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Plan d’ensemble

 1/ Introduction : une difficulté éprouvée, des enjeux pressentis mais un blocage difficile à dépasser.

 2 /La rencontre enseignants parents : de l’acte isolé à une action professionnalisée

 

 5/ Schémas pour guider, cadrer l’enseignant dans sa conduite de réunion. 

 6/ Typologie de motifs de rencontre. Conseils pour éviter les erreurs et faire évoluer les situations. 

 7/ Témoignages, vignettes, choses éprouvées, rencontrées, questionnements etc… 

 8/ Le travail instituant : au niveau de la démarche individuelle de l’enseignant

                                            au niveau de l’équipe et de l’école

                                            au delà ?

  9/  Le rôle du directeur dans la relation école- famille ( texte produit dans le groupe d’analyse de pratiques des directeurs)

10/ Conclusions et perspectives


 


 


 


 


 


 

Introduction.

 

 

Parmi les difficultés actuelles ressenties comme les plus aigues par la profession, la rencontre avec les parents d'élèves tient une place singulière en ce sens qu'elle est revêtue d'importantes contradictions.

Nous aurons plus loin à les détailler pour les comprendre et fournir les moyens de les dépasser, mais pour le moment, indiquons-les brièvement. Pour les formuler, le mieux est de se rapprocher des termes que les enseignants utilisent pour exprimer leurs préoccupations à ce sujet.

La plupart des rencontres sont évoquées sur un mode plutôt négatif : ou bien quand elles sont prévues, le témoignage d'appréhension angoissée domine, ou, quand elles ont eu lieu, soit on cite une expérience difficile, soit des résultats décevants. Pourtant la nécessité de ces rencontres est très habituellement affirmée : « il faut », « il faudrait » rencontrer la famille, « 'il ne faudrait pas tarder à leur en parler », « c'est indispensable qu'ils se rendent compte » ou encore « nous ne pourrons pas avancer sans la coopération ou la compréhension des parents » etc...

 

Mais à l'intérieur des équipes d'enseignants, il est bien connu que certains collègues repoussent, ajournent, voire s'esquivent devant cette opération pourtant estimée indispensable. On sait également, quand on est du métier, que cette crainte de la rencontre peut, sinon se justifier, du moins se comprendre : certaines expériences très éprouvantes ont laissé des traces chez nos collègues, le mélange de déni radical et d'agressivité parfois violente de la part de parents à l'égard des enseignants n'est pas rare.

 

La contradiction possède une autre version qui s'exprime au regard de la notion de compétence ou d'identité professionnelle. D'un côté on éprouve la nécessité de « travailler avec les familles » mais il est fréquent d'entendre un refus de « devenir éducateur familial » ou « assistante sociale ». On objectera en d'autres circonstances que « nous ne sommes pas formés pour cela ». Cette dernière formule mérite un détour dont ce dossier va fournir l'itinéraire. Il est exact en effet, que jusqu'à présent, les programmes de la formation des enseignants n'incluent pas, sauf de manière fugitive, ce volet de l'activité professionnelle alors que le discours officiel serait plutôt incitatif sur le thème de la « liaison école/famille ». D'un autre côté faut-il s'exagérer la difficulté de ce travail? N'y aurait-il pas des précautions simples et des règles de bon sens pour s'y préparer avec un peu de confiance ?

 

Puisque nous venons de faire allusion au plan officiel, disons au discours public ou hiérarchique, il est opportun de signaler que la cohérence est loin d'être totale à ce sujet. La relation entre enseignants et parents est valorisée, exigée même mais sur un arrière-plan institutionnel et règlementaire qui est générateur de difficultés. On invite moins parents et enseignants à rechercher une vérité au sujet de l'élève qu'à négocier sur la base de positions « a priori » et souvent antagonistes. Toutes les instances, procédures mises en place depuis l'avénement de la doctrine partenariale cherchent à obtenir des compromis, des résultats paritaires, mais n'incitent pas à ce que nous pourrions appeler une élaboration commune pourtant nécessaire quand il s'agit d'éducation.

 

Sous cet aspect nous aurons aussi à constater que la rencontre banale et concrète est souvent parasitée, à l'insu des protagonistes d'ailleurs, par ces discours sur la coéducation et le partenariat. Discours dont les arrières- pensées sont politiciennes mais dont la pertinence éducative est douteuse.

Ajoutons que l'école est en permanence de nos jours, le terrain d'un affrontement politique, la recherche d'alliances militantes entre parents et enseignants, ou à contrario, le constat de divergences idéologiques n'est pas pour clarifier les rencontres à propos des élèves.

 

On ne peut pas passer sous silence un autre type d'affrontement plus idéologique que politique qui sépare des choix éducatifs à propos notamment de tout ce qui touche à l'exercice de l'autorité, au maniement des sanctions, à la formulation des règles et à l'instauration de cadres et de limites. On sait que notre société moderne a renoncé à ce sujet à un consensus pourtant ancien et que le débat continue sinon à séparer franchement les gens du moins à semer le trouble. Dès lors on imagine à quel point il peut devenir périlleux pour les enseignants de saisir la famille, notamment à propos de toutes les perturbations qui touchent à la conduite sociale ou aux transgressions de leur enfant.

 

Comment passer d'une situation vécue dans la crainte et passivement, à un véritable travail reconnu comme faisant partie des gestes professionnels ? De quelle façon sortir de l'improvisation souvent brouillonne à une démarche réfléchie et à des opérations maîtrisées ? Comment replacer cette inter-action entre famille et école dans un champ où demeurent visibles les sous-entendus et les calculs non avoués de façon à pouvoir contourner les pièges au lieu de trébucher sur les obstacles ignorés ou sous-estimés ? A ces questions le présent dossier entend apporter des réponses.

 

Celles-ci concerneront l'ensemble des niveaux concernés par la difficulté. Autrement dit on s'intéressera aussi bien à la globalité de la situation qu'à ses détails, autant à l'analyse des paramètres qui sont en jeu qu'à la méthode à mettre en oeuvre. Le plan présenté ci-dessous permet de visualiser l'itinéraire.

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De l'acte isolé à une action professionnalisée.

 

 

Dans ce qu'expriment spontanément les enseignants, la rencontre avec les parents se présente sous la forme d'un éparpillement, d'une discontinuité d'événements plus ou moins marquants. Elle n'est pas majoritairement identifiée comme un des volets de la pratique professionnelle, comme rattachée de façon stable au métier.

