Dernière modification : 01/05/2015 @ 18:03
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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