L'importance qui lui est accordée est de l'ordre de l'affect, de l'émotion dans la plupart des cas d'aillleurs désagréable. C'est une tâche annexe, qui, dit-on parfois, « vient en plus », en surcharge.

 

La diffusion pourtant soutenue depuis deux décennies des doctrines partenariales ou « co-éducatives », qui incitent les protagonistes à se rencontrer en vue de buts communs, n'a guère modifié cet état de fait. Ces doctrines sont demeurées abstraites ; en tant qu'idées générales sur une société idéale, elles sont acceptées et font l'objet d'un discours assez consensuel. Elles sont « socialement et politiquement correctes », d'autant plus qu'elles se rangent aisément à l'intérieur du vaste accord social sur la « communication ».

Mais dire qu'elles sont entrées dans une pratique partagée et concrète serait exagéré. Il y a de très nombreuses raisons pour expliquer le peu d'empressement à pratiquer ces préceptes : culturelles, institutionnelles, règlementaires et juridiques. Il serait instructif de regarder comment chacun des acteurs (la famille, les pouvoirs publics, l'administration et les enseignants) y va de ses propres résistances. On se contentera ici d'évoquer la position des enseignants.

 

On ne peut pas décrire une attitude homogène et unanime mais les tendances générales à ce sujet sont fortes : l'idée de nouer des liens étroits et stables avec les parents d'élèves au sujet de la scolarité et de l'éducation ne soulève l'enthousiasme que d'un nombre très limité de collègues, les autres étant au mieux réservés et prudents et un assez grand nombre méfiants ou hostiles.

 

C'est déjà ce qui nous permet d'affirmer que cette activité n'est pas envisagée comme rattachable au coeur du métier. La contrainte que cela représente, le fait que l'événement se présente fragmenté et discontinu font que cette pratique ne peut aboutir à un savoir-faire professionnel référable, partageable. On pourrait dire avec un humour qui serait bienveillant que les enseignants ne sont pas devenus des « pros » du contact avec les parents d'élèves.

 

Que penser de l'objection parfois avancée : « nous n'avons pas été formés pour assurer cette tâche ». Elle est plus sérieuse en surface que sur le fond. Certes ce n'est que très récemment que les programmes de formation ont envisagé cet aspect, et encore, de façon modeste. Mais les facteurs les plus dissuasifs ne se situent pas à ce niveau. On peut comparer avec d'autres compartiments du métier peu anciens dans la tradition professionnelle comme la concertation en équipe ou certaines pratiques d'évaluations générales. Ces domaines, certes non sans mal, se sont tout de même fondus dans la globalité de l'action professionnelle sans avoir fait pour autant l'objet de formations préparatoires.

 

Ce n'est pas le cas pour la rencontre avec les parents. Pourquoi ? Et surtout pourquoi cet embarras alors même que les discours officiels sont très incitatifs ? Notre dossier se propose d'éclairer cette difficulté, mais il faut signaler tout de suite le « noeud » de l'affaire, une sorte de cercle vicieux qui laisse les professionnels comme paralysés.

 

Le défaut de maîtrise, l'absence de compétence si fréquemment évoqués à ce sujet s'entretiennent tout seuls. On se sent fragile, peu assuré et on va vers cette rencontre sans repères, sans confiance, voire sans préparation. Inversement, si on éprouvait que nous sommes dans un acte de métier, qui se rattache à notre responsabilité, pour lequel nous pouvons disposer de repères pour prendre position et de méthode pour contrôler l'événement, ce serait tout différent. On pourrait enclencher « une sprirale de réussite » et dans les cas où le succès n'est pas au rendez-vous, accepter le résultat sans culpabilité.

 

Cette sorte de cercle vicieux tient au fait que moins on professionnalise cette démarche, plus on la subit. Notre dossier veut apporter des éléments pour briser ce mécanisme, voire l'inverser.

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La rencontre parents-enseignants :

un moyen efficace pour soutenir les élèves en difficulté.

 

 

 

L'idée selon laquelle l'école et ses agents auraient à se débrouiller entre eux et avec l'élève de l'échec scolaire de l'élève demeure assez répandue. S'il s'agit d'un problème scolaire, il doit demeurer scolaire, être traité « à l'interne » selon une expression actuelle en ne prenant en compte que des paramètres relatifs à l'apprentissage scolaire.

Cette idée est d'autant mieux reçue que beaucoup d'enseignants appréhendent la rencontre avec les parents. Ils la vivent comme une épreuve difficile à affronter, si ce n'est dangereuse.

Pourtant, si on se place sur le versant de ce qui est éprouvé immédiatement par les enseignants, dès qu'un élève tombe dans une panne un peu sérieuse pour ses apprentissages, ou encore lorsque son comportement compromet son adaptation à la vie scolaire ou l'équilibre du groupe, les maîtres ressentent nécessaire d'effectuer une démarche en direction de la famille. Les slogans officiels sur la co-éducation, les « droits de la famille », la coopération école-famille incitent d'ailleurs fortement à cette prise de contact quelles que soient les réticences des maîtres.

La première obligation qui s'impose à l'esprit est celle d' « informer » : les parents doivent être tenus au courant d'un échec ou d'une conduite problématique. Dans ce deuxième cas on espère qu'une intervention autoritaire des parents, une réprimande, aboutisse à une amélioration dans la conduite. C'est le vieux reste d'une tradition qui apparaissait dans la formule adressée à l'élève : « je vais le dire à ton père ». Il allait de soi que l'autorité parentale et notamment paternelle viendrait appuyer l'enseignant et l'école.

Sur cet aspect, on sait que les choses ont changé. Les enseignants ont mesuré à quel point l'autorité était affaiblie dans la famille et le consensus éducatif entre famille et école fragilisé. Certes, on rencontrera encore des parents dotés d'une volonté de cohérence mais dans nombre de cas on viendra buter sur de l'indifférence quand ce n'est pas un père ou une mère soutenant ouvertement les transgressions scolaires de leur enfant. De telles situations, très décourageantes, expliquent le grand nombre de réactions négatives des enseignants face à la rencontre. Ainsi beaucoup concluent à l'inutilité, voire à la nocivité de la rencontre. Loin d'en supposer l'efficacité pour l'élève ils en redoutent les inconvénients pour eux-mêmes.

 

C'est à partir de cet état des lieux plutôt pessimiste que l'on voudrait ici faire apparaître une autre perspective. Il ne s'agit pas de minimiser les difficultés, les désagréments même, inhérents à la rencontre mais de démontrer que dans tous les cas, si certaines règles ont été suivies, l'élève en sera bénéficiaire. Nous aurons aussi à mentionner, dans les meilleures issues, un effet positif sur l'attitude parentale elle-même.

 

Si nous voulons considérer les effets éducatifs sur l'élève d'une rencontre entre ses parents et son enseignant, il faut opérer une distinction entre deux grandes catégories de difficultés, qui sont à l'origine de l'entrevue. Il peut s'agir de perturbation dans les apprentissages (retards, refus) ou de dérèglements dans la conduite sociale (transgressions, violences, conduites asociales diverses telles que vols, racket etc...). Nous n'oublions pas que ces deux aspects ne s'excluent pas et qu'ils peuvent aussi fusionner dans bien des cas.

 

Bien que la rencontre, son style, son déroulement et ses objectifs puissent différer selon que l'une ou l'autre des tendances que nous venons de mentionner est prévalente, on va ici mettre l'accent sur ce qui est commun à toutes les rencontres, quel que soit le motif qui les provoque.

Nous atteindrons facilement ce qui est commun en nous plaçant du point de vue de l'élève.

 

Partons d'une hypothèse acceptable par tous : n'importe quel élève a besoin tant pour sa bonne scolarité que pour vivre son enfance, que le lien entre sa famille et l'école soit aussi harmonieux que possible. Pour bien apprécier ce fait il est intéressant d'en observer le renversement : que se passe-t-il pour l'enfant/élève dès qu'il a le sentiment, même diffus, qu'entre ses parents et ses enseignants la relation est compliquée, parasitée par de la méfiance, du « non dit », voire parfois de l'hostilité ?

Un enfant n'a guère les moyens de se défendre de cette sorte de menace ou d'insécurité qui pèse sur lui dans ces conditions et plus il est jeune plus il subit ces inconvénients.

Tout enfant qui devient élève doit pouvoir trouver un équilibre entre la nécessité de demeurer l'enfant de ses parents et l'obligation de devenir l'être social que constitue le fait de devenir l'élève de l'école et de son ou ses enseignants. Aucun n'est excepté de cette tension qui constitue d'ailleurs le passage nécessaire pour grandir.

 

Si cette épreuve se déroule sans crise visible pour un nombre important, on perçoit aisément que pour une proportion significative des incidents ont lieu et que pour les élèves dits « en difficulté » le conflit ne peut être résolu de façon simple. Il éclate même parfois de manière fracassante dans des cas qui semblent devenir plus nombreux. Cette généralisation est due à une nouvelle configuration : l'éducation familiale, moins rigoureuse aujourd'hui, propose à la scolarisation dont les contraintes sociales demeurent élevées, des sujets qui ne parviennent pas à combler l'écart des exigences.

 

Si on garde bien en tête cette configuration, on saisira le sens et la portée du malentendu qui s'ouvre régulièrement entre les parents et les enseignants quand l'école signale une inadaptation. On comprendra aussi la nature du malaise de l'enfant lorsque cette incompréhension subsiste et s'aggrave.

L'école, en toute bonne foi, fait connaître les faits aux parents : c'est son devoir. La famille ne parvient pas à surmonter une épreuve d'angoisse et de coupure qui se formule à peu près comme suit : quel est cet enfant imprévu que l'on me présente ? Pourquoi m'infliger cette déception ? Connaissent-ils assez bien mon enfant pour en être sûrs ? Peut-être se trompent-ils ? Et s'ils disent vrai, comment continuer à avoir avec mon enfant une relation apaisée ?

On pourrait encore étoffer cette liste de réactions mais elle est suffisante pour faire ressentir le caractère aigu de la situation, surtout si on la complète par quelques indications relatives à ce que ressent l'enfant lui-même, explicitement ou pas, à ce sujet.

Il y a pour lui une perte d'équilibre entre deux pôles qui auraient dû constituer deux appuis fermes et qui se transforment en terrains mouvants. Il est comme tiraillé, écartelé, fragmenté dans cette situation où ses deux tutelles, familiale et scolaire, ne parviennent pas à lui assurer la protection suffisante et risquent même d'entrer en conflit l'une avec l'autre. Il n'a pas la possibilité de s'extraire de ce conflit, il est obligé de le subir.

Les « réponses » que l'enfant fournit dans ces circonstances forment une variété clinique sur laquelle il faut s'attarder. D'abord en se rappelant qu'il doit faire face à son angoisse avec ses possibilités d'enfant, avec « les moyens du bord » comme on dit. Il s'agit essentiellement de faire face à un désarroi qui ne peut ni être conçu comme tel ni encore moins être analysé. L'enfant « passe à l'acte » de différentes façons. La fuite dans l'échec en est un cas bien connu, il y acquiert une satisfaction douteuse et n'hésite parfois pas à souligner que ce désastre lui procure une identité. La position dépressive devant des exigences perçues comme insurmontables est fréquente et explique bien des échecs en remédiation. Les agressions destructrices contre le cadre sont monnaie courante. Diverses tricheries, impostures, travestissements peuvent également être observés : il s'agit de donner le change.

 

Si nous en revenons à notre considération de départ – comment soutenir l'élève en difficulté – nous pouvons maintenant envisager avec beaucoup plus de précision le rôle tenu par la rencontre entre les adultes. Non seulement elle joue un rôle d'information, ce qui nous oblige à ne pas la différer et à nous montrer très précis, mais surtout elle est la première étape d'un travail de reconstruction des possibilités de l'élève.

Négliger cette rencontre ou la traiter avec légèreté et formalisme ne peut que rajouter pour l'élève à la difficulté proprement scolaire, une difficulté personnelle qui va rendre la première encore bien plus délicate à aborder. En effet, nombre de projets d'aide et de soutien échouent non pas comme on le croit en raison de techniques pédagogiques insuffisantes ( il n'est pas certain que celles-ci doivent être très complexes ) mais parce qu'ils interviennent sur un arrière-plan qui n'est pas clarifié, dans un contexte obscurci par le malentendu et la brouille. A partir de là, l'élève n'est pas en mesure d'investir une proposition d'aide qui n'est pas portée par des adultes conscients et responsables.

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Questions posées, réflexions souvent entendues

 

«  Les parents, pas la peine de les voir, ça ne servira à rien »

Ce fatalisme peut cacher la recherche d’un prétexte pour ne pas engager l’action quand on pressent qu’elle sera difficile : on commence par postuler l’échec final, ce qui justifie qu’on ne commence pas.

Cela peut aussi dissimuler le fait que l’on n’est pas prêt au sens de préparé- à le faire. On ne dispose ni d’un dossier bien instruit ni d’une méthode. On se méfie plutôt de soi que des parents.

Enfin, il faut se rappeler que même sans succès visible, il demeure en toutes circonstances repérant pour l’élève de constater que son enseignant a tenu sa place.

 

« Puis-je reconnaître mes torts devant les parents ? »

S’agit-il de torts ? ou de limites ? Dans le premier cas, il faut savoir admettre un excès, une imprudence en ne se mettant pas à genoux et en utilisant des termes bien pesés. Plutôt dire « je n’avais pas toutes les données, j’ai sous-estimé ou surestimé ceci ou cela »

Dans le second cas, il faut toujours rappeler que les métiers d’éducation ont des limites. Ils ne donnent jamais 100% de succès. Ce rappel est essentiel aujourd’hui car on est tombé dans l’illusion. On peut garantir le maximum d’efforts de vigilance, jamais le succès assuré. Il ne dépend pas que de nous.

 

« Comment est-ce que je peux leur dire cela ? »

Cette inquiétude nous vient soit au moment du constat d’une difficulté majeure dans l’apprentissage (la carence est sérieuse et durable), soit à l’occasion d’une transgression majeure qui laisse penser à des troubles de la personnalité ( acte de torture, racket, attouchements sexuels qui récidivent par exemple)

C’est vrai que l’on n’a pas envie : on se met à leur place. L’idée selon laquelle plus on intervient vite, mieux c’est peut nous aider à faire la démarche. Traîner les choses ne fera qu’aggraver le problème et renforcer notre hésitation.

 

«  Je n’ai rien à leur dire »

C’est une parole de dépit. Il y a beaucoup à dire mais des choses qui ne sont pas faciles à dire ou qui relèvent de l’adage « toute vérité n’est pas bonne à dire ». C’est le cas lorsqu’on découvre que l’attitude familiales est directement la cause de la difficulté scolaire. Dans ce cas, il ne faut pas trop parler ni « à tort et à travers », mais il est indispensable de signaler la difficulté et de nouer le contact. Si celui-ci est convenable, on en profitera un peu plus tard pour aborder « les sujets qui fâchent ».Mais alors, on aura suffisamment resserré le lien pour qu’il n’y ait pas de rupture.

 

« En voyant les parents, je me suis rendu compte de l’ampleur du problème, c’est pire que je ne pensais »

En effet, la rencontre peut servir de révélateur d’un contexte éducatif familial dont on n’avait pas soupçonné la dégradation. Il arrive même qu’on mette le doigt sur de la maltraitance. ! Bon finalement il vaut mieux le savoir en essayant tout de même de ne pas modifier notre attitude par rapport à l’élève concerné soit en s’enfonçant dans le pessimisme (avec une famille comme ça !) soit en le surprotégeant.

 

« Quand j’ai vu ou entendu le père ou la mère, je ne savais plus quoi dire, j’ai perdu mes moyens. »

Le profil de personnalité de certains parents peut nous déconcerter. Surtout si nous sommes subjectivement très sensibles à certains traits qui font écho à des traits de notre histoire : un seul exemple pour illustrer : les retrouvailles avec une mère autoritaire qui , justement, nous faisait perdre tous nos moyens.

Il faut en plus de cette prise de conscience, se fortifier par une bonne préparation technique. Pour conserver l’initiative en dépit des phénomènes inter- subjectifs, on s’appuie sur son « plan de réunion » et on apporte des éléments concrets.

 

 

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Les motifs de rencontre

 
 

1 /Le retard scolaire et la difficulté d’apprentissage

  

      - S’appuyer sur un bilan précis des compétences et acquis de l’élève pour dresser un bilan argumenté, concret de ses difficultés.

 

      - Faire remarquer qu’une scolarité ordinaire demandera des aménagements ou n’est pas envisageable ( orientation en SEGPA par exemple à préparer largement en amont)

 

      - Présenter un programme précis et simple des apprentissages que l’on souhaiterait aborder avec l’élève ( sans garantie de résultats ), mais modeste pour espérer de véritables acquisitions.  Préciser qu’un programme adapté permettra à l’élève de progresser, alors qu’un programme   ordinaire qu’on essaierait à tout prix de suivre conduit souvent à la régression.

 

      - Ne pas occulter le fait qu’une scolarité à besoins particuliers au sein d’un groupe classe a ses limites :   Une classe est par essence organisée pour fonctionner collectivement, c’est un cadre fixe auquel on ne peut toucher. La marge de manœuvre pour proposer des apprentissages individualisés est réduite ( disponibilité de l’enseignant, décalage avec les autres élèves, préparations multiples, analyse précise des besoins…)

                       

 2/ La mise en place de l’aide personnalisée

 

 Il s’agit d’une rencontre dont l’enseignant est à l’initiative puisqu’elle entre dans le cadre des actions demandées institutionnellement. Il faudra donc la présenter comme telle aux parents. Auparavant, on prendra soin d’avoir fait un bilan précis du travail de l’enfant et on choisira un domaine à travailler de façon temporaire et pointue. On présentera ce dispositif comme une aide spécifique portant sur un domaine bien défini et avec une durée déterminée. On montrera à l’élève et à ses parents  qu’il ne s’agit pas de le cataloguer comme « faible » ni de le surcharger de travail mais plutôt de lui faire profiter d’un moment où le maître sera disponible pour lui. De la même façon, on prendra garde à ne pas présenter cette aide comme « miraculeuse «  mais comme une tentative où chacun-le maître et l’élève- essaiera de faire de son mieux avec les conditions , le niveau de l’élève tels qu’ils sont.

 

3/ Les incidents du comportement

 

 Là aussi, c’est une rencontre à l’initiative de l’enseignant. Selon la gravité de ces incidents, on peut dans un premier temps régler cela à l’école par un rappel des règles et éventuellement une sanction appropriée. Dès que ces « incidents «  deviennent plus préoccupants, on demandera aux parents une entrevue, à laquelle l’enfant sera présent (toujours ?). Avant ce rendez-vous, on aura en tête ou on aura écrit les faits précis qui sont répréhensibles. On les rappellera à l’enfant et on les présentera à ses parents de la façon la plus objective possible. Ensuite, il faudra rappeler les règles de l’école et le cas échéant présenter la sanction dont l’élève pourra mesurer la légitimité( ?). Si les parents sont en désaccord, on s’appuiera sur le règlement de l’école 

Dans certains cas, à l’issue de la rencontre on proposera à cet enfant qui dérape une entrevue avec un membre du RASED.

 

 4/ Le conflit pédagogique ou culturel entre la famille et l’école.

 

 Il ne s’agit pas d’un conflit sur des motifs très généraux mais bien d’un différend très caractérisé qui porte sur la manière d’enseigner ou encore sur un contenu scolaire.

Dans le premier cas, il s’agit par exemple de la méthode de lecture ou du travail à la maison. Dans le second (conflit culturel), on refusera les sorties scolaires, la fête de Noël ou simplement le sapin décoré dans la classe.

L’enseignant qui subit ce conflit doit distinguer deux catégories parmi ses contradicteurs :

Des parents issus de minorités spécifiées par des particularismes religieux, des attirances sectaires, des cultures étrangères etc…

De véritables « bons français » très sûrs d’eux-mêmes, lecteurs de livres et d’articles sur la pédagogie qui prennent fait et cause pour des méthodes. Parmi eux parfois de véritables militants qui sont « pour ou contre »(les devoirs sur table, les leçons à apprendre, tel livre de lecture etc…)

Dans le premier cas, il faut penser à prendre deux appuis :

Insister sur la laïcité au sens français du terme : les contenus et les méthodes en vigueur dans nos écoles sont définis par des textes réglementaires de portée nationale.

Rassurer : nous nous efforçons de ne pas isoler leurs enfants ni de les pénaliser. Si nous sentons que quelque chose gêne tel élève, nous en tiendrons compte.

Dans le second cas, nous avons à faire avec une rivalité moderne qui prend sa source dans une concurrence éducative entre la famille et l’école et aussi dans la dissémination vulgarisée des théories éducatives et pédagogiques. Il nous faut :

Produire des références qui nous autorisent à pratiquer de la sorte.

Insister sur le fait que dans les grandes querelles pédagogiques (la lecture par exemple), l’école s’en tient à des démarches moyennes, des compromis. Il est rare d’avoir des apprentissages de lecture en méthode globale intégrale par exemple.

Il existe tout de même des enseignants militants qui peuvent marquer nettement leurs préférences et afficher des démarches ostentatoires. Ceci est à déconseiller car il leur faudrait supporter seuls l’affrontement, voire le désaveu de leur hiérarchie.

Dans les deux cas, on procède en deux temps :

On engage d’abord l’échange en apportant toute les précisions propres à rassurer.

Si on n’obtient aucun résultat, il faut signaler hiérarchiquement la discorde en produisant les éléments du dossier : objet du litige, arguments des parents, précisions sur notre manière de faire etc…

 

 5/  L’enfant précoce ou surdoué et la demande parentale

 

 On n’abordera ici que les cas problématiques en sachant que lorsque l’école ayant détecté une précocité propose une mesure, les conflits sont plutôt rares. La difficulté la plus fréquente surgit lorsque c’est la famille qui est demandeuse en premier et l’école ou bien n’a rien observé ou bien a des doutes.

Actuellement ce type de difficulté est plutôt en progression pour deux raisons. La première, c’est qu’on a répandu de façon irresponsable, l’idée que bien des inadaptations scolaires seraient le fait d’enfants précoces ou surdoués que l’école ne comprendrait pas ou ne détecterait pas. Evidemment on se retrouve avec des parents très narcissiques qui veulent bien que la difficulté scolaire de leur enfant soit due à une supériorité de celui-ci.

La seconde raison tient à ce qu’un grand nombre d’enseignants résistent à l’idée d’avoir des élèves qui « brûlent les étapes ». c ‘est un peu contrariant quand on enseigne de constater ce phénomène. De plus on peut craindre un décalage entre la performance scolaire et la maturité globale et donc des difficultés ultérieures .

Comment traiter ces problèmes avec méthode ?

Premier effort à produire : lutter contre les à-priori. Mettre de côté ses résistances idéologiques du type « égalité de cursus pour tous ». Abandonner aussi des réactions de prestance qui viendraient du fait que l’on croit que notre autorité est mise en cause : « qui est –ce qui sait , dans cette affaire ? »

Deuxième précaution : avant tout, mesurer et évaluer. Réaction technique et professionnelle. On n’a pas à échanger des croyances à ce sujet mais à mesurer des faits pour aboutir à une décision. Indiquer donc aux familles que cela se mesure.

Troisième précaution : le travail d’équipe, la référence collective. Il faut se rattacher à ceux de nos collègues qui connu tel enfant auparavant ou qui le recevront ensuite ou qui ont des classes de même niveau. Le RASED peut être sollicité.

On indiquera donc aux parents la mise en place d’une procédure d’évaluation : quoi ? Comment ? Avec qui ? On leur dira qu’à l’issue de cette procédure, on leur présentera des conclusions qui entraînent des propositions. S’ils ne les acceptent pas, nos règlements prévoient des recours hiérarchiques selon une procédure administrative appuyée sur les pièces du dossier.

Il y a des précautions à prendre avec l’élève qui ne doit pas se retrouver l’enjeu d’un conflit. Il est tenu au courant de ce qui va se dérouler.

 

 6/ Les litiges rattachés au service partagé

 

 Il s’agit d’une rencontre à l’initiative d’un parent qui vient se plaindre de contradictions ou incohérences dans une classe dont deux enseignants sont les maîtres. Notons d’abord que pour limiter cette situation, il est important que ces deux enseignants se soient suffisamment concertés pour définir une ligne de conduite de classe commune , des exigences allant dans le même sens. Même si leurs points de vue divergent, il faut réussir à établir un consensus afin que les enfants ne soient pas perdus et que leurs parents puissent avoir confiance. Il ne faut pas hésiter à définir des modalités précises de fonctionnement quotidien( prise de parole, règles de vie de classe, tenue des cahiers, exigences de travail) Malgré cela, comme chacun enseigne avec sa personnalité, des différences peuvent être gênantes. L’enseignant qui recevra le parent notera de façon précise ses griefs , s’en entretiendra avec son collègue et ils conviendront d’une façon de faire qui ne laissera pas paraître de contradictions. Dans tous les cas, le collègue qui partage le travail doit être informé de ce qui s’est dit lors de cette rencontre et le parent doit  savoir que ses paroles seront rapportées. On montrera bien que les décisions importantes sont prises en commun et on ne laissera pas s’installer une situation de dénigrement de l’autre.

 

 7/  Elèves handicapés, malades relevant d’une adaptation de vie scolaire ou d’une vigilance particulière.

 

 Ce type de rencontre nécessite une préparation rigoureuse et approfondie :

 

                         - Bonne connaissance du dossier ( prise d’informations auprès des différents partenaires qui interviennent auprès de l’élève : médecin, enseignant référent de la MDPH, psychologues et intervenants spécifiques du type ergothérapeutes, orthophonistes….).

                          Ceci est très important pour assurer notre crédibilité auprès de la famille qui doit sentir un travail d’équipe, un projet commun.

 

                           - Présenter le PPRE ou le PPS ( Projet Personnalisé de Scolarisation) après évaluation des compétences et acquis possibles de l’élève.

                             Cette proposition mérite aussi d’être préparée en équipe : Qui fait quoi ?  Quel type d’intervention en fonction de sa spécificité( quand, où et comment ?..)

 

                           - Ecouter attentivement la famille qui a souvent « une longue et douloureuse histoire à raconter. »

                              Prendre acte de ce qui est transmis avec si possible de l’empathie, mais pas de sentimentalisme exagéré. L’enseignant se doit de respecter sa place.

                              Inviter la famille à s’exprimer sur le projet prévu pour leur enfant ( correspondance ou pas avec leurs attentes, faisabilité en fonction de critères qu’ils peuvent mieux maîtriser que nous du type « fatigabilité, attention… »)

                               Penser à dire que l’école , ce n’est pas uniquement des apprentissages didactiques mais aussi de la socialisation , des rencontres…

                            

                           - S’abstenir de communiquer ses points de vue personnels sur l’accueil des élèves malades ou handicapés  ( du type : c’est formidable, à bas la discrimination ! ou c’est totalement illusoire…)

                             Ceci n’empêche pas de noter et communiquer les limites d’une telle scolarisation et les difficultés qu’elle pose concrètement.

 

 8/  Incidents relationnels entre élèves : violences, racket , attouchements, menaces, insultes…

 

                             - Ne rencontrer les parents que lorsque que l’on juge nécessaire qu’ils soient informés ( un grand nombre d’incidents  se règlent heureusement sans leur présence, l’élève a sa vie propre au sein de l’école )

                           

                            - Lors de la rencontre , on rappelle les faits et les circonstances ( protagonistes, lieu, déroulement, dénouement,  type de surveillance  au moment de l’incident….)

                           

                            - On présente notre prise en charge de l’incident et la sanction qui a été prise :C’est une information et non un débat ou une discussion du type «  qu’en pensez-vous ? »             

                           On rappelle que l’école a un règlement, une « loi » qui lui sont propres et que notre décision est en référence et en accord avec ces règles. Ceci permet d’éviter les débordements liés à  l’émotion ( agressivité, dépit…),ou aux sentiments personnels ( votre gosse est mal élevé , votre sanction est intolérable … )  de la part des différents acteurs de la rencontre :

                             - On encourage les parents à nous aider pour que la loi de l’école soit reconnue et respectée ( quels que soient leurs sentiments.)

                            

                             - Dans tous les cas, si on se sent « débordé », on revient toujours aux faits et rien qu’aux faits….

 

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1. Semaine de rencontres avec des parents

 

Les trois premières rencontres m'ont semblé intéressantes par les questions posées par les parents qu'on devine fortement inquiets. Ces questions méritent en effet une réflexion.

 

La dernière rencontre est plus problématique. Situation pas nouvelle déjà connue et analysée mais je me suis encore fait avoir.

 

 mardi matin : Théo

 Rendez-vous pris très rapidement à l'initiative des parents très inquiets des évaluations de grammaire et de géométrie (reproduction sur quadrillage)

 

« On a refait avec lui, on a trouvé d'autres exercices, on s'est pris la tête. On voudrait savoir sur quoi on doit être exigeant et là où il ne faut pas s'inquiéter. »

 

 mardi : Camille

 La mère est inquiète que je veuille la voir pour la deuxième fois de l'année.

« C'est la catastrophe, c'est ça. Mais dites-moi que ma fille n'est pas nulle.  Non, parce que mon mari (le beau-père), il dit que Camille est nulle et qu'elle ne veut rien faire. Elle a fait des progrès quand même non ? »

Camille est en grande difficulté scolaire (et autre sûrement). Je prépare une lecture adaptée et je souhaite réduire le nombres de mots appris en orthographe.

« Mais Camille va prendre du retard si elle n'apprend plus ses mots. »

A propos de la différenciation « Toujours pour Camille »

 

 vendredi soir : Antoine

 Je souhaitais rencontrer les parents pour leur expliquer que je vais travailler avec Antoine en soutien sur son écriture. J'ai expliqué la situation et ce que je voulais mettre en place, nous avons fait le point plus généralement sur les apprentissages également. Antoine lit bien, est un peu fragile en mathématiques mais Antoine s'accroche bien et après une ou deux séances où nous prenons un peu plus de temps avec 3 ou 4 élèves, les apprentissages se mettent en place. Je suis plutôt satisfaite du travail d'Antoine. Arrive alors la question des parents :

« Et pour les redoublements, vous prévenez les parents quand ? »

 

 samedi matin : Samuel.

 Gros soucis de comportement l'an passé. Équipe éducative en présence de l'inspecteur fin mai avec menace d'exclusion si Samuel se comporte mal ou si les parents ne se montrent pas suffisamment coopératifs (la situation étant tendue avec la famille, le père ayant insulté notre directeur sur le répondeur téléphonique)

 

Début d'année correct pour  Samuel, quelques mauvaises journées mais dans l'ensemble on est loin du comportement de l'an passé. Dégradation en fin de période surtout sur la cour de récréation.

Je rencontre les parents tous les quinze jours.

Retour des vacances très difficile, c'est Samuel tous les jours et avec tous les intervenants de la classe.

 

Rencontre donc avec les parents.

J'ai eu l'impression de batailler tout le rendez-vous.

La mère est silencieuse, c'est le père qui parle. Il détourne tout : « Il est rentré en pleurant car il a été puni mais c'est sa voisine qui discutait ; vous dites qu'il fait des réflexions désagréables aux adultes ou aux enfants de la classe mais nous en entendons d'autres sur les enseignants (par d'autres enfants ou adultes, je n'ai pas compris). Vous nous dites qu'il se passe ceci mais Samuel nous dit autre chose. » Les parents font plus confiance à leur fils qu'à moi. Pourtant cela a été un des points de l'équipe éducative l'an passé.

 

Bref, le père cherche à me faire dire que nous nous en prenons à Samuel parce que c'est Samuel mais que nous ne disons rien aux autres enfants. « Samuel a été pris en grippe par les enseignants de l'école, ça ira mieux quand Samuel sera dans une autre école ».  (au collège peut-être).

 

Lorsque j'évoque une recherche commune de solution, une implication de toutes les parties, le père répond : je ne suis pas à l'école, je ne peux rien faire.

 

J'ai parfaitement conscience des manœuvres du père et me méfie de ce que  je dis,  il ne faut pas que cela puisse être interprété par le père.

 

Au fil de l'entretien, le père m'agace alors autant que Samuel en classe. Je n'arrive pas à aller vers une recherche possible de solution avec une implication plus importante des parents. Ils sont bien d'accord de reprendre Samuel lorsqu'il s'agit de la tenue des cahiers mais pour le comportement, je n'ai pas autant de succès. Non, le père me ramène toujours à la voisine de Samuel (qui n'est plus sa voisine d'ailleurs puisque Samuel est maintenant à une table seule) et moi je reprécise encore que nous avons rendez-vous pour discuter du comportement de  Samuel qui n'est pas acceptable et non pas des autres enfants.

 

Et paf arrive le coup du manteau de pluie bleu, vert et rose. Samuel ne veut pas le porter car les autres élèves se moquent de lui. Et là, je me prends les pieds dans le tapis en invitant Samuel (qui nous a rejoint pour la fin du rendez-vous) à ne pas tenir compte des remarques des autres enfants (en pensant mais pourquoi il ne lui en rachète pas un autre, le manteau en question étant celui de la grande sœur, je n'ose pas le suggérer la famille étant de petit milieu social). Il va sans dire que le père a sauté sur l'occasion. Cela en était trop pour moi, j'ai clos  l'entretien en donnant rendez-vous dans les quinze jours mais en précisant que si les parents restaient sur cette position, je  craignais que le comportement de Samuel n'ait pas évolué.

 

Je suis rentrée très énervée avec le lourd sentiment d'avoir raté mon rendez-vous. Rien de concret et de positif n'ayant pu être réellement évoqué. Et je refais le rendez-vous dans ma tête « Mais c'est ça que tu aurais dû lui dire, lui rappeler qu'il avait déjà été discuté lors de l'équipe éducative des différences de discours entre l'école et Samuel à la maison et que nous n'allions pas revenir là-dessus par exemple. » (manque d'affirmation de ma part ou de préparation, j'avais bien lu le compte-rendu d'équipe éducative en début d'année mais ne l'avais peut-être plus suffisamment en tête.)

Par ailleurs, je suis tellement convaincue  que tout vient du rapport des parents à l'école et du rapport des parents envers leur fils, qui pendant six ans a été le fils de la maison né après deux filles, à qui on passe tout (il y a maintenant un petit frère), que finalement je ne pouvais que rater ce rendez-vous, celui-là ou le prochain. En fait, on tourne en rond. Que propose-t-on à des parents qui refusent de voir les choses et qui mettent leur enfant sur un piédestal ?

 
 
 

2. « Vous avez dit que »

 

Une mère d’élève souhaitant voir très rapidement la maîtresse, un rendez- vous a été pris pour le soir même. L’élève était un enfant prétentieux qui prenait la parole sans la demander et intervenait sans cesse sans laisser de place aux autres. Il avait donc été souvent réprimandé sèchement. Sa mère est venue, sans lui, reprocher à la maîtresse « sa méchanceté ». Le plus difficile étant de la voir sortir un petit carnet dans lequel elle avait consigné les remarques de la maîtresse ! Après un moment de désarroi et de surprise, la maîtresse lui a répondu qu’en effet ce qui était écrit avait été dit, pas toujours avec tout le calme souhaité,  mais que cela s’expliquait par le comportement inadmissible de son fils. La maîtresse ayant  demandé si l’enfant souffrait de ces réprimandes, il lui a été répondu : « non, lui ne se plaint pas, ce sont les copains qui me disent… » Il a été convenu qu’un résumé de cet entretien serait fait à l’enfant qui essaierait de modifier sa conduite.

Le lendemain, l’enseignante a fait le compte- rendu de ce RV à l’élève et a formulé ses attentes quant à la modification de sa conduite. Cet entretien a porté ses fruits et ensuite la conduite de l’élève s’est améliorée.

Il est fort probable que sans cette rencontre qui a eu lieu assez tôt dans l’année, la situation se serait dégradée avec beaucoup d’animosité de la part de la mère et un agacement croissant de la part de l’enseignante.

  

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La rencontre parents enseignants : il faut instituer

 
 

Attention au mot instituer qui n’a rien à voir avec l’idée de hiérarchie. Il na s’agit pas de faire ce que veulent les chefs mais d’abandonner une manière de faire hasardeuse, irrégulière et aléatoire pour adopter une démarche stable, obéissant à des principes. Ce qui est instituer fait référence des deux côtés : on sait que les choses se passent ainsi et pas autrement. Autrement dit, il y a des règles du jeu.

Pour l’enseignant, à titre individuel : il se donne des règles qui demeurent stables. Il s’en tient à une méthode et ne se pose pas toujours la question « qu’est-ce que je vais faire ? »

Pour les enseignants en équipe : on essaie de se donner des principes qui ne soient pas trop divergents. Sinon on s’expose à ce que les parents profitent de la division.

Sur quels aspects vont porter ces principes Voici une liste qui n’est pas forcément achevée mais qui fournit des bases pour réfléchir seul ou à plusieurs dans une école.

 

Premier principe : la rencontre parents enseignants est un outil de travail et un acte professionnel et pas seulement un inconvénient du métier qu’il faut éviter.

 

Deuxième principe : dès que le motif de la rencontre paraît suffisant, l’entrevue ne doit pas être différée. C’est le principe de rapidité. Si nous sommes trop lents, c’est interprété ainsi : « ils hésitent et ce n’est pas grave » ou encore «  ils n’osent pas profitons-en »

 

Troisième principe : celui qui est à l’initiative de la rencontre motive sa demande. Il ne dit pas  « je veux vous voir » mais « je veux vous voir pour ». Nous affirmons ici notre professionnalisme et nous évitons l’intimidation psychologique qui entretient la crainte : « qu’est-ce qu’ils me veulent ? »

 

Quatrième principe : il est nécessaire en demandant la rencontre, d’offrir aux familles des horaires et jours d’ouverture suffisants et de préciser une durée approximative. On ne fournira pas ainsi un prétexte aux personnes de mauvaise volonté : « j’y serais bien allé mais on ne m’a donné qu’une date » ou « à cette heure-là, je ne peux pas ».

 

Cinquième principe : se rappeler que la rencontre n’est pas une simple conversation. Elle a un but, il faut avancer dans la résolution d’un problème. L’enseignant dirige l’entrevue. Il débute par une présentation des faits, propose un échange, une confrontation de points de vue et un apport réciproque d’informations. Il conclut sur les résultats obtenus et propose si nécessaire une suite. Si on se revoit, on donne des délais.

 

Sixième principe : on conserve une trace minimale. Eviter l’alourdissement bureaucratique mais laisser la marque du travail effectué. C’est utile d’un point de vue contractuel. Ce sera précieux en cas de contentieux. («  ce n ‘est pas ce que vous aviez dit ou convenu. »

 

Autre précaution : un enseignant se fera accompagner d’un collègue dans les cas suivants :

- En cas de contentieux grave accompagné de menaces ou de propos agressifs. Le tiers est un observateur de ce qui ce déroule. Il peut fournir un soutien en cas de menace réelle.

 

- S’il y a besoin d’un complément d’avis, d’expertise. C’est un tiers auxiliaire qui est là pour apporter des données plus approfondies ou particulières. Par exemple, ce sera un maître d’une classe de même niveau, ou encore la personne qui complète le service, ou le maître qui  avait l’élève l’année précédente. Un membre du RASED a également toute sa place de ce point de vue.

 

- Lorsque le conflit entre la famille et l’école est chronique, la présence du directeur est utile.

 

Quels sont les lieux pour instituer ces règles ?

- La réunion de classe : le maître indique aux familles les modalité de rencontre possibles : à propos de quoi ? De quelle façon ? Pour résoudre quelles difficultés ?

 

- La réunion de cycle : permet à des enseignants de niveaux proches ou de même niveau d’effectuer des mises en commun sur la méthode, de se solliciter réciproquement pour s’accompagner en cas de besoin.

 

- Le conseil des maîtres : c’est le lieu primordial pour instituer les principes pour une école.

 

- Le conseil d’école : il est destinataire de l’ensemble des principes gouvernant la rencontre pour une école. Si l’atmosphère est partenariale, l’avis du conseil, ses observations à ce sujet peuvent être sollicités.

 
 

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Conclusion et perspectives

 
 

Les pages qui précèdent ont mis en évidence les bénéfices que l’on pouvait retirer d’une conception positive de la rencontre entre l’école et la famille  Notamment en ce qui concerne l’évolution des élèves qui rencontrent des difficultés dans l’adaptation scolaire.

Mais comme nous avons essayé de l’établir, cette volonté, si elle existe, doit s’appuyer sur une méthode. Autrement dit, c’est une démarche qui ne s’improvise pas. Les enseignants ont intérêt à se l’approprier progressivement en s’accrochant à un certain nombre de  principes  stables que nous avons présentés.

Pour terminer, il reste à évoquer un certain nombre de bienfaits d’ordre plus général qui sont apportés par une relation professionnalisée et méthodique avec les parents. La manière rigoureuse d’entretenir les relations et notamment lorsqu’elles surgissent de situations délicates, apporte en outre un équilibre professionnel dont nous avons bien besoin à une époque où s’installe le doute sur l’identité professionnelle. 

Commençons par l’isolement des enseignants ; un mal social ?une souffrance individuelle ? Les deux ensemble probablement. Les causes de cet isolement sont plurielles. On y trouve des facteurs politiques et institutionnels (on les laisse « se débrouiller ») , des facteurs culturels (la société n’a pas de respect pour la culture scolaire), des considérations sociologiques plus ou moins fantaisistes (protégés en tant que fonctionnaires et même privilégiés ). Devant cet état des lieux, il n’est pas opportun d’esquiver la rencontre entre les parents et l’école. Au contraire, en la pratiquant avec confiance et compétence, les enseignants vont renforcer une relation sur la base du professionnalisme.

Ensuite, considérons un aspect très toxique du métier actuel : le risque d’oppression , de harcèlement, les menaces explicites etc…On ne peut plus contester que c’est devenu une vraie préoccupation. Or le danger, soulignons –le, vient de parents certainement très particuliers, marginaux ou susceptibles, mais toujours dans un rapport sauvage, non régulé avec l’école. On ne pourra pas faire face à tous les cas, mais le fait pour notre profession de poser les termes d’une relation réfléchie et sécurisée aura un effet de prévention. Disons-le tout simplement : quand on sait que la rencontre sera régulée, sécurisée, on la redoute moins et cela freine les réactions d’agressivité.

Parlons aussi de ce besoin de reconnaissance si souvent formulé par certaines professions dont la nôtre. Il faut mettre en garde contre cette attente sentimentale qui est le fait de certaines personnes quelque peu immatures. Ceci étant fait, les enseignants sont « reconnus » par les parents surtout dans leurs manières d’être avec ceux-ci, dans la façon dont ils procèdent quand ces parents expriment des inquiétudes, formulent des objections. Les enseignants doivent d’abord faire acte de compétence dans la classe, c’est certain. Mais les parents ne voient que peu ou pas cet aspect. Ils sont, par contre, sensibles à la façon dont les fonctionnaires sont capables de poser les termes d’une relation rassurante.

La construction d’une relation équilibrée entre l’école et la famille n’est pas un détail technique, ni une option que chacun pourrait ou non investir en fonction de ce qu’il croit être ses idées sur le métier et qui en réalité relève souvent du domaine émotionnel. L’enjeu, très large, de cette activité englobe l’identité professionnelle et participe beaucoup plus qu’on ne le pense à une expérience professionnelle efficace et satisfaisante.




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Date de création : 28/02/2010 @ 16:13
Dernière modification : 01/05/2015 @ 18:05
Catégorie : ACTIVITES - Guide pratique du professeur des écoles
